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JEAN-PAUL BELMONDO | Hommage : un Magnifique vers les étoiles

Il y a quatre ans, lorsque l’on voyait Belmondo sur la scène des César, on voulait le trouver plutôt en forme. Standing ovation pour l’une des « gueules » les plus reconnues du cinéma français, figure emblématique de la Nouvelle Vague mais aussi d’un grand cinéma populaire. L’année suivante, il était une dernière fois en haut de l’affiche, celle du 71ème Festival de Cannes, embrassant Anna Karina – difficile de le raconter lui sans l’évoquer elle, mais aussi Jean Seberg, Catherine Deneuve ou encore son « némésis » Alain Delon. 

Revenons sur la scène de la Salle Pleyel, le 24 février 2017. Jean-Paul souriait lorsqu’on remettait – trop tard – à Belmondo un premier César, qui ne l’intéressait sans doute pas beaucoup. Au diable les récompenses. De toute façon, si l’éphémère César du public avait existé en son temps… Il en aurait remporté un certain nombre avec sa trentaine de films millionnaires au box-office. 

Le singe en hiver

Belmondo, derrière son sourire ravageur, sa gouaille et une aura unique est à la fois boxeur, comédien au théâtre et acteur sur grand écran. Il débute au conservatoire puis, peut-être trop singulier, trop « lui », se focalise sur le cinéma. Après un premier premier rôle pour Chabrol dans À double tour en 1958, il a 26 ans lorsqu’il s’engage pour À Bout de souffle de Jean-Luc Godard deux ans plus tard. Belmondo fait alors le pari de signer pour un film sans scénario porté par un jeune énergumène des Cahiers du cinéma, faisant « la plus grande erreur de sa vie » selon son agent. Qu’à cela tienne, il fonce et participe à ce geste de cinéma singulier… avec le succès que l’on sait. Son interprétation de Michel Poiccard impressionne dans un film résolument moderne. Jusqu’à ce qu’il en devienne l’une des grandes figures de la Nouvelle Vague, presque par accident. 

Belmondo

Il rempile ensuite avec Godard à deux reprises, renvoyant l’ascenseur au réalisateur qui avait contribué à le lancer en participant à Pierrot le fou en 1965. Michel Poiccard devient Ferdinand « dit Pierrot », Jean Seberg laisse la place à Anna Karina. Là aussi, pour un couple inoubliable, une cascade de répliques et une mort à l’écran spectaculaire. 

Dans la liste de « ses » réalisateurs, il faut également évoquer Jean-Pierre Melville. Ils collaborent sur trois films singuliers et plus ou moins réussis, Léon Morin, prêtre, Le Doulos et L’Aîné des Ferchaux. Leur relation compliquée vire parfois au spectaculaire. Le Stetson de Melville vole et on peut gager que leur conflit a été l’une des raisons pour laquelle Belmondo s’est porté ensuite sur des réalisateurs moins « difficiles ». 

Après Belmondo vient en effet Bebel, plus soucieux de son image et de se mettre en avant. Il tourne Cartouche en 1962 avec son ami Philippe de Broca et enchaîne sur l’Homme de Rio, deux films qui contribuent à imposer son statut de star. Acteur désormais installé, il donne la réplique à Jean Gabin dans l’excellent Un Singe en hiver la même année. Son Gabriel, amoureux éconduit qui rêve de corrida, restera comme l’un de ses plus grands personnages. 

Bébel, le casse-cou truculent

En 1964, il est à l’affiche de pas moins de six films dont Week-end à Zuydcoote, Dunkerque avant Dunkirk, toujours d’Henri Verneuil. Il est désormais Bebel le truculent et casse-cou cascadeur, qui fait paniquer les producteurs [une sorte de Tom Cruise avant l’heure]. Ce sont les prémices de ses plus gros succès et ce qui est finalement sa meilleur recette : un héros viril (franchement misogyne parfois, cf. Peur sur la ville), qui roule des mécaniques, acrobate. Dans les années 1970, il est ce Belmondo « physique ». Même s’il lui arrive de revenir à la Nouvelle Vague encore lorsqu’il joue Stavisky pour Resnais dans son film éponyme, puis se fait ensorceler par Catherine Deneuve dans La Sirène du Mississippi devant la caméra de François Truffaut en 1974. 

Belmondo

En 1970, c’est aussi l’année de « l’incident » Borsalino, deux fois le nom d’Alain Delon sur l’affiche, rendez vous compte. C’est pourtant ce que l’on retiendra d’une rivalité quasi-imaginaire avec Delon – les deux acteurs en jouent, évidemment et demeurent complémentaires en bien des aspects. Viennent ensuite ses films avec Philippe Labro, Gérard Lautner, Gérard Oury. Ces films « fonction » : le Magnifique, le Cerveau, l’As des as, le Professionnel, le Guignolo et l’apogée de sa gloire. 

La mort plein cadre de son personnage dans Les Acteurs (Bertrand Blier) est sans doute le point saillant d’un dernier acte qui commence au début des années 2000 pour Belmondo. 2001, c’est son AVC. Ensuite, ce sont des petits rôles étrangement vrais, notamment ce déconcertant quasi-propre rôle dans le non moins déconcertant Un Homme et son chien de Francis Huster en 2009. Mais aussi des affaires personnelles compliquées, sur lesquelles on lui fera la courtoisie de ne pas gloser. 

« Il était très fatigué depuis quelque temps. Il s’est éteint tranquillement » déclare à l’AFP son avocat le 6 septembre 2021. À Belmondo comme à Bebel, on ne peut que souhaiter de se reposer. Et le remercier pour la multitude d’images – parfois fondatrices – qu’il nous a laissées. 




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