film du mois_FEV22

BILAN | Nos coups de coeur du mois de février 2022

Chaque mois, les membres de la rédaction vous proposent leur film préféré lors du bilan du mois, celui qu’il fallait découvrir à tout prix en salle ou dans votre salon (sorties SVOD, e-cinema…). Découvrez ci-dessous les choix de chaque rédacteur de Le Bleu du Miroir pour le mois de février 2022.

Le choix de Thomas Périllon

THE INNOCENTS d’Eskil Vogt

Découvert au hasard d’une projection de reprise en banlieue de Cannes, dans une petite salle confidentielle, The innocents a été un choc dont les effets ont persisté de nombreuses semaines – et plusieurs mois, au final – après sa découverte. Eskil Vogt capture toute l’ambivalence de l’enfance entre cruauté et innocence, dans une proposition intime et fantastique sidérante qui happe, secoue et marque les esprits. Saluons donc l’écriture de ces personnages à l’aube de l’adolescence, bonifiée par l’extraordinaire justesse des jeunes comédiens, bluffants, et sublimée par la somptueuse photographie de Sturla Brandth Grøvlen (formidable chef-op à qui l’on devait déjà Drunk et Victoria) jouant avec la lumière et les ombres pour accentuer l’atmosphère inquiétante de ce thriller exerçant une sorte de fascination autour de protagonistes imprévisibles. Un sacré tour de force qui démontre qu’au-delà du remarquable scénariste (ayant co-écrit tous les films de Joachim Trier), Vogt est aussi un remarquable metteur en scène et directeur d’acteurs !

Le choix de Florent Boutet

LES POINGS DESSERRÉS de Kira Kovalenko

Dans une veine naturaliste qui n’est pas sans rappeler Tesnota de Kantemir Balagov, lui aussi élève d’Alexandre Sokourov, Kira Kovalenko impressionne par sa maitrise d’un sujet difficile où elle réunit majoritairement des acteurs non professionnels. Grand prix Un certain regard en juillet dernier au festival de Cannes, Les poings desserrés est un film étouffant qui parle avant tout de liberté et dresse un très beau portrait de femme, empêchée dans sa construction par un drame qui a conditionné toute sa vie. Drame féroce et beau à la fois, c’est un des grands gestes cinématographiques de ce début d’année 2022.

Le choix d’Eleonore Oldwood

The innocents

THE INNOCENTS d’Eskil Vogt

Depuis Clouzot en France, on avait peu vu le sadisme des enfants au cinéma. Ces petits êtres de nature fragile aux esprits naïfs et malléables apparaissent dans THE INNOCENTS de Eskil Vogt tels qu’ils peuvent être, lorsque les évènements autour les transforment, lorsqu’ils découvrent la situation d’ostracisme et celle, plus virulente encore, de l’indépendance précoce. Porté par un casting juvénile de haut vol, le film explore la psychologie de l’enfant sur un terrain de jeu où les adultes sont exclus, quoique directement liés aux actions/réactions de leur progéniture. Thriller social teinté de surnaturel, THE INNOCENTS écoeure, effraie, incommode, et nous questionne sur la capacité des enfants à s’adapter à des situations hors du commun que sont la misère, ou encore la maladie. 

Le choix de François-Xavier Thuaud

La légende du roi-crabe

LA LÉGENDE DU ROI-CRABE de Alessio Rigo de Righi et Matteo Zoppis

De très belles sorties en février (Golda Maria, Nous, Un autre monde, Selon la police, Les Poings desserrés) doublées sur le fil par un coup de coeur absolu pour ce film qui semble à la fois revenu des tréfonds de la mémoire et sorti d’un esprit enfiévré. D’une pastorale revisitée par les souvenirs flous d’une clique de chasseurs dont les tronches racontent plus que n’importe quel récit, à un western fabuleux, La Légende du roi-crabe traverse aussi une histoire indocile du cinéma, de Werner Herzog à Jean-François Stévenin, de Kelly Reichardt à Lucrecia Martel, d’Ermanno Olmi à Alice Rohrwacher. De l’or en 16mm.

Le choix de Fabien Genestier

Un autre monde

UN AUTRE MONDE de Stéphane Brizé

Avec Un autre monde, Stéphane Brizé signe un troisième acte percutant à son exploration du monde du travail. Il se penche cette fois-ci sur les cadres supérieurs, eux aussi broyés par la machine impitoyable et impuissants à faire entendre leur voix face à une hiérarchie aveuglés par la loi du marché. La méthode Brizé est une fois de plus implacable, avec une tension palpable dès la première scène et qui ne cesse pourtant de monter crescendo au fur et à mesure que l’étau se resserre autour de ce PDG qui ne peut se résoudre à mettre en place un énième plan social voulu par les dirigeants américains. Pour la première fois cependant le réalisateur s’intéresse également à la sphère intime, autant pour y montrer les dommages collatéraux provoqués par l’asservissement au travail que pour y trouver une porte de sortie, offrant ainsi une fin plus lumineuse vers la possibilité de l’autre monde évoqué par le titre. Vincent Lindon, quant à lui, est une nouvelle fois époustouflant et magnifiquement épaulé par Sandrine Kiberlain et le jeune Anthony Bajon qui ne cesse décidément pas de nous surprendre.

Le choix d’Antoine Rousseau

THE INNOCENTS d’Eskil Vogt

Sous ses allures de conte ancré dans la réalité, The Innocents pose sur l’enfance un regard d’une infinie noirceur, transcendé par le fantastique. Ce récit d’apprentissage qui voit quatre gamins se découvrir des super pouvoirs mélange les genres avec brio  (du drame social au film de super héros) pour livrer une fable puissante qui interroge les mystères insondables de l’enfance, entre construction de soi et perte de l’innocence. D’un rythme lancinant se déploient nombre de  de séquences horrifiques, aussi fortes graphiquement que symboliquement et qui instaurent un malaise rarement atteint sur grand écran. Assurément l’un des grands chocs de ce début d’année qui peut en plus se targuer de proposer la plus belle affiche de cinéma vue depuis longtemps !

Le choix d’Eric Fontaine

UN AUTRE MONDE de Stéphane Brizé

Avec Un Autre monde, Stéphane Brizé clôture brillamment un triptyque exceptionnel, entamé avec La Loi du marché et poursuivi avec En Guerre, consacré au monde du travail, à sa déshumanisation et à ses drames quotidiens. Dans un milieu où des mots comme courage et responsabilités sont dévoyés, au point de désigner le contraire de ce qu’ils sont censés incarner, certains trouvent encore l’énergie et l’altruisme pour dire non à l’indicible programmé d’avance et à l’inversion des valeurs. Un grand film sur la dignité servi par un Vincent Lindon au sommet de son art.

Le choix de Pierre Nicolas

Nous

NOUS d’Alice Diop

De la Courneveuve à Gif-sur-Yvette, des chasseurs à la courre aux jeunes de cité, Nous d’Alice Diop tisse par le geste documentaire un écosystème complexe autour du RER B, pris comme une toile de peinture plutôt qu’un sujet. Un prétexte pour offrir une possibilité de communauté, la promesse d’un « nous », une exploration des classes sociales et des situations, tout en gardant une humble hauteur, qui lui permet d’observer tout le spectre de ces protagonistes et territoires. Dans une mise en scène de la vie quotidienne, du politique, du religieux, du culturel, mais aussi de sa propre intimité, la cinéaste offre à ces « petites vies» et petits endroits une trace immortelle dans l’Histoire, et permet d’entrevoir par le cinéma un entrechoc poétique des mondes.

Le choix de Victor Van De Kadsye

RED ROCKET de Sean Baker

Ignoré lors du Palmarès du Festival de Cannes 2021 où il concourrait, Red Rocket est une oeuvre qui prouve encore la vitalité du cinéma américain indépendant et sa volonté de ne pas s’aseptiser . Après The Florida Project en 2017, Sean  Baker explore une autre partie de l’Amérique coincée entre l’innocence des uns et l’indécence des autres (comme l’anti-héros que nous suivons tout du long, formidablement interprété par Simon Rex). C’est un film qui ose mettre à l’épreuve nos certitudes, notre capacité à apprécier un personnage parce qu’il est au premier plan et qui ne fera pas de cadeaux. Un film aussi drôle que glaçant.

Le choix de Jean-Christophe Manuceau

THE INNOCENTS d’Eskil Vogt

Tout le monde s’est amusé, enfant, à imaginer avoir des super-pouvoirs. C’est le constat de départ de The Innocents, un film rare non seulement parce qu’il adopte le point de vue des enfants, mais aussi par son intensité. Réalisation, scénario et jeu, tout concourt à donner naissance à un grand film : une réflexion sur la frontière entre le bien et le mal.

Le choix d’Augustin Pietron

piccolo-corpo

PICCOLO CORPO de Laura Samani

Réalisme magique et fable sororale. Conte introspectif, le premier film de Laura Samani est visuellement sublime. D’un deuil à une époque imprécise, il lance son héroïne dans un voyage vers un Nord à peine plus défini. Une épopée contre les villageois de son île, contre l’Eglise qui ne peut lui apporter de réconfort : pour Agata (Celeste Cescutti, qui fait honneur à son prénom) dont l’enfant est mort avant de naître, il s’agit de se sauver dans les deux sens du terme.

Le choix de Malo Morcel

Petite solange

Comment bien s’armer face à l’adulte que nous allons devenir quand le cocon familial dans lequel nous nous sommes vus naitre vient à se fissurer ? C’est avec cette problématique qu’Axelle Ropert use du réel pour ancrer son récit universel dans une force et un propos bouleversant. La révélation Jade Springer, criante de vérité, porte sur ses épaules et son regard ses désillusions et ses fissures avec une empathie telle que le spectateur en vient instantanément à l’identification et à la compassion. Petite Solange est un long-métrage qui dévoile l’éclosion fragile d’une adolescente de manière subtile et touchante…




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