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DAMIEN CHALLÉAT | Entretien

Nous avons rencontré Damien Challéat, vice-président de l’Association « De l’écrit à l’écran ». Avec lui, nous remontons le temps d’une décennie d’aventures. Un Festival qui s’est construit autour du partage et de l’éducation.

Le Festival De l’écrit à l’écran fête ses 10 ans, pouvez-vous nous raconter ses débuts et son évolution ?

Damien Challéat : L’impulsion initiale, c’est vraiment Alain Choquart et Vanessa Lhoste qui l’ont donnée. Ils voulaient inscrire un acte politique sur le plan culturel à un moment où la montée des extrêmes interrogeait, inquiétait. Alain a toujours dit que, parmi les objectifs, il y avait celui de freiner cette montée. Nous pensons que la culture peut avoir un rôle politique, dans le sens noble du terme. Pour le vivre ensemble, pour l’idée de communauté, pour ce que les émotions peuvent créer comme sentiment d’unité, pour les valeurs que l’on porte.

Au départ, il y a vraiment eu ce geste là, dans un territoire rural ou semi urbain, la volonté de développer une culture accessible au plus grand nombre. Il y a eu un deuxième aspect aussi très présent : parler à tous les publics, ne pas faire une culture élitiste, réservée à un petit groupe d’initiés. L’éducation aux images a constitué le troisième élan. Pouvoir s’adresser à un public scolaire et créer une dynamique à leur attention.

L’angle de l’adaptation était là dès le début ? 

Au départ, la première association créée s’appelait Actes en Drôme et travaillait aussi autour du théâtre. Quand la première édition du festival a été lancée, on a voulu créer un dialogue entre ces deux activités. Il y avait l’idée que de toute façon, il n’y a pas de cinéma sans écrit. On part toujours, d’une intention, d’un texte ou d’un scénario. On est restés sur cette ligne même si la programmation n’est pas exclusivement composée d’adaptations. Aujourd’hui, Maylis de Kerangal dialogue avec Frederick Wiseman, c’est du cinéma mais pas seulement. C’est de la narration. 

Vous avez, j’imagine, grandis au fil des éditions

Pour la première édition, on était sous un chapiteau, dans un petit village qui s’appelle Pont-de-Barret. Il y a avait 1 000 personnes pour regarder Capitaine Conan en présence de Bertrand Tavernier et Philippe Torreton. On se garait dans un champ et on mangeait sur des bancs. Après, il y a eu deux trois années très difficiles, il a fallu se faire connaître, auprès du public, des distributeurs, acquérir la confiance de tout le monde. Et puis on a passé un palier en 2017, on a eu plus de monde, les distributeurs ont vu que les films étaient bien exposés, qu’ils étaient bien accueillis, que le public montilien est exigeant mais bienveillant. On a vraiment franchi un cap. 

On veut défendre un cinéma de rencontres, d’échanges, pas de compétition, on de décerne pas de Nougat d’or !

Le défi étant de garder l’état d’esprit du début tout en se développant ?

En se professionnalisant, oui. Dans le même temps, on a fait un énorme travail auprès des scolaires. On fait deux festivals en réalité. Indépendamment de la programmation tous publics, on élabore une programmation à destination des scolaires. Les enseignants la reçoivent au mois de mai, ils s’inscrivent en juin et on les accueille en septembre. On a 10 000 scolaires qui viennent, 2 500 par jour. Et, autour de chaque film, on invite des intervenants, acteurs, réalisateurs ou spécialistes du sujet que le film aborde. Des professionnels du cinéma qui viennent faire des masterclasses. Nous tenons beaucoup à cette dimension éducative.

Avant chaque séance, les spectateurs sont invités à voter pour le Prix du public…

On a voulu un festival sans jury. On veut défendre un cinéma de rencontres, d’échanges, pas de compétition, on de décerne pas de Nougat d’or (rires). Le seul prix qu’on pouvait imaginer, c’était celui du public. On organise aussi un concours de scénario, à partir d’une nouvelle. Cette année c’est une nouvelle d’Hubert Mingarelli. Et on a un jury jeunes pour l’aspect éducation aux images.

Est-ce que la réussite des voisins de Lussas a été, si ce n’est un modèle, une référence ?

Non, on cherche vraiment à tracer notre petit bonhomme de chemin, sans prétention mais avec ambition. On cherche à construire notre propre modèle. On peut s’inspirer des autres, on regarde ce qui se fait de bien ailleurs, mais dans l’ensemble on cherche à développer notre identité en respectant les équilibres, notamment financiers. On a trois sources de financements, un tiers provient de partenaires institutionnels, un tiers vient des nombreux partenariats privés et un dernier tiers est constitué des fonds qu’on génère nous-mêmes. Lussas est assez particulier, c’est un festival beaucoup plus tourné vers les professionnels, c’est du documentaire.

En dix ans, quelle est votre pire et votre meilleur souvenir ?

Le pire souvenir, c’est l’an dernier. On n’a pas pu faire le Festival alors que les équipes s’étaient battues toute l’année. Au dernier moment, on avait encore refait une programmation adaptée au couvre-feu… Ça a été un déception immense, très difficile à digérer pour tout le monde. Tellement de travail réduit à néant.

Toutes les rencontres avec les artistes sont extraordinaires. Mon nouveau meilleur souvenir, c’est la rencontre que je viens d’avoir avec Maylis de Kérangal. En début de semaine, j’ai passé la soirée avec Sorj Chalandon, j’étais un gamin qui rencontrait son idole. 


Propos recueillis et édités par F-X Thuaud pour Le Bleu du Miroir  




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