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INTERVIEW RAYA ET LE DERNIER DRAGON | Entretien avec les créateurs

Au coeur d’un hiver où les salles restaient tristement fermées, nous avons participé à une rencontre en visio avec les créateurs de Raya et le dernier dragon (réalisateurs, scénaristes et productrice). Alors que ce premier film d’animation original des studios d’animation Walt Disney (depuis presque cinq ans) devait initialement sortir en salle, celui-ci débarquera finalement sur la plateforme du géant aux grandes oreilles le 4 juin 2021. Morceaux choisis de cet échange de presse. 



Le film a été fait bien sûr dans des circonstances inédites…. Comment c’était pour vous de le finir pendant la pandémie ?

Osnat Shurer (productrice) : Nous travaillons sur le film depuis très longtemps. Moi-même, je suis dessus depuis plus de quatre ans. En mars dernier, tout d’un coup, on a été obligé de rentrer à la maison à cause de la pandémie. À l’origine, on nous disait que ce ne serait que pour trois semaines… mais ça a duré un an. Ça veut dire que on a fait le film depuis chez nous … depuis les 460 domiciles de tous les membres de notre équipe de production. Ceci dit, on a beaucoup appris en travaillant ainsi. D’abord sur le plan technologique, où il y avait bien sûr les défis à surmonter, mais on a aussi appris à collaborer d’une nouvelle manière, établir la confiance entre les uns et les autres et travailler ensemble d’une manière qu’on aurait jamais pu imaginer auparavant.  Je suis très fier du travail de notre équipe. C’est un film incroyable.

Don et Carlos, c’était très difficile pour vous de travailler comme ça à distance ?

Don Hall (réalisateur) : D’un point de vue technique, c’était moins compliqué que ce qu’on pourrait imaginer. Et ça, c’est vraiment grâce à nos équipes de support technique.  Ils ont pu nous fournir tout ce qu’il fallait chez nous très vite, en quelques jours. Par contre, c’était beaucoup plus compliqué d’un point de vue « culturel ». 

Chez Disney, on a toujours travaillé tous ensemble physiquement dans le même bâtiment. Nous sommes toujours en train d’échanger des idées… En réunion, en dehors des réunions, autour d’un café… Il y a une vraie culture de collaboration qui dépend beaucoup du fait qu’on soit tous ensemble physiquement dans le même endroit. Donc c’était ça qui était le plus compliqué à surmonter. Mais, pour moi, le produit final ne témoigne pas seulement à quel point nos équipes adorent travailler à Disney, mais plus précisément à quel point ils adorent ce film en particulier.  Le fait qu’on ait pu finir Raya malgré les obstacles nous touche tous profondément. 

Carlos Lopez Estrada (réalisateur) : C’était un peu différent pour moi et Qui (l’une des scénaristes – ndlr), car nous sommes les plus nouveaux dans l’univers Disney. Adèle, Osnat et le reste l’équipe étaient là bien avant nous, et Don aussi. Le monde de l’animation était quelque chose de nouveau pour Qui et moi. Mais presque tout de suite après notre arrivée, la pandémie a commencé. Elle est arrivée si vite qu’il y a même des gens de notre équipe, avec qui on a travaillé de manière très intense depuis un an, qu’on n’a jamais rencontré en personne ! Des animateurs, des équipes d’éclairage… Des gens qui ont des rôles très importants avec qui on a travaillé d’une manière très proche, mais que je n’ai jamais rencontrés en vrai et que je ne vais sûrement pas pouvoir voir en vrai pendant encore des mois !

Apprendre la culture Disney est déjà une chose, mais d’apprendre la culture Disney à distance, c’était un vrai défi ! Mais, ça en valait la peine, c’est sûr…. La pandémie nous a tous rapprochés d’une manière qui n’aurait pas pu exister autrement. Les équipes se sont tellement impliquées, c’est comme si le film appartient vraiment à nous tous. Et pour moi, c’était ça le côté positif de la situation.

Adele Lim (scénariste) : J’ai commencé à travailler sur le film il y a trois ans déjà. La chose qui m’a plu le plus au début, c’était de pouvoir travailler avec des Story Artists. Avant Raya, je travaillais sur des films en prises de vues réelles, donc l’animation c’était tout nouveau pour moi. J’étais impressionnée de voir à quel point ces artistes sont des vrais directeurs de la photographie… même des acteurs parfois ! En animation, le travail de scénariste ne s’arrête pas quand on écrit une scène. Ça continue avec des artistes du story qui sont capables d’amener ton histoire à un tout autre niveau. Ils proposent tous ces autres éléments — physiques et visuelles — à la scène. Des choses que toi tu n’as même pas imaginées. 

Et du coup ça inspire des scénaristes comme moi à écrire autre chose ou à réécrire d’une autre manière. Et pour rejoindre ce que disait Carlos sur la culture Disney, la chose la plus sympa est vraiment d’être tous ensemble dans une pièce et d’avoir cette collaboration en personne. Par exemple, tu pourrais être en train de chercher un bagel et puis un animateur comme John Ripa t’interpelle pour te dire « Regarde le truc chouette que je viens de faire » et toi tu dis « Wow !  C’est trop cool ! » (rires). Pour moi c’était ça la partie la plus magique du processus créatif.

Qui Nguyen (scénariste) : Pour moi, la chose unique en travaillant sur un film d’animation de Disney, c’est que tu ne viens jamais avec un scénario fini définitivement. C’est tout le contraire d’un film en prises de vues réelles ou un scénario de série ou une pièce de théâtre. Il n’y a jamais un moment où tu dis, « Voici le scénario complet – Allez les réalisateurs, à vous ! »   C’est une vraie collaboration qu’Adèle et moi-même faisions ensemble avec l’équipe. Jusqu’au bout, on était en train de changer et peaufiner l’histoire en réécrivant des scènes ou essayant d’autres scènes.  On écrivait jusqu’au tout dernier moment, quand Osnat nous disait, « Allez les amis, il faut qu’on arrête maintenant. Il faut montrer le film au public ! »   

Je dirais que ce film représente l’expérience la plus collaborative de ma vie. 

Raya et le dernier dragon film

Osnat, vous êtes vraiment à l’origine du film.  Parlez-nous de vos inspirations, en particulier des cinq terres de Kumandra?

OS : L’idée des cinq terres autour de la rivière du dragon nous est venue très tôt. Dès le début, nous avons aussi travaillé sur la notion de rassemblement et d’unité dans un monde divisé, car quand on regarde le monde d’aujourd’hui, c’était ça le message qu’on voudrait transmettre… Il ne faut pas se servir de ses différences pour se battre, il faut se servir de ses différences pour travailler ensemble, pour améliorer le monde. 

Nous avons aussi aimé l’idée des dragons de l’Est qui sont connectés à l’eau, à la vie et à l’harmonie… Du coup, nous avons fait beaucoup de recherches dans les pays de l’Asie du Sud-Est. Ils sont tous très différents, mais ils ont quand même quelques idées en commun comme l’importance de la communauté. Tout le monde là-bas semble comprendre l’importance du « nous » et que, malgré les différences, dans ces pays où il y a beaucoup de traditions différentes, celles-ci peuvent être utilisées pour atteindre quelque chose de plus important.

A partir de là, on a commencé à faire plus de recherche sur la culture, la beauté, l’architecture, des tissus différents, les repas…  Tout ce qu’on a appris des gens merveilleux qu’on a pu rencontrer. Ensuite, on a recruté une équipe d’experts culturels qui a travaillé avec nous tout au long du film. C’était important pour nous que chaque terre de Kumandra soit un peu différente, unique, mais pas exactement comme des vrais pays, car chaque terre est différente dans l’histoire de Kumandra. On a inventé un Nouveau Monde, et une histoire pour ce monde. Quand on a proposé l’idée à notre chef décorateur (production designer), elle nous disait, « Donc vous me demandez de concevoir cinq films différents c’est ça ? »  Et en fait c’est ça, chaque terre a son propre monde. 

Toutes les princesses Disney étaient faites pour être des personnages idéaux, des personnages qui t’apprennent quelque chose. Elles reflètent toutes leurs époques, mais aussi des cinéastes et des scénaristes qui les ont créées. Donc Raya est clairement dans cette ligne en tant que personnage qui inspire.

Parlez-nous du dragon Sisu. D’habitude les dragons font peur. Pourquoi le choix de faire une dragonne naïve, drôle… ?

AL :  Sa conception a été un vrai travail d’équipe. Qui l’a très bien dit une fois quand il a dit « On parle souvent de la maman et du papa d’un personnage, mais Sisu a au moins 450 parents ! ». Quand je suis venue travailler sur le film, il y avait déjà en place cette idée d’une héroïne forte et d’un dragon de l’Asie du Sud-Est. C’est vrai qu’elle est très différente des dragons des contes de fée de l’Ouest… Elle ne crache pas du feu, ce n’est pas une grande force destructrice. Elle rejoint aussi un peu l’histoire de Naga, le dragon de l’Asie du Sud-Est qui est une déité qui amène les moussons et la pluie et qui donne la vie. Ça allait bien avec l’histoire qu’on voulait raconter… Raya qui se dit, « Je vais réveiller cette créature mythique qui va résoudre tous les problèmes du monde. » Mais en effet, Sisu prend tout le monde à contre-pied en étant drôle et maladroite…  Une grande partie de sa personnalité est son côté fun, et Qui a beaucoup apporté sur cette partie de Sisu – sa personnalité et sa joie de vivre qui plaisent beaucoup.

QN :  Je vais piquer une phrase de Don Hall, mais Sisu est toute la magie de cette mythologie ancienne bourrée de la magie d’Awkwafina. Le choc de la rencontre de ces deux sortes de magie est devenu un cap créatif pour nous et une inspiration au niveau de l’écriture et de la collaboration…. L’actrice avec son sens d’humour et le dragon si mythique qui vient d’une culture tellement riche. 

Raya est la dernière des princesses Disney. Elle est comment en tant que princesse ? Est-elle très différente d’une Anna ou d’une Vaiana

OS :  Toutes les princesses Disney étaient faites pour être des personnages idéaux, des personnages qui t’apprennent quelque chose. Elles reflètent toutes leurs époques, mais aussi des cinéastes et des scénaristes qui les ont créées. Donc Raya est clairement dans cette ligne en tant que personnage qui inspire. Elle est aussi la fille d’un chef qui fait d’elle une princesse. Mais avant tout, c’est une guerrière. Si les anciennes princesses reflètent leurs époques, Raya est une réflexion de la nôtre. Elle est moderne. Les gens se reconnaissent en elle et ça c’est vraiment grâce à mes quatre collègues ici aujourd’hui. Quand on les mélange avec les designers, les animateurs, les artistes, plus la comédienne Kelly Marie Tran et son jeu puissant et drôle et sa voix belle et chaleureuse, on finit avec un super ensemble qui est Raya. 

Raya et le dernier dragon

Il y a plusieurs styles d’animation dans le film. Parlez-nous de ce choix. 

CLE :  De nous cinq ici aujourd’hui, Don, Qui et moi sommes venus dans l’équipe en dernier. Et quand on est arrivés, il était important pour nous de trouver un moyen d’insérer nos propres sensibilités artistiques dans ce monde qui était déjà créé. On a donc décidé d’ajouter des idées qui pourraient surprendre – dans la musique par exemple, ou dans des techniques cinématographiques. On a tout de suite décidé de faire des petites sorties du style général du film, qui est hyper réaliste et très cinématographique. 

Du coup, on a cherché des scènes où on pourrait quitter ce style hyper réaliste pour faire autre chose. Par exemple, le prologue, qui est inspiré des marionnettes d’ombre. Cette idée était sympa et excitante, mais ça faisait un peu peur aussi aux équipes car il fallait tout recommencer à zéro. Ensuite, il y avait toutes ces séquences de fantaisie qui ont été racontées du point de vue de Raya.  Don a eu l’idée de faire quelque chose qui rappelait un peu le style de l’animation en 2D, tout en utilisant notre technologie 3D, c’était un autre défi intéressant pour nos équipes… Nous avions ces mondes tout fait en CG, donc il fallait trouver comment faire pour que ça ait l’air plus plat, comme si c’était dessiné sur papier. Nous avons cherché les opportunités sympas pour faire des séquences un peu inattendues. J’espère que le public va les aimer ! 

Le grand thème du film est la confiance. Qu’est-ce que vous vouliez dire sur ce thème ? Et qu’est-ce qu’il faut pour trouver cette confiance dans notre monde actuelle ? 

AL :  Nous avons commencé avec l’idée des cinq terres au tour de la rivière. Mais l’histoire a beaucoup évolué. Don et Carlos nous posaient souvent la question, « Qu’est-ce qu’il faut vraiment pour trouver l’unité ? » Et la réponse était :  la confiance. C’est vrai que Kumandra est un pays fictif et Raya est un personnage imaginaire, mais pour nous, la chose dont nous sommes le plus fiers dans le film c’est le fait que les problèmes auxquels Raya doit faire face, sont des vrais problèmes qui reflètent notre monde d’aujourd’hui. Et cette confiance ne vient pas d’une créature magique, ça vient d’un être humain qui tend la main à un autre, et qui doit le faire encore et encore, même si ça ne marche pas, ou si on est trahi, ou si on perd tout ce qui nous est cher. Il faut le faire et continuer à aller vers l’autre, car c’est le seul moyen d’avancer. 

OS :  C’est ça le message qu’on voudrait transmettre. Nous avons commencé ce film il y a plusieurs années, et le message ne pouvait pas être plus actuel aujourd’hui.  Je pense que tous ceux qui ont travaillé sur Raya seraient ravis si en sortant du film, les spectateurs se disent, « Vous savez quoi ?  Il faut essayer d’être un peu plus vulnérable et aller vers l’autre. » Ça nous rendrait tous très heureux. 

Pour finir, si vous deviez résumer Raya et le dernier Dragon en un mot, ce serait lequel ?

QN :  Féroce (Fierce) 

OS : Puissante (Powerful)

CLE :  Optimiste (Optimistic)

DH :  Confiance (Trust)

AL :  Don a piqué mon mot, mais… Communauté (Community) 


Remerciements : les réalisateurs Don Hall et Carlos Lopez Estrada, les scénaristes:  Qui Nguyen et Adele Lim et la productrice :  Osnat Shurer




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