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INTERSTELLAR

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Immense et long

Alors que la vie sur Terre touche à sa fin, un groupe d’explorateurs s’attelle à la mission la plus importante de l’histoire de l’humanité : franchir les limites de notre galaxie pour savoir si l’homme peut vivre sur une autre planète…

Voyage éprouvant.

Affirmer que chaque film de Christopher Nolan suscite une véritable attente est un doux euphémisme. Déclarer que le réalisateur de The Dark Knight cultive le mystère et le secret entourant chacune de ses réalisations en est un autre. Ainsi, avant qu’Insterstellar soit projeté, tout ce que l’on sait est qu’il s’agit d’un film de science-fiction « interstellaire » réunissant à l’écran deux acteurs récemment oscarisés, Matthew McConaughay et Anne Hathaway. Il y a enfin ce synopsis nous promettant un voyage aux limites de notre galaxie. Plutôt enthousiasmant sur le papier.

Après son emblématique trilogie Batman et le thriller labyrinthique Inception, nous attendions avec impatience ce nouveau projet. Présenté dans la capitale française lors de deux avant-premières successives (au Gaumont Marignan puis au Grand Rex), Interstellar ne suscite pas l’exaltation de ses précédents longs métrages.

Fidèle à son ambition, Christopher Nolan propose une véritable expérience cinématographique au spectateur. Celle-ci sera éprouvante. De par sa longueur tout d’abord (plutôt un défaut du film) mais aussi de par l’intensité de ce périple cosmique hallucinant et déroutant (plutôt une qualité pour le coup). Comme à son habitude, Nolan fait preuve de grandiloquence dans sa mise en scène mais celle-ci est trop importante si bien qu’elle parait plus prétentieuse qu’éblouissante. De plus, il néglige quelque part ce qui faisait la force de ses films jusqu’alors : la puissance et l’intelligence implacables du scénario. Celui d’Interstellar est confus, indigeste, maladroit et un peu malhonnête dans le fond. 

Toutefois, Interstellar a pour lui un potentiel indiscutable en matière d’inattendu. Si l’on a pris soin d’éviter de visionner les (toujours trop) nombreuses bandes-annonces, la découverte du film est un véritable plaisir si l’on a su arriver vierge de toute image. Celui qui déclarait vouloir offrir au spectateur un « cadeau de Noël » à chacun de ses métrages réussit plutôt son coup. Surprenant à plusieurs reprises (pour ses rebondissements, ses découvertes ou ses virages scénaristiques), le film prend occasionnellement l’audience à contre-pied et se permet quelques ellipses (dont certaines seront même assez conséquentes). 

Interstellar joue avec l’espace et le temps. Dans ce film titanesque, les 2h49 de pellicule paraissent parfois un peu pesantes. On se surprend même, de façon inédite, à surveiller les aiguilles de notre montre – au lieu d’être intrigué par celles de la jeune Murphy (la fille du personnage de McConaughay). Cinéaste de la démesure, Christopher Nolan ne réalise pas son film ultime avec Interstellar mais un film symbiose unissant les plus gros atouts du réalisateur mais aussi ses plus écrasantes déviances. Le meilleur et le pire semblent réunis dans ce film où Nolan exprime plus que jamais sa folie des grandeurs.

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Néanmoins, il faudra saluer à nouveau son audace : proposer un film de science-fiction relativement pointu – on est parfois un peu largués par certaines tirades scientifiques – avec quelques bouées de vulgarisation pour raccrocher le spectateur lambda au fil de son intrigue. Il conviendra également d’apprécier la force visuelle de certaines séquences ainsi que le thème musical entêtant (à nouveau) composé par Hans Zimmer. 

Mais sommes-nous en condition de véritablement les apprécier ? Usés par ce périple spatial et l’abus de jargon scientifique, on regrette que le film donne l’impression de se perdre en cours de route, cherchant à nous en mettre plein la vue et, par la même occasion, à probablement masquer les absurdités de son scénario. C’était pourtant bien parti avec cette première heure d’introduction terrestre majoritairement réussie… Mais au fil du film, on ne peut s’empêcher d’avoir la désagréable sensation que la restructuration narrative parait plus fumeuse qu’à l’accoutumée. Nous parlions d’excès, il est aussi assez fâcheux que Nolan ait abusé de l’emphase et de la symbolique, là où la suggestivité et la subtilité auraient été plus judicieuses. 

Autre coup manqué d’Interstellar, la volonté de son auteur de déclencher l’émotion. Celui qui s’est souvent vu reprocher la froideur de son cinéma essaie de mettre le coeur au centre de ce film sans que cela ne fonctionne. Si l’on excepte une paire de scènes sauvées par la fantastique Jessica Chastain, l’émotion n’y trouve jamais sa place. Pourtant, Matthew McConaughay (Mud, Dallas Buyers Club) et Anne Hathaway (qu’il retrouve après TDKR) donnent le maximum, n’y allant pas mollo sur les larmes, la morve et les trémolos dans la voix.

Au final, Interstellar devient le film le plus frustrant de la filmographie d’un cinéaste qui a su démontrer sa patte d’auteur dans un univers où le financier prend souvent le pas sur l’artistique. Techniquement admirable, son dernier long-métrage souffre d’un scénario bancal, d’une émotion factice ainsi que d’une durée bien trop abusive. Interstellar réussit à nous épater en nous imposant notre insignifiance dans l’immensité cosmique, mais il pêche à véritablement divertir, nous laissant lessivés et globalement déçus à l’issue de cet interminable voyage. 

La fiche

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INTERSTELLAR
Réalisé par Christopher Nolan
Avec Matthew McConaughey, Anne Hathaway, Michael Caine, Jessica Chastain, John Lithgow, Mackenzie Foy…
Etats-Unis – Science-fiction
Sortie en salles : 5 Novembre 2014
Durée : 169 min 

Masterclass de Christopher Nolan au Gaumont Marignan




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Florian
9 années il y a

Globalement d’accord avec cette chronique.

Le film est boursouflé, gonflé aux hormones. Et le scénario qui démarrait bien (sincèrement certaines idées évoquées font parties des meilleures que j’ai entendues depuis longtemps) part complètement en roue libre à partir de l’expédition. J’étais vraiment usé physiquement par le film, c’est éprouvant. Je crois même que je regardais le film en pilotage automatique à un moment, tellement j’étais écrasé par le poids du projet.

Ça mêle vraiment le meilleur et le pire de Nolan, notamment dans l’abus du montage alterné vers la fin du film…

Tom Left
Tom Left
9 années il y a

Tu es vraiment dur sur ta notation! Mais bon, on a suffisamment parlé d’Interstellar pour ne pas en rajouter ^^

Elizabeth
Elizabeth
9 années il y a

J’ai découvert le film jeudi soir à l’avant première Toulousaine, sans en avoir vu une seule image (je crois que j’ai même réussi à éviter l’affiche jusqu’à mon entrée dans le ciné). C’est carrément un film qui a besoin d’un (très) grand écran et d’un son à la hauteur ! Même si je le trouve moins brillant qu’Inception, j’ai quand même trouvé que les 2h49 passaient plus vite que devant certains films français d’1h30… la relativité quoi !

Maxime
Maxime
9 années il y a

Salut ! Je viens de lire ta critique, elle est très intéressante !

Je me demandais ce que tu reproches au scénario en termes d’incohérences ? J’essaie vraiment d’avoir un regard objectif sur la chose mais je trouve une explication à tous les éléments du film donc cette critique particulière m’intrigue (après on a peut-être pas eu la même lecture du film ^^)
Je suis d’accord avec toi néanmoins pour dire que le scénario du film n’est pas le plus élaboré que nous ait conçu Nolan. Mais en ce qui me concerne je trouve que l’aspect exploration et visuel du film rattrape ce déficit de scénario et nous fait vivre une expérience de cinéma authentique qu’on ne pourrait apprécier sur un autre support (ce qui pour moi suffit à en faire un film très réussit car supérieur à tous ces portages et adaptations de bouquins que l’on voit régulièrement à l’affiche et qui n’apportent rien de plus par rapport à leur support d’origine).

Pour anecdote, concernant la longueur, en allant voir l’avant première je n’avais aucune idée de sa durée, et ce n’est qu’en sortant du film avec l’heure tardive que je me suis rendu compte du temps passé ! ahah à croire que le film m’a fait l’effet d’un trou de verre tellement j’étais plongé dedans !

tinalakiller
9 années il y a

Je n’ai pas encore vu le film (à mon avis, ça ne sera pas pour tout de suite – j’essaie de privilégier les petits films qui ne vont plus être à l’affiche) mais ta critique plus nuancée par rapport à toutes celles qui crient au chef-d’oeuvre est vraiment intéressante et finalement me donne encore plus envie d’aller voir, histoire que je me fasse ma petite idée.

tinalakiller
Répondre à  Thomas Périllon
9 années il y a

Je reviendrai volontiers te dire mon avis 🙂 A bientôt 🙂

Grivendel
Grivendel
9 années il y a

Bonjour,
une critique intéressante, même si je trouve dommage de ne pas pouvoir m’opposer à ce que tu as perçu, notamment au niveau des émotions. En effet, je trouve ta critique sur cette partie quand même assez subjective, preuve en est, je n’ai vraiment pas le même constat.
Je me sais pas du tout sensible au niveau du ressenti des émotions telles que l’amour, aussi, je suis plutôt d’accord pour dire que ce côté la n’était peu être pas au top. Mais pour le reste, il y a une partie important du film qui m’a totalement déprimé, et j’ai été extrêmement perceptif envers le sentiment qui habitaient les personnages à ce moment. La dernière partie m’a juste fait totalement vibrer.

Contrairement à Man of steel qui pour moi est un film ou le passage de l’émotion semble vraiment loupé, je trouve Interstellar gorgé de ces émotions. Et c’est vraiment ça qui m’a fait trouver le film intense et épuisant ( dans le bon sens du terme)
Après, pour le jargon, bossant dans un milieu scientifique proche du thème du film je t’avoue ne pas avoir relevé le caractère trop technique, je vais surement aller le revoir et essayer de relever ces petits défauts !

Je t’accorde le point sur les longueurs, que je reconnais mais qui ne m’ont pas du tout gaché mon plaisir:)

Bonne soirée !

merciles90s
9 années il y a

Je suis assez d’accord avec toi… j’ai aimé le film mais je vois de plus en plus les ficelles chez Nolan, bien que je crois sincèrement qu’il ne cherche pas à les cacher

Comme tu l’as déjà vu, voici le tumblr 90’s ! Nous avons une partie cinéma en développement, si tu souhaites écrire un article sur un de tes films favoris des 90’s, tu peux nous joindre par mail, un lien vers ton blog sera fait !

http://merci90s.tumblr.com/

Bonne soirée

Idriss
Idriss
Répondre à  merciles90s
9 années il y a

Je l’ai vu lundi au cinéma et j’en ai parlé avec 2 collègues qui l’ont vu aussi ce w.e.

Personnellement, je suis assez mitigé mais toutefois 100% d’accord avec la critique de Thom.
J’ai vu 1 seule et toute petite bande annonce et j’ai voulu rester un maximum « vierge de toute image » pour reprendre l’expression, car j’avais une forte attente sur ce film.

Je trouve celui-ci bancal avec une première partie longue et une seconde bâclée.
Le propos est fort intéressant et non dénué de sens car, à mon goût, le sujet a été (bien) travaillé. Mais je trouve que l’issue du film est un peu trop facile (voire simpliste) à mon goût, avec une bonne et grosse prise de raccourci à un moment donné du film , afin de le rendre plus accessible, ainsi (rentabilité oblige ?).

Sinon spécial dédicace à Herr McConaughey qui est, selon moi, un p*t**n de bon acteur qui joue super bien.

Le 6/10 est donc bien mérité et je dis quand même merci à M. Nolan… et à Thom pour la critique.

Bien à vous tous !

Alex56
9 années il y a

Je suis franchement d’accord avec toi sur ton avis sur le scénario, moi par contre je ne me suis pas ennuyé quoi, j’étais dedans à fond, mais au final j’étais partagé sur mon ressentit. J’ai aimé le film, mais il y a incontestablement des défauts, l’emballage est garnit d’intelligence, mais le cadeau est très simple finalement. En tout cas je découvre ton blog et c’est vraiment sympa 🙂 J’aime bien tes critiques et le design de ton blog ! Moi avec Overblog je peux pas trop le personnaliser. Allez à plus sur la blogosphère !

tinalakiller
9 années il y a

Je l’ai enfin vu et comme promis je reviens pour dire ce que j’en ai pensé. Je précise que je suis allée voir ce film en vidant dans ma tête tout ce que j’avais lu, histoire de ne pas être influencée. Je précise également que je ne suis pas une fan de Nolan (à part Memento), je trouve généralement ses films surestimés, le bonhomme avait même tendance à m’agacer.
Je suis surprise d’avoir autant aimé. Je crois qu’on est tous d’accord : l’expérience visuelle est bien présente. Mais surtout, contrairement à toi (même si je comprends que ce que tu as pu ressentir), j’ai trouvé le film très émouvant. Peut-être qu’il y a des incohérences, des erreurs sur des faits scientifiques etc… mais l’histoire est pour moi bien racontée et le film suffisamment scotchant, du coup j’ai oublié ce possible défaut. En ce qui concerne les 2h50, je ne les ai pas vues passer (pourtant je suis particulièrement chiante quand je trouve un film trop long). Quant au langage scientifique (je précise que je n’ai pas de compétences particulières dans ce domaine), je l’ai trouvé plutôt accessible, disons que je ne me suis pas sentie perdue. J »ai également beaucoup aimé la musique de Hans Zimmer, assez délicate (ça lui change des Boum d’Inception – j’en suis encore traumatisée). Enfin, le casting m’a agréablement surprise. Bref, j’ai énormément aimé. Je ne sais pas si je crierais au chef-d’oeuvre mais il m’a clairement emballée et c’est un de mes films préférés de l’année. Cependant je comprends clairement ton avis plus nuancé. 🙂

tinalakiller
Répondre à  Thomas Périllon
9 années il y a

J’espère que ta seconde vision sera meilleure 🙂

trackback
9 années il y a

[…] Interstellar – Christopher Nolan […]

Starbuck
Starbuck
9 années il y a

C’est marrant de voir que certains ont trouver le film très long, pour moi ce fut trop court.
Je suis aussi surpris par cet attachement au réalisme scientifique, à la cohérence, dans un film de science fiction.
Est ce que le docteur who est réaliste ? Alien ? Je suis peut être bon public mais j’ai adoré ce film, je n’ai pas vu le temps passé. Je trouve ça bien de voir des analystes décortiquer un film et mettre en évidence les failles et les incohérences, mais c’est un peu un peu comme chercher les secrets d’un magicien, une fois révéler ça perds tout son charme. Bien sur il aurait pu être encore meilleur, moi aussi y a des trucs sur lesquels j’ai tilté, mais je préfère me laisser emporter par l’histoire plutôt que de trop la résonner et juste ressentir l’ambiance de l’espace. Et quand je vois toutes les bouses de sf sortir depuis ces dix dernières années, celui là est le bien venu, le voir faire partir des déceptions de l’année sur votre site, comment dire…ça me déçoit.

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