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JOURNAL D’UNE FEMME DE CHAMBRE

3
Pesant

Début du XXème siècle, en province. Très courtisée pour sa beauté, Célestine est une jeune femme de chambre nouvellement arrivée de Paris au service de la famille Lanlaire. Repoussant les avances de Monsieur, Célestine doit également faire face à la très stricte Madame Lanlaire qui régit la maison d’une main de fer. Elle y fait la rencontre de Joseph, l’énigmatique jardinier de la propriété, pour lequel elle éprouve une véritable fascination.

Insoumise esclave.

Lorsqu’à l’avant-première, Benoit Jacquot, accompagné de Léa Seydoux, affirme que son Journal d’une femme de chambre, n’existe que « pour elle, par elle et en elle », la présentant ainsi comme une véritable madone religieuse, ou tout du moins figure christique, il est aisé d’envisager ce qui va suivre. Célestine, protagoniste interprétée par Léa Seydoux, est le pivot central du long-métrage, qui est, par ailleurs, la quatrième adaptation du roman d’Octave Mirbeau paru en 1900. Après Renoir et Bunuel, Jacquot, à son tour, s’attaque à cette œuvre littéraire en cherchant à lui donner un nouveau regard, orienté, comme nous l’aurons compris, de façon à mettre en valeur sa nouvelle actrice fétiche.

Les débuts sont prometteurs – on appréciera le soin apporté aux costumes traditionnels – alors qu’on découvre cette petite entreprise de femmes de chambre au dernier étage d’un immeuble du vieux Paris, une atmosphère est rapidement créée, par laquelle se laisserait facilement happer le spectateur. Mais le charme s’estompe bien rapidement, l’interprétation de Léa Seydoux, très contemporaine, jurant progressivement avec le décor. Journal d’une femme de chambre perd alors progressivement en crédibilité. Comme pour Les adieux à la reine, il semblerait que Jacquot ait eu du mal à éviter la lourdeur du film d’époque.  

Célestine, jeune, rebelle, insolente, ne trouve pas sa place dans le monde des femmes de chambre, plongée dans une solitude certaine. Elle incarne le refus catégorique de se plier à une soumission non seulement en tant que domestique mais aussi et surtout en tant que femme, particulièrement émancipée, aspect du personnage que Léa Seydoux met sans nul doute en valeur, en passant de l’espièglerie à la frivolité, de la coquinerie à l’érotisme.

La perspective adoptée par Jacquot aurait pu être intéressante si elle avait été poussée à son paroxysme en respectant la trajectoire du roman de Mirbeau dans lequel Célestine devient elle-même patronne d’un café, exerçant le peu de son pouvoir de la même manière qu’elle a pu le subir chez ses maîtres, suggérant la laideur humaine et la cruauté présentes chez chacun.

Cependant, si une certaine dénonciation du statut de la femme dans la société du début du XXe siècle est mise en œuvre, Jacquot semble l’amener de manière plus générale : la femme perpétuellement esclave, d’abord de ses employés puis de sa sexualité, puisqu’elle finira par s’enfuir avec le jardinier, Joseph, interprété par un très bon Vincent Lindon, incarnant à son tour une autre forme de patronage. Le travail de Jacquot s’apparente plus à un constat fataliste sur un sujet éculé qu’à une réelle réflexion pamphlétaire sur la condition féminine. L’histoire pourrait finalement se dérouler à n’importe quelle époque. Et bien que celle que nous montre Jacquot soit sur certains points, criante de vérité, son universalité paraît limitée.

Pour ne rien arranger, le metteur en scène s’accroche à cette « esthétique de la salle de bain », cette sale manie de « montrer pour montrer », sans pour autant pouvoir déceler un véritable choix artistique en amont : du sang, du sexe, les tensions palpables entre désir et mort, Eros et Thanatos… oui… mais encore ?

Le film se perdra trop souvent dans des flash-back conséquents, dont nous ne comprenons pas toujours le sens (ou l’utilité) jusqu’à cette fin surprenante qui est, pour le spectateur, à peu près le seul moment palpitant du film. L’action débute enfin, après une très longue et pesante attente.

Avec sa narration inutilement fragmentée et sa mise en scène plus rigide que moderne, Journal d’une femme de chambre laisse dubatif et ennuie majoritairement en dépit de ses intentions mordantes.

Anne

La fiche

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JOURNAL D’UNE FEMME DE CHAMBRE
Réalisé par Benoit Jacquot
Avec Léa Seydoux, Vincent Lindon, Clotilde Mollet…
France – Drame
Sortie en salle : 1er Avril 2015
Durée : 95 min




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dasola
9 années il y a

Bonjour, ce film m’attire très modérément car je garde un très bon souvenir du film de Bunuel avec Jeanne Moreau. Bonne fin d’après-midi.

ChonchonAelezig
9 années il y a

Je n’aime pas le cinéma de Jacquot… Il m’ennuie généralement à mourir ! Et Léa Seydoux, à part dans La vie d’Adèle où je l’ai trouvée pas mal, c’est bof, bof… Alors si le sujet m’intéresse fortement, le film ne m’attire pas du tout. Je vais plutôt tenter le Bunuel ! Et… cette façon qu’a Jacquot d’encenser son actrice… ils sont ensemble, ou quoi ?

Thomas Périllon
Administrateur
Répondre à  ChonchonAelezig
9 années il y a

Le cinéma de Jacquot est très maniéré et artificiel, ses films deviennent souvent des calvaires au visionnage.

Mickael
Mickael
8 années il y a

Alors tout comme toi, j’ai trouvé les flashs back redondants, voir peu utiles. J’avoue que je m’y suis perdu à un certain moment, le fil d’ariane étant perdu assez rapidement dans l’intrigue… Pour le reste, je m’en tiendrais davantage à une réalisation de très bonne facture qu’à un intérêt réel pour ce film…

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