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VIVRE ET CHANTER

Zhao Li dirige une troupe d’opéra traditionnel de Sichuan qui vit et joue ensemble dans la banlieue de Chengdu. Quand elle reçoit un avis de démolition pour son théâtre, Zh ao Li le cache aux autres membres de la compagnie et décide de se battre pour trouver un nouveau lieu où ils pourront tous continuer à vire et chanter. S’engage alors une lutte pour la survie de leur art.

Critique du film

L’année se déploie et touche presque à sa fin, et pourtant des pépites des sélections de l’exceptionnel cru de Cannes 2019 continuent à nous arriver. Les découvertes de la Quinzaine des réalisateurs nous arrivent un peu plus tard, mais avec tout autant de force que ses consœurs de la sélection officielle. Avant le très beau Lillian d’Andreas Horvath, prévu pour la toute fin d’année, sort Vivre et chanter, le deuxième long-métrage de Johnny Ma.

Bien qu’élevé au Canada, le réalisateur plonge son récit au cœur de la Chine continentale et ses traditions culturelles. Il est tout d’abord question d’une forme de spectacle vivant propre à la culture chinoise, mêlant chant traditionnel, danse, costumes et jeu d’acteurs. Le spectacle proposé par la troupe de Zhao Li semble une survivance du passé. En cela repose l’un des enjeux majeurs du film : la collision entre le passé et le présent d’un pays qui évolue chaque seconde vers une mutation à vitesse accélérée.

Compte à rebours

Tout d’abord, c’est la disparition des lieux de représentation qui s’impose à l’écran. Ces petits théâtres sont abrités par des édifices décrépits qui sont autant de possibilités pour les promoteurs immobiliers d’une Chine qui n’a de cesse que de coloniser, pied à pied, chaque centimètre pour construire tours et centres commerciaux lucratifs. Au milieu de cette logique ultra libérale qui semble gangrener le pays, la petite troupe semble bien anachronique, un agneau sacrificiel tout désigné.

Les tentatives de Zhao Li pour garder en vie son théâtre, qui est également la maison de toutes ces personnes, qui y jouent mais y vivent également, ne sont qu’un compte à rebours inexorable menant à la destruction finale. Johnny Ma insiste beaucoup dans son regard de cinéaste sur ces endroits de bric et de broc, abritant tant de belles vibrations et de notes de musique. Tout au long du film la caméra s’attarde sur ces territoires perdus, chantant un requiem magnifique à la gloire d’une époque qui vit ses derniers instants.

Fosse générationnel

Au delà de cette mort annoncée des territoires liés à l’exercice du jeu de ces artistes, on assiste à un fossé générationnel extrêmement fort. Cela constitue à la fois la force, mais aussi la limite du film, fragile, qui ne va pas jusqu’au bout de ses possibilités. En effet, l’opéra classique représenté par la petite troupe, est aussi un lieu de vie et de distraction pour toute une génération de personnes âgées, complètement perdus au sein d’une société chinoise qui va trop vite pour eux.

Cela se manifeste également au sein même de la troupe d’acteurs : les plus jeunes s’en vont, ne désirant pas sombrer avec le navire, pour ne laisser que les plus anciens entre eux, comme fossilisés autour de leur passion. La relation entre Zhao Li et sa nièce cristallise bien cette brisure entre tradition et modernité. La magnifique scène où elle la découvre dans un club, danseuse, sous un tout autre visage, révèle le fossé qui existe entre les deux femmes.

Disparition(s)

Les limites du film tiennent alors à ce que cette scène est un des rares moments où les deux mondes sont véritablement confrontés. Malgré tout, les derniers instants montrant l’attachement d’un vieux monde à sa culture et ses habitudes, sont tous déchirants et terriblement attachants. L’auteur questionne la disparition de tout un univers et de l’abandon des plus anciens devenus accessoires et dispensables dans une société qui ne s’intéressent pas à eux.

Si Johnny Ma ne confrontent pas assez les différents aspects de la Chine actuelle, il dresse un portrait magnifique de ces anciens oubliés, presque méprisés par une bureaucratie chinoise qui va trop vite pour eux. Ce réquisitoire contre un monde qui va trop vite, où chaque instant chasse l’autre, est souligné par la beauté et la lumière qui irradie de tous ces vieux visages, irradiant la passion et l’amour de l’opéra.


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Bande-annonce

20 novembre 2019 – Réalisé par Johnny Ma




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