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I FEEL GOOD | Jean Dujardin chez Kervern et Delépine

Qui ?

Gustave Kervern et Benoit Delépine sont aujourd’hui des figures incontournables de la comédie française et du cinéma dit « social ». Auteurs d’un discours engagé et profondément irrévérencieux, ils reviennent à la charge avec un nouveau film intitulé I feel good.

Ce qui constitue principalement le cinéma de Kervern et Delépine, c’est son sens de la critique sociale. En effet, les faits sociaux qui y sont représentés (la délocalisation économique dans Louise-Michel, le passage à la retraite dans Mammuth, la consommation de masse dans Le Grand Soir) ne peuvent conduire qu’à une prise de conscience de leur illégitimité et de leur absurdité. C’est par exemple le sens de la scène où le tueur à gage Michel, dans Louise-Michel, échoue à tuer le patron délocalisant l’entreprise de Louise, tout simplement parce que personne ne sait qui est le patron… Ou bien la scène du Grand Soir où le personnage de Dupontel, enchaînant les mauvaises nouvelles, décide de s’immoler au beau milieu d’un supermarché pour éveiller les consciences et se faire martyr d’une société réprimant l’échec. Personne ne fait attention à lui…

Le duo de Grolandais s’est toujours attelé à donner une image et une légitimité à des personnages qui n’avaient pas leur place dans la comédie, voire dans le cinéma français en général. Dans le cinéma de Kervern et Delépine, on voit des handicapé(e)s, des chômeurs(ses), des ouvrier(e)s, des retraité(e)s, des paysan(ne)s, des punks, des suicidaires… Des personnages qui pour certains, au premier abord, peuvent paraître simples d’esprits, marginaux, lunaires, mais qui in fine, sont partie prenante d’une mélancolie, d’une sensibilité et d’une poésie qui transcendent le cinéma. Ce qui se ressent chez Kervern et Delépine, c’est ce qui peut faire défaut dans d’autres comédies françaises populaires : l’amour des auteurs pour leurs personnages. Ce qui ressort de leur cinéma, finalement, c’est une profonde tendresse pour les êtres humains.

Cet amour de la marge est le signe d’une contestation du système social et économique dans lequel nous vivons, de ces « normes » que le personnage d’Albert Dupontel vantait au début du Grand Soir, avant d’être broyé par celles-ci. Être aux normes, c’est renoncer à ce qui fait la singularité de l’individu, et c’est se réduire à un simple Paraître, ridicule et absurde. Kervern et Delépine n’ont jamais renoncé à ce qu’ils étaient, et envoient paître tous ceux que cela dérange. Un cinéma punk comme on en fait plus, et qui fait franchement du bien.

Jean Dujardin (déjà apparu dans le cinéma de Dupontel, qui est un proche de Kervern et Delépine) et Yolande Moreau (déjà apparue dans Louise-Michel et Mammuth) font partie du nouveau projet des réalisateurs, qui semblent encore une fois se porter vers une critique sociale acerbe, cette fois ci vis-à-vis du monde de la chirurgie esthétique.

Jean Dujardin avec Gustave Kervern et Benoit Delépine

Quoi ?

Jacques (Jean Dujardin) décide à quarante ans de devenir riche et célèbre. Il se lance donc, tant bien que mal, dans le marché de la chirurgie esthétique low-cost. En vue de mettre au point son projet, il se réfugie chez sa soeur (Yolande Moreau), directrice d’un village Emmaüs. A force de vendre du rêve aux habitants du village, Jacques arrive à convaincre un petit groupe d’individus de se rendre avec lui dans une clinique de chirurgie esthétique en Roumanie…

Quand ?

Tourné en août dernier, I feel good sortira le 26 septembre 2018 en France. Et contrairement à Saint Amour ce ne sera pas Le Pacte mais Ad Vitam qui distribuera le film. 

Pourquoi ?

On ne se rend peut-être pas compte du fait qu’un tel cinéma n’existera peut-être plus. Kervern et Delépine semblent incarner ce qui se rapproche le plus de l’esprit du cinéma des années 70 : engagé, érotique, libertaire, polémique, profondément contestataire et où tout était presque possible. Cela tranche par rapport au cinéma d’aujourd’hui, où l’on est capable d’interdire jusqu’à la présence d’une cigarette…

Le duo de réalisateurs, à l’image du cinéma des années 70, se révolte face au fait établi, face à son injustice et à son absurdité qui broient la singularité de l’individu pour mieux la conformer à une certaine idée de ce que doit être la norme. Le cinéma, qui reste avant tout une industrie, a besoin, en tant qu’art, qu’une parole comme celle de Kervern et Delépine existe et perdure, tout en conservant son originalité, voire sa marginalité. 

 

Crédit photo : Kevin Estrade – La république des Pyrénées



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