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VOYAGES EN ITALIE

Une escapade romantique peut-elle raviver la flamme dans un couple ? Elle a réussi à le convaincre de partir quelques jours sans enfants. Ce sera où il a envie, sauf en Italie. Il y est déjà allé avec toutes ses ex… L’Espagne ? Les sentiers de l’Aubrac ? Ce sera finalement la Sicile – car selon lui, c’est pas tout à fait l’Italie.

Critique du film

On se souvient encore d’Énorme, précédente réalisation de Sophie Letourneur, qui avait été une nette saillie dans le paysage morne de la comédie française. Le film abordait avec beaucoup de culot la question de la maternité par le prisme tabou des conflits intra-conjugaux, de la transformation du corps et de la dépossession de soi par l’environnement social qui se crée autour des femmes enceintes. La réalisatrice restituait ainsi au sujet la valeur politique qui lui incombe, et on regrette que cette démarche ne se retrouve pas dans cette nouvelle exploration des vicissitudes de la vie de couple moderne portant sur les vacances en amoureux, derrière lesquelles se dessine le spectre d’une séparation.

L’ensemble pourrait être une comédie de remariage, sauf que le conflit n’éclate jamais vraiment. On saisit bien l’intention de montrer comment un couple qui semble au premier abord usé jusqu’à la corde peut se maintenir, sans se réinventer totalement par une opération magique du destin. Les choses se prolongent simplement, à mesure que le couple visite de nouveaux lieux, donnant naissance à des moments d’intimité, de partage, de joie, le long d’un chemin autrement égrainé de compromis et de petites frustrations. Tenu essentiellement par l’excellente alchimie entre Sophie Letourneur (qui joue aussi le premier rôle féminin) et Philippe Katerine, le long-métrage peine cependant à sortir de son cercle de départ et à incarner son propos sur le couple esquissé en préambule. Une impression générale de sur-place émerge assez vite, et n’est en même temps jamais mise en perspective avec la morosité de la relation amoureuse des deux parisiens. Ni la part d’autofiction du récit, ni la mise à distance des événements dans la dernière partie du film – où l’on comprend que les vacances sont en fait des souvenirs partagés par le couple sous la couette – ne parviennent à relancer le sujet et à mieux le saisir, son traitement restant trop mou, trop morcelé.

Voyage en Italie

Mais si l’on occulte la trajectoire globale du récit pour se concentrer plutôt sur les fragments, la valeur humoristique de Voyages en Italie apparaît beaucoup plus nettement, pour peu qu’on y soit sensible. Sophie Letourneur évolue en effet dans le registre difficile du pathétique : ses personnages sont deux incroyables chiffes-molles, complètement dépossédées de tout sens d’adaptation et de lâcher prise. Les dialogues et les situations trahissent une forme d’obligation sociale profondément intégrée par le couple (rentrer tôt à l’hôtel, penser à appeler la belle-mère qui garde le fils, ne pas aller se baigner sans que quelqu’un surveille les affaires, « profiter » dès qu’on arrive quelque part…), qui est un écho très juste à la discussion sur la destination des vacances avant le départ : un soir en semaine avec la télé qui hurle dans l’autre pièce, les bruits de couverts crispants et le constat dépité, au milieu de la conversation, qu’il faut manger tel aliment qui attend dans le frigo avant qu’il ne se perde. À défaut d’un propos bien affirmé, le film fait au moins un constat réaliste sur le caractère anxiogène du quotidien, qui affecte la façon d’être et déborde sur le temps libre et les moments d’intimité.

Les deux touristes, parfaitement accordés dans leur désynchronisation, sont ainsi le moteur de nombreuses micro-scènes particulièrement drôles, mais qui forment à l’arrivée une comédie moins grand public qu’il n’y paraît au premier abord : il faut être en mesure de recevoir la négativité qui émane des personnages malgré eux, Letourneur n’y allant pas de main morte dans la mise en avant de leur comportement pénible. Continuellement dans la négociation de quoi faire, où aller, quelle chanson écouter en voiture, mais aussi dans la frustration de ne pas bien faire, de mal s’organiser, de ne pas aimer tout autant qu’on le devrait, le couple Letourneur et Katerine, pourtant très juste, soutient avec difficulté une œuvre qui aurait dû trouver la même verve, la même acidité qu’Énorme, mais qui n’échappe pas au caractère conventionnel et inoffensif que laissait entendre le point de départ de l’intrigue.

Bande-annonce

29 mars 2023 – De Sophie Letourneur
avec Sophie Letourneur et Philippe Katerine




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