house that jack built

FEFFS 2018 | Jours 8 et 9 : de la sangria et un cochon pour finir

Jour 9 : Clôture et palmarès

Dernier jour officiel du Festival Européen Du Film Fantastique de Strasbourg. C’est toujours difficile une fin de festival, tant le retour à la réalité semble cruel. L’occasion de rêver encore une dernière fois avec le merveilleux Miraï, qu’on encensera plus longuement par ici. L’heure était alors à la cérémonie de clôture et à la remise des prix.

Découvrez le palmarès du FEFFS 2018

An Evening with Beverly Buff Linn – Jim Hosking (2018)

La soirée se termine avec la projection du délirant film de Jim Hosking, qui revient deux ans plus tard après son Greasy Strangler. Comédie étrange, dont l’absurdité n’est pas sans rappeler le cinéma de Quentin Dupieux, le cinéaste revient avec son humour si particulier. Mauvais goût absolu, personnages aussi exubérants qu’invraisemblables, le tout emballé dans une atmosphère kitchissime, le film s’annonçait comme idéal pour clôturer le festival. Si on est tout de suite conquis par l’humour grotesque du film, celui-ci souffre rapidement de ses longueurs. C’est d’abord très drôle, mais le mécanisme s’épuise vite : on sait quand on va rire, et finalement on s’en lasse peu à peu. Le film reste néanmoins un objet bizarre et délirant, qui offre tous les ingrédients pour finir la semaine en beauté.

Replay / Pig – Mani Haghighi (2018)

Après l’immense déception de Climax de Noé, il était temps d’oublier avec Pig, comédie horrifique iranienne. On pense bien qu’un tel film a pu faire débat dans un pays encore trop conservateur : le film est ouvertement méta et critique allègrement le gouvernement en place et sa relation problématique avec le cinéma. Pig est en tout cas une comédie noire où l’on rit beaucoup, à travers son personnage principal narcissique, malheureux de ne pas être la proie d’un tueur qui décapite tous ces collègues cinéastes. Un film sympathique, qui n’a pas volé son prix.

Jour 8 : Non-violence

KillingShinya Tsukamoto (2018)

Après avoir diffusé Tetsuo l’année dernière en rétrospective, Killing marque le grand retour de Tsukamoto au cinéma. Le réalisateur japonais revient avec un film de sabre, mais ne s’est pourtant pas assagi : il reste toujours une géniale aberration dans le cinéma indépendant japonnais. Réalisateur, scénariste, mais aussi acteur et directeur photo, Tsukamoto enfile les casquettes pour une film au résultat saisissant, qui vient dynamiter les codes du chanbara. Sous ses effluves de sang se cache pourtant un refus de la violence à travers un samouraï voulant échapper à son destin, incapable de tuer et de faire honneur à son statut. Les combats de sabre sont tremblants et presque fuyants : à l’instar des codes du genre, Killing ne magnifie pas la violence mais la rejette. Le film s’offre quelques fulgurances visuelles, et reste un incontournable de cette sélection.

Near Dark – Kathryn Bigelow (1987)

Near Dark, premier film de Kathryn Bigelow, fait partie de ces films dont le temps semble avoir un effet bénéfique. Echec commercial à sa sortie, le film s’est construit un petit statut de film culte en étant réévalué depuis. Film de vampire, très inspiré du western et d’un certain Peckinpah, Near Dark est un film hybride. Ambiance bikers, crasse et bar miteux dans lequel un vampire refuse son destin de tueur. Coïncidence de programme pour deux films aux thématiques similaires, Near Dark prône quant à lui une pureté du cœur salvatrice. Il faudra bien reconnaître qu’il a peu mal vieilli, même si le film possède encore un certain charme.

The Man Who Killed Hitler and Then The Bigfoot – Robert D. Krzykowki (2018)

Coup de cœur de cette sélection Crossovers, The Man Who Killed Hitler and Then The Bigfoot est une première réalisation solide et sincère. On reste toujours admiratif face à des premiers films de cette envergure, et avec une réalisation aussi convaincante. Avec un titre à rallonge et plutôt mystérieux,difficile de savoir à quoi s’attendre. Le film est au final une sorte de film d’aventure comme on en fait plus. Loin des divertissements cyniques que le cinéma nous offre à n’en plus pouvoir, le film possède une sincérité désarmante qui le rend touchant. Narrant les mémoires d’un vieux monsieur, condamné désormais à un quotidien ennuyeux alors même qu’il a vécu une vie extraordinaire, le film dresse le portrait d’un héros comme on en retrouve plus : attachant, intelligent et réfléchi. On est loin des scènes d’actions musclées, puisque le film offre une réflexion sur le temps qui passe, le deuil et les regrets. Pourtant pas parfait, The Man Who Killed Hitler and Then The Bigfoot rappelle aussi que parfois le cinéma peut encore faire rêver à travers la simplicité, et qu’il peut encore être vecteur d’une émotion bienveillante. C’est presque devenu trop rare.

Jour 7 : Catharsis par le Mal

Friedkin Uncut – Francesco Zippel (2018)

Invité d’honneur de la dixième édition, le FEFFS rend à nouveau hommage à William Friedkin (en plus de sa sulfureuse projection de l’Exorciste dans une église) en diffusant le documentaire lui étant consacré, Friedkin Uncut. Personnalité aussi exubérante que passionnante, William Friedkin revient ici sur ses tournages, son obsession du bien et du mal, le tout dans des anecdotes qui sonnent comme fictives. Le documentaire questionne sur l’impact de William Friedkin au cinéma, raconté par les grands noms du cinéma américain contemporain, d’un Quentin Tarantino à Francis Ford Coppola, en passant par Matthew McConaughey. Difficile de dissocier l’œuvre de l’artiste, tant la personnalité folle de Friedkin déteint sur ses œuvres, et c’est tant mieux. Petit clin d’oeil au FEFFS dans lequel on le voit lors de sa masterclass de l’année dernière, déclamant la Marseillaise. Aussi drôle que pertinent.

The House That Jack Built – Lars Von Trier (2018)

Film très attendu de cette édition, The House That Jack Built marque le grand retour du sulfureux Lars Von Trier avec une comédie (très) noire. On ne sait jamais trop à quoi s’attendre avec le réalisateur danois, surtout quand celui-ci a (encore) fait scandale au dernier Festival de Cannes. Au final, on comprend à moitié les nombreuses indignations et sorties de salle lors de la projection en mai dernier : le film offre quelques meurtres épouvantables, dont une de chasse qui va encore longuement faire parler d’elle. Mais étonnamment, on rit, et on rit beaucoup. Les meurtres atteignent parfois un tel degré d’absurdité qu’ils prennent une tournure comique qui désamorcent l’horreur de la situation. Certes, le rire ne fera sûrement pas l’unanimité.

The House That Jack Built n’est pas qu’une comédie grinçante. On peut le voir  aussi comme une introspection de Lars Von Trier sur son œuvre, presque psychanalytique. On retrouve en Jack une part du réalisateur, obsédé par le mal et en quête perpétuel de sophistication. Chaque meurtre, chaque œuvre est une pièce ajoutée à un édifice plus ambitieux qui se doit d’être parfait. Ego démesuré crieront certains, et on peut les comprendre, Lars Von Trier s’interroge ici sur ses propres œuvres, quitte à s’auto-citer. Les TOC de Jack font écho au maniérisme du cinéma de Von Trier qui le rend si unique : prologue, découpage en actes, musique classique. Un peu comme la comptine dont le titre fait allusion : on ne saura jamais vraiment à quoi ressemble la maison de Jack, car c’est la manière qui importe. Et la sienne ne peut qu’être monstrueuse.

Le film questionne avant tout la moralité de l’art : le cinéma de Lars Von Trier est connu pour sa provocation, mais aussi pour le chaos et le mal qui s’en dégage. Selon lui, l’art ne peut pas être moral puisqu’il existe une beauté dans les ténèbres, qui en devient cathartique. Pas étonnant si l’on s’intéresse à son œuvre dans son intégralité : l’art sous toutes ses formes, musicales ou peintes y est représenté. Que ce soit la Ophelia de Millais dans Melancholia, ou ici avec La Barque de Dante de Delacroix, l’art chez Lars Von Trier est sublime, provoquant une fascination terrifiante. Le mal gangrène la filmographie du réalisateur. On pourra crier à la misogynie et à la misanthropie face à ce The House That Jack Built, mais c’est ne pas le comprendre. Le film aurait pu être détestable, mais ne cautionne pas les actes de son odieux personnage. On peut le voir comme une sorte de mea culpa d’un réalisateur détesté qui voit dans ses œuvres une manière de faire sa propre catharsis, qui le mèneront peu importe le chemin, en Enfer. Une chose est sûre, Lars Von Trier va encore beaucoup faire parler de lui, et c’est tant mieux car le cinéma a besoin d’avoir des œuvres aussi fascinante.

Jour 6 : Félins et chercheurs d’or

La féline de Jacques Tourneur
La Féline – Jacques Tourneur (1942)

Présenté à l’occasion de la rétrospective Chromosomes XX consacrée aux femmes dans le cinéma de genre, La Féline se présente comme un incontournable du cinéma horrifique. Pas de sang ni même de monstre à l’écran, toute l’angoisse provient de notre imagination, des non-dits et des hors-champs. C’est une ombre, un cri ou même un regard qui laisse présager le pire. Les véritables monstres sont humains, et s’incarnent dans les hybris de l’âme humaine, dans sa cruauté, sa jalousie et sa volonté de mort. Vrai plaisir que de découvrir un tel chef-d’œuvre sur grand écran.

Prospect – Zeek Earl, Chris Caldwell (2018)

Présenté en compétition internationale, Prospect aurait très bien pu trouver sa place en sélection Crossovers. Film de science-fiction, mais aussi western qui n’est pas sans rappeler l’Ouest américain, sauvage et indomptable, Prospect met en scène un père et sa fille, sorte de chercheurs d’or de l’espace qui vont se retrouver pris au piège face à des mercenaires. C’est toujours un pari risqué de vouloir proposer des récits dans l’espace avec peu de budget, car le risque de tomber dans le ridicule n’est jamais très loin. Pourtant, le film parvient habilement à contourner ses limites. La photographie est très jolie, et les décors sont réalistes : pas d’ordinateurs surpuissants ou d’avancées technologiques incroyables, ici la technologie semble vétuste et accessible à tous. Les ordinateurs sont rouillés et semblent provenir des années 80, et c’est peut-être ce qui le rend crédible. Sans être incroyable, le film possède un certain charme et réussit à proposer un univers singulier. Dommage peut-être que le scénario soit aussi facile, et souffre de certains longueurs. Il n’en reste pas moins que Prospect ose, et c’est ce qui le rend admirable.

Les jours à venir promettent encore de belles surprises, avec notamment le très attendu retour de Lars Von Trier avec The House That Jack Built, ainsi qu’un documentaire du grand William Friedkin.

Jour 5 : Comédies noires

Cinquième jour du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg, toujours aussi déterminée à affronter de nouvelles surprises, et des déceptions. Un festival de cinéma, c’est comme être dans une dimension parallèle où le monde extérieur n’existe plus : on fait des choses un peu folles, on y rencontre des gens un peu fous et surtout, on est capable de s’enfermer pendant des heures dans une salle obscure alors que l’été est encore présent. La fatigue se fait légèrement sentir, mais après tout, c’est dans la tête.

Pity – Babis Makridis (2018)

Film Pity
Pity raconte l’histoire d’un homme qui se complaît dans le malheur, et aime particulièrement susciter la pitié auprès des autres. Le film s’inscrit dans cette nouvelle veine de comédie noire et cynique qui devient propre au cinéma grec. Fortement influencé par le cinéma de Lanthimos, dont le scénariste Efthimis Filippou avait déjà travaillé sur The Lobster, le film se veut aussi noir et provocant. Problème : n’est pas Lanthimos qui le veut. C’est formellement irréprochable, avec une photographie léchée, aussi froide et propre qu’une salle d’opération. Pourtant, cela ne suffit pas à convaincre. Pity est insupportable de méchanceté, et ne provoque rien d’autre que de l’indifférence et de l’agacement. S’il lui faut bien une (très) longue heure pour débuter, provoquant ainsi une indifférence totale, sa dernière demi-heure arrive exactement où l’on attendait, à savoir dans une provocation gratuite et cruelle. Pity oublie que l’humour noir ne se résume pas à une succession d’événements edgy pour provoquer le rire ou le malaise. On en sort finalement éprouvé, davantage par l’ennui que par le malaise. À cela s’ajoute une musique classique insupportable, venue ici pour appuyer chaque ressort supposé comique, et qui donne cet aspect pompeux, bourgeois et complaisant qui le rend si détestable. Vendu comme une comédie hilarante, quelques rires se sont glissés au milieu des nombreux soupirs. A oublier, et très vite.

Brother’s Nest – Clayton Jacobson (2018)

Deuxième film en compétition Crossovers de la journée, Brother’s Nest est bien la preuve que l’on peut faire des comédies noires où l’on rit. Deux frères, l’un psychopathe sur les bords et l’autre plus humain, ont décidé de se débarrasser de leur beau-père pour récupérer la maison familiale, et évidemment, ça tourne mal. Le film parvient à la fois humour et tragédie familiale, puisque de l’empathie naît un humour savoureusement absurde. Rien d’extraordinaire, pourtant Brother’s Nest est un honnête et sympathique divertissement, qui prouve qu’il n’y a pas besoin d’être cruel pour faire rire.

Jour 4 –  Sirènes artificielles

De retour au Festival Européen du Film Fantastique pour une journée un peu plus calme, malgré la fatigue qui se fait déjà sentir.

More Human Than Human – Tommy Pallota et Femke Wolting (2018)

On commence avec le documentaire More Human Than Human qui questionne le futur de l’intelligence artificielle. Bien que le film survole son sujet, offrant ainsi une réflexion un peu fourre-tout, il n’en demeure pas moins intéressant et explore certaines pistes assez inédites. En questionnant la représentation de l’intelligence artificielle au cinéma, le documentaire cherche à interroger sur leur pertinence, entre robots sympathiques et machines démoniaques. Du déjà-vu.

Carnival Of Souls – Herk Harvey (1962)

Cette année, le FEFFS met en lumière les femmes dans le cinéma de genre, avec notamment une rétrospective qui leur est dédiée. Chromosomes XX revient sur des œuvres cultes du cinéma de genre : l’occasion alors de redécouvrir Carnival Of Souls sur grand écran. Influence majeure pour de nombreux cinéastes, et bien que très peu connu, le film possède une aura étrange et inquiétante. Malgré quelques longueurs, le film offre de vraies scènes macabres, où les morts dansent jusqu’à l’aube. Portée par une musique d’orgue étrange, Carnival Of Souls reste un incontournable du cinéma d’horreur.

The Rusalka – Perry Blackshear (2018)

Sélectionné en compétition, le réalisateur de They Look Like People revient cette année avec The Rusalka. S’inspirant du mythe des sirènes, le film conte la romance interdite entre Tom, amant innocent et muet et une créature aquatique à l’apparence humaine. Pas question de queue de poisson  puisque le film raconte son histoire de manière réaliste. Film à très petit budget et ça se ressent : si la photographie est plutôt jolie, le montage vient détruire toute empathie. On voudrait pouvoir être indulgent mais il faut être honnête : The Rusalka ne parvient pas à rendre crédible son histoire d’amour, tant les personnages ont parfois des réactions invraisemblables, empêchant ainsi toute émotion. Le montage quant à lui est confus, décuplé par des effets sonores assez ridicules. Première grosse déception de ce festival, avec un film plus grotesque que tragique.

Jour 3 – Loups-garous et guerre civile

Malgré une petite déception de ne pas voir Climax (et on s’empressera de le découvrir dès que possible), la journée de dimanche s’annonce intense avec au programme des loups-garous, Another Day of Life et un Nicolas Cage dément.

Le Loup-Garou de Londres – John Landis (1981)

Une journée qui démarre fort avec une passionnante masterclass dirigée par John Landis, invité d’honneur de cette onzième édition. L’occasion alors de revenir sur sa carrière, mais surtout sur des croustillantes anecdotes de tournages, de sa surprenante rencontre avec Salvador Dali ou encore sur ses figurations dans des westerns, le tout avec beaucoup, beaucoup d’humour. Une discussion suivie par la projection du Loup Garou de Londres, œuvre culte du cinéma d’horreur des 80’s et pour cause. Le film parvient à créer un savoureux mélange de comédie et d’effroi, qui marquera au fer rouge le cinéma américain. Une scène en particulier ne dément pas sa réputation : la transformation en loup-garou reste terrifiante, et la qualité des effets-spéciaux reste encore aujourd’hui impressionnante. Sans être extraordinaire, le film n’en demeure pas moins un solide divertissement.

Another Day of Life – Raùl de la Fuente (2018)

Direction ensuite la compétition d’animation, grande nouveauté de cette nouvelle édition du FEFFS, avec Another Day of Life de Raùl de la Fuente, présenté en séance spéciale à Cannes. Mélangeant prise de vue réelle et animation en rotoscopie, le film retrace le parcours de Kapuscinski, journaliste polonais envoyé en Angola, terrassé par une sanglante guerre civile. Visuellement superbe, le film dépeint un pays gangrené par la violence de la guerre, et prend volontairement, malgré son aspect documentaire, des accents de film d’aventure. Mais il en faudra plus pour convaincre : Another Day of Life souffre surtout d’une narration compliquée, qui brouille involontairement l’identité des personnages (un comble pour un film voulant leur rendre hommage). De même, le film exige des prérequis culturels sur le contexte angolais car, malgré sa volonté d’être grand public, il n’explique que très peu une période pas forcément connue de tous. Il s’en dégage néanmoins un propos touchant sur l’importance du journalisme et de l’information dans le monde, ainsi que le traditionnel discours anti-guerre.

La journée se termine très tard avec la projection de Mandy en séance de minuit, film dément de Panos Cosmatos, et dont on avait déjà longuement fait les éloges. L’ambiance était évidemment électrique,et a su ravir les fans de Nicolas Cage et de sa démesure qui lui est si propre. Une bien belle façon de clôturer la journée, la nuit va être courte, mais on a déjà hâte d’être au lendemain. 

> > > Lire aussi : notre critique de Mandy de Panos Cosmatos

Jour 2 : Profile Djihadiste

Deuxième jour de compétition. Les zombies ont envahi cette année encore les rues de la capitale strasbourgeoise, le dernier refuge de l’humanité se trouvait quant à lui dans les salles obscures. Un film aura retenu notre attention : Profile de Timur Bekmabentov.

Producteur déjà d’Unfriended sorti en 2014, le réalisateur russe revient cette année avec Profile qui utilise le concept de « screenlife », à savoir un film qui se déroule entièrement sur un écran d’ordinateur. Ainsi, l’image cinématographique est elle-même remise en question puisque la notion de cadre, de champs, ou même d’esthétique disparaît pour laisser place à un bureau de Mac, aussi banal et froid, qui n’est pas sans rappeler le found footage et son système de caméra à l’épaule.

C’est peut-être un des meilleurs exemples à ce jour de films « screenlife ». C’est fluide et surtout son utilisation est pertinente : parler de l’embrigadement djihadiste à travers internet, c’est mettre le doigt sur une réalité terrifiante, et pourtant difficilement montrable dans un cinéma plus classique. Le procédé instaure une paranoïa qui pousse le spectateur à analyser chaque recoin de l’image, d’une information oubliée ou d’un indice. Le film joue de notre connaissance culturelle, et est en cela très réaliste : il joue des nos habitudes et de la banalité d’internet. Ce qu’on voit à l’écran semble quotidien, de l’utilisation du gif en passant par les notifications qui occupent toute notre attention.

C’est toujours passionnant de voir à quel point le cinéma cherche à s’imprégner des nouvelles technologies. On pourrait croire qu’un écran d’ordinateur annihile toute émotion, au contraire. Rien n’est plus intime qu’une conversation Facebook, à travers ses non-dits et ses apparences. Profile est une réussite : sa force tient de sa faculté à retranscrire le réel, et c’est ce qui le rend terrifiant.

Au programme pour ce dimanche : des loups-garous et John Landis, et Nicolas Cage avec une tronçonneuse (Mandy).

JOUR 1 : Nonnes fantomatiques

Le Festival du Film Fantastique de Strasbourg s’est enfin ouvert ce vendredi 14 septembre avec le très attendu La Nonne de Corin Hardy. L’ambiance promet d’être cette année encore chaleureuse et bon enfant, et c’est bien une des forces de ce festival. Deux ans après avoir remporté le Méliès d’argent durant le festival avec The Hallows, Corin Hardy revient cette année avec un blockbuster horrifique. Une ouverture aussi terrifiante que prévue ?

Spin-off de la saga Conjuring, La Nonne s’annonçait comme le grand huit terrifiant du cinéma d’horreur, tant attendu pour cette rentrée. Loin de la terreur promise, le film ressemble davantage à un train fantôme aussi désuet que bordélique, mais pour une raison presque mystique, le charme opère tout de même. La Nonne surprend d’abord par ses visuels follement gothiques, avec cimetières lugubres, pleine lune et château hanté de Roumanie, qui ne sont pas sans rappeler ceux d’un Dracula, fortement influencé par les films de la Hammer. Il s’en dégage une sincérité assez plaisante, dans laquelle on perçoit l’ambition nostalgique de recréer cet univers, et c’est d’autant plus étonnant dans un blockbuster aussi attendu.

Pourtant, la Nonne reste un film bancal, partagé entre une écriture désastreuse qui n’a plus rien à dire au bout de 30 minutes de film, un twist final ridicule et surtout les traditionnels jumpscares qui annihilent ici toute espoir d’effroi. On rit (se moque ?) davantage qu’on ne frissonne tant le film tourne au grotesque, ajoutant ça et là des éléments qui n’apportent rien au scénario, sinon quelques sursauts gratuits. C’est très honnêtement pas très bon, en plus de prendre le spectateur pour un idiot en lui sur-expliquant certains twists à travers des flashbacks sans fin de scènes vues dix minutes auparavant. La Nonne évoque pourtant ces maisons hantées de fête foraine vintage qui respire la poussière mais dans lequel on s’amuse quand même, à défaut de vouloir l’admettre.




%d blogueurs aiment cette page :