LES VISITEURS 3

Les Visiteurs 3 | Une indigeste madeleine de prouts

Qu’est-ce que c’est que ce bin’s ? Vingt-trois ans après avoir endossé pour la première fois le costume de Jacquouille, Christian Clavier, remis en scelle grâce au succès de l’infâme Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu, a emprunté les couloirs du temps pour collaborer à nouveau avec le réalisateur Jean-Marie Poiré disparu des radars depuis l’échec cuisant de Ma Femme s’appelle Maurice. Tous deux ont signé le scénario des Visiteurs – La Révolution (aussi nommé Les Visiteurs 3), une saga dont les deux premiers volets (mettons gentiment de côté le remake en Amérique) ont réuni 22 millions de spectateurs dans les salles françaises dans les années 1990. Presque deux décennies plus tard, comment renouer avec le succès ?

À l’image de l’épisode VII de la franchise Star Wars, auquel il pique son générique déroulant inaugural, Les Visiteurs – La Révolution joue à fond la carte du meta. Les gags auto-référencés sont distillés tout au long d’une comédie dont l’humour est absent, un comble : le film ne fait jamais rire, de la première à la dernière minute. Clavier, comme atteint d’un syndrome de Gilles de la Tourette, rejoue les vannes pipi-caca éculées. Sa plume de scénariste étire en longueur les répliques à base d’haleines fétides et de pieds qui puent, quand elle n’essaie pas de graver de force dans la tête du spectateur de nouvelles tirades prétendument cultes. Les couloirs du temps – encore eux –  n’épargnent personne, même pas le duo de choc Jean Reno – Christian Clavier. Le premier, 67 ans, regard vide, quasiment invisible, semble fatigué d’être là. Le second, 63 ans, braille sa partition interminable et transforme le son en bruit, si bien qu’on finit par ne plus l’entendre. Ce qui étonne, surtout, c’est de voir les comédiens stars évoluer comme les guests de leur propre film et se faire voler la vedette par leurs sparring-partners.

« On n’attend pas Patrick ? »

Comme conscient de son obsolescence, Les Visiteurs – La Révolution mise tout sur son casting mercantile, sélectionné sur base des précédents succès comiques français, dans l’espoir de capter leurs spectateurs. On retrouve ainsi Alex Lutz, Catherine au coté de Liliane dans Petit Journal de Canal+, Ary Abittan, Frédérique Bel, Pascal Nzonzi – que l’on n’oublie pas de citer, contrairement à l’affiche -, Karin Viard – qui se gâche pas mal depuis La Famille Bélier -, Franck Dubosc – bientôt au rendez-vous de Camping 3 -, et le « métronome » du cinéma français, Lorànt Deutsch. Difficile de concevoir que le film puisse attirer de jeunes spectateurs en salle. L’agent de Kev Adams, compère de Christian Clavier dans Les Profs, a-t-il évité à son poulain de faire du surplace dans cette galère ?

Pas de révolution pour la comédie française

Les costumes d’époque, eux, font authentiques et crèvent davantage l’écran que les comédiens. Pour cause : les protagonistes n’existent jamais, ils n’ont aucune épaisseur et débitent des dialogues superficiels au service d’une intrigue faussement alambiquée qui s’étire sur 110 minutes affreusement longues et dénuées de réels enjeux.

Prenant place à l’époque de la Terreur le film promettait sur le papier quelques bons moments. Mais, de la Révolution française, les scénaristes n’ont retenu que Marat dans son bain. Le manque d’audace et la période choisie empêchent de jouer pleinement des chocs des époques. Un contraste propice aux gags et aux situations comiques qui fonctionnait relativement bien dans Les Visiteurs. Cela dit, la franchise exploite toujours aussi mal le thème du voyage temporel. Pire, le film oublie peu à peu d’être une comédie, et se transforme en piteuse fresque historique au didactisme gênant dans laquelle on sous-titre l’usage d’époque des lieux de l’action. On note cependant qu’un véritable soin a été apporté aux décors qui ne sont jamais mis en avant, la mise en scène étant laissée à l’abandon. Des comédiens au scénario, en passant par le rythme, le découpage et le montage, c’est morne plaine. Les Visiteurs – La Révolution ferait presque passer le téléfilm Napoléon, avec le même Clavier au générique, pour Barry Lyndon.

LES VISITEURS LA REVOLUTION

Canards enchaînés

De l’humour de bas étage, une intrigue qui tient sur un timbre poste et une pseudo critique sociale pour tenter de se donner contenu et contenance… Autant d’éléments qui donnent un goût bien rance à cette madeleine de Proust. La nostalgie se met d’ailleurs vite en mode veille et la consternation succède à la peine. Ou inversement. Pire encore, le film original vieillit dans notre esprit au fur et à mesure que ce dernier opus avance. 25 millions d’euros mal dépensés dans du théâtre de boulevard laborieux tourné presque à huis clos. Tom Cruise, qui considère le premier volet comme son film français préféré parce qu’humour et aventures épiques s’entremêlent, risque d’être fort déçu tant les deux aspects brillent ici par leur absence. Si, comme Tommy, vous en avez un bon souvenir, contentez-vous de replonger dans votre mémoire et évitez de perdre votre temps avec ce ratage industriel total, qui devrait, malgré sa fin ouverte, être le dernier de la saga.

On peut se demander ce qu’a fait le cinéma français au bon dieu du Septième art pour qu’il se sente obligé de remettre en jeu, dans des suites ni faites ni à faire, la popularité de ses comédies à succès (Les Bronzés 3, La Vérité si je mens 3, Les 3 frères, le retour, par exemple…). Il y a quelque chose de fascinant dans cette obstination à produire des films dont les financiers ignorent si les projets correspondent aux désirs des spectateurs. Les producteurs naviguent à l’aveugle, guidés par le gain, usant leur filon jusque à la corde. Comme dirait l’autre, cette stratégie, pouah, ça puire.




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