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INFILTRATOR

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Brouillon

L’’agent fédéral Bob Mazur a pour mission d’infiltrer le cartel de drogue de Pablo Escobar. Son but : faire tomber 85 barons et une banque internationale. Son plan : s’inventer un passé, une identité, une fiancée. Son risque : le moindre faux pas lui serait fatal…. 

Orange platonique.

Sur toutes les affiches, de celles des couloirs des métros jusque dans les annonces publicitaires d’internet, il y a une gueule à laquelle on n’échappe pas : celle de Bryan Cranston, à l’affiche d’Infiltrator. Certes, on a subi pire placardage industriel que la trogne de celui qui a marqué une génération par ses rôles dans Malcolm et Breaking Bad. Il y a là l’occasion pour l’acteur canadien de camper son grand personnage au cinéma – non, on ne compte pas Trumbo. Avec Robert “Bob” Mazur, il y a de quoi faire. Légende parmi les légendes chez les indic’, balances et jusque dans les bureaux des agences à 3 lettres états-uniennes, le bonhomme s’est fait un nom en grimpant de plus en plus haut dans la famille des revendeurs de drogue de l’Amérique Centrale jusqu’à cafter une centaine de noms et de société corrompues. Parfois d’un orteil, parfois jusqu’au cou. L’histoire d’un mec discret, père de deux enfants et mari honnête, parti pourchasser du malfrat et du baron avec un micro / attaché case en guise de 9 mm. Le contexte global sonnera quelques cloches à ceux qui viennent de finir leur binge de Narcos. Le nom de Medellin ne sera qu’un des rares points de comparaison entre les deux oeuvres.

La lourde tâche de rendre passionnante l’histoire d’un type invisible est attribuée à Brad Furman. Un type qui a contribué à sortir Matthew McConaughey d’une carrière mauribonde avec La Défense Lincoln (on y retrouve d’ailleurs Cranston et un autre membre du cast d’Infiltrator, John Leguizamo) et enchaîné avec un policier moyen mais pas horripilant non plus, Players. Pour ceux qui se sont déjà frottés à ces deux longs-métrages, pas de surprise. On retrouve la signature graphique du bonhomme, à base d’une surabondance d’orange et des tons de colorimétrie qui vont avec. Que les sceptiques soient directement orientés : on penche davantage du côté de l’exagération putassière moite de David Ayer que de la douceur poétique d’un Jean-Pierre Jeunet. La meilleure preuve ? Un faux-grain imprimé sans une once de délicatesse. Mettons cela sur le compte d’une contextualisation souvent forcée – les années 80, leurs chemises à fleurs, leurs voitures cubiques et quelques combos lunettes-moustaches mandatés. Mazur (Cranston) devient Bob Musella, l’identité d’un entrepreneur véreux chargé de blanchir l’argent de la drogue. L’opération, menée en pleine guerre anti-narcotiques et promue directement par l’administration Reagan, possède des passe-droits gigantesques. Création et entretien de faux-comptes par les agences, villa démesurée et nouvelle fiancée de fonction, Kathy (Diane Kruger) : au fur et à mesure que les mensonges deviennent nécessaires pour aller chercher plus haut les gros bonnets, ils se réalisent aussi. Rapidement, la trame du film devient limpide : une ascension où les fastes s’accélèrent au même rythme que les risques pour Mazur, Kathy et leurs familles respectives.

Sauf que. Malgré une direction évidente et un attachement viscéral envers les codes du film de grand banditisme, Furman s’embourbe dans une trame à la fois simpliste et imprécise. La montée de Mazur est molle. Elle cale par à coups, comme un moteur trop vieux dans une pente trop raide. Les personnages secondaires abandonnent rapidement une automobile qui gueule plus qu’elle n’avance. Les acolytes anonymes Joe Gilgun et John Leguizamo s’abstiennent de tout poids narratif, bouffés par le choix de Furman de nous coller du Cranston à chaque coin de plan. Les ficelles techniques sont apparentes. Le fond est trop souvent sacrifié pour des effets tape à l’oeil et pas franchement réussis, à l’image d’une trame sonore criarde pour pas grand chose. Le manque de tact à l’image se double d’un montage grossier. Dommage : il y aurait eu fort à faire d’une schizophrénie d’un mari quelconque insoupçonné de se frotter à quelques uns des pires (et des plus fous) criminels de sa décennie. Infiltrator préfère caresser la surface des choses (les piscines, les boîtes de nuit, les réceptions luxueuses), quitte à nous flanquer de bromances ridicules entre son personnage principal et ses antagonistes qui n’en sont plus vraiment. Collé à une interprétation myope du bouquin de Mazur, le vrai cette fois, le spectateur ressort avec la lassitude du manque de distance et de réinterprétation de Furman face à son script, doublée de la douloureuse sensation de n’avoir rien pu appréhender du sujet qu’il avait en face des yeux deux heures durant. Peut être la seule et donc la meilleure imposture que nous propose Infiltrator.

La fiche

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INFILTRATOR
Réalisé par Brad Furman
Avec  Bryan Cranston, Diane Kruger, John Leguizamo…
Etats-Unis – Thriller
Sortie : 7 Septembre 2016
Durée : 127 min




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