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J’AI 10 ANS | Mehdi Omaïs

Ecrivain et journaliste de cinéma depuis plus d’une décennie, Mehdi Omaïs partage avec une ferveur intacte sa passion dévorante pour le cinéma pour plusieurs médias en France et sur ses réseaux sociaux. Pour les 10 ans du site, il nous fait l’amitié de répondre à notre quiz spécial, J’ai 10 Ans.


C’ÉTAIT QUOI LE FILM DE VOS 10 ANS ?

J’ai eu 10 ans en 1993. Plusieurs des films sortis cette année-là m’ont durablement marqué. Je pense au face-à-face entre Leonardo DiCaprio et Robert De Niro dans Blessures Secrètes, aux notes de Streets of Philadelphia dévoilant le visage triste de Tom Hanks, à Robin Williams qui se déguise dans Mrs Doubtfire, à La Liste de Schindler et à cette petite fille en rouge, à la Chute Libre de Michael Douglas ou au piano de Holly Hunter, à cet Impasse empruntée par Al Pacino ou aux nuits blanches passées avec Tom Hanks (encore lui) et Meg Ryan, à ce verre d’eau intranquille à l’approche d’un T-Rex ou à Stallone qui fait de l’alpinisme, à ce jour sans fin de la Marmotte… etc. Mais je ne les ai pas tous vus en 1993. Plus spontanément, je dirais que le film de mes 10 ans était aussi celui de mes 9 ans et de mes 11 ans : Charlie et la chocolaterie de Mel Stuart. J’ai longtemps rêvé du ticket en or.

10 ANS AU CINÉMA, UN ENFANT INOUBLIABLE ?

Peut-être Nick Szalinski dans Chéri, j’ai rétréci les gosses. Pour nager dans une mare laitière de céréales ou être coincé dans un biscuit géant.

VOTRE DÉCENNIE DE CINÉMA PRÉFÉRÉE ?

J’ai une énorme tendresse pour les années 90, car c’est à partir de là que je suis entré en « cinéphilie ». Je préfère mettre des guillemets avant de réveiller les puristes… Ils ont des radars très efficaces pour ce genre de choses… Mais je reste quand même complètement fasciné par ce que les années 70 ont porté de changements, d’audace, de fulgurances. C’est une putain de décennie. Imaginez : La Balade Sauvage de Malick, L’Exorciste de Friedkin, Voyage au bout de l’enfer de Cimino, Vol au-dessus d’un nid de coucou de Forman, Le Parrain de Coppola, Manhattan d’Allen, Barry Lyndon et Orange Mécanique de Kubrick, Alien de Scott, Taxi Driver de Scorsese, Halloween de Carpenter, Massacre à la tronçonneuse de Hooper, Buffet Froid de Blier, Délivrance de Boorman, Eraserhead de Lynch, Série Noire de Corneau… Grosso modo, j’adore le Nouvel Hollywood.

UN FILM INÉPUISABLE, VU AU MOINS 10 FOIS ?

Quand j’aime un film, j’y reviens beaucoup. J’ai entièrement fait le tour de pas mal de films que j’adore, même si le bonheur de les voir reste intact. A l’image d’Edward aux mains d’argent, par exemple, qui m’a fait tomber dans la marmite du cinéma. Mais pour répondre à cette question, je vais dire Mulholland Drive de David Lynch parce qu’il est la définition même de l’inépuisable. Ce n’est jamais le même voyage et tout ce qu’on y voit ou qu’on y projette est merveilleux.

3 CINÉASTES À SUIVRE D’ICI 2030 ?

C’est vraiment très difficile comme question… Car certaines promesses peuvent ne jamais être tenues. Je suis très fan du cinéma de genre donc, pour éditorialiser ma réponse, je dirais Julia Ducournau, Jennifer Kent et David Robert Mitchell.

5 PERSONNALITÉS DU CINÉMA (MORTES OU VIVANTES) POUR VIVRE UNE DÉCADE PRODIGIEUSE ?

En gros, il me faut composer le plan de table idéal pour un dîner parfait quoi ? Charlie Chaplin parce que ses silences sont sublimes, Meryl Streep parce qu’on a besoin d’elle pour aller mieux, Martin Scorsese ou Quentin Tarantino pour continuer à prôner une cinéphilie gourmande et érudite, Justin Hurwitz pour mettre en musique la décade et Roger Deakins pour la bonne lumière. Mais si on me repose la question dans 5 minutes, tout va changer.

X : QUE TROUVEZ-VOUS OBSCÈNE À L’ÉCRAN ?

Quand l’humour se fait contre les gens. Toujours rire avec eux, et jamais contre eux. La comédie française est souvent redoutable à ce niveau.

A QUOI RESSEMBLERA LE CINÉMA DANS 10 ANS ?

La salle n’est pas incompatible avec les plateformes. J’en ai la conviction. On aura toujours envie et besoin d’être devant un grand écran pour lever la tête et rêver ensemble. Et ce, qu’importe le confort de votre canapé, la taille de votre écran ou les glaces de votre congélo. La salle restera la cathédrale de tous les amoureux du cinéma. Faut juste que la Covid nous foute la paix…

COMMENT CONSOMMEZ-VOUS LE CINÉMA AUJOURD’HUI ?

Je n’aime pas le mot consommer. Il est partout le cinéma : en salle comme sur nos petits écrans, dans la vie du dehors comme dans notre vie intérieure, dans nos vieilles VHS ou nos blu-rays 4K. Je n’aime pas compartimenter. L’essentiel étant de continuer à voir des films, encore et toujours.

ÇA VA MIEUX EN LE DISANT : QUEL EST VOTRE RAPPORT À LA CRITIQUE ?

Elle a été fondatrice dans ma culture de cinéma. Quand elle est humble, pédagogue, sans chapelle, quand elle ne pose pas, qu’elle ne cherche pas à exclure, à confisquer, c’est là que je l’aime. Je me souviens encore de cette phrase de Jean-Jacques Bernard dans Première à propos The Yards de James Gray : « Dieu que le noir est lumineux quand il est bien filmé. » J’étais au CDI de mon lycée, à Dakar, et je suis arrivé en retard au cours de maths. Cette chute de critique m’avait scotché et donné tellement envie de voir le film. Aujourd’hui, je regrette ce vulgaire concours de tailles de b*tes sur Twitter concernant la cinéphilie ; tous ces flics du bon goût autoproclamé m’emmerdent. C’est tellement plus simple et nourrissant d’entendre les arguments contraires, de les accepter. Perso, j’ai beaucoup appris de cette manière. Le snobisme et le mépris ne créent que des murs. Lesquels, à mon sens, participent dans une vision parfois trop élitiste et hors-sol du métier de critique.

Chérie j'ai rétréci les gosses

#LBDM10ANS



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