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UNE ODE AMERICAINE

Contraint à retourner dans sa ville natale de l’Ohio, un étudiant en droit se retrouve confronté à son passé familial, omniprésent dans sa vie quoique parfaitement étouffé par une instruction et une ambition professionnelle sans failles. Il décide alors de faire face à ses vieux démons que sont les proches qu’il a tant aimé et haï d’une même force.

Critique du film

Les films réalisés d’après faits réels, particulièrement d’après autobiographies ont une chance sur deux. Celle de rendre hommage, et la seconde, d’en caricaturer légèrement le propos, quitte à trop le simplifier.

Ron Howard avoue rêver aux histoires de famille comme on cuit des pancakes aux Etats-Unis. L’idée transpirait déjà dans Portrait Craché d’une Famille Modèle (1989), car après tout, qui n’est pas touché par cette entité qui nous forge tous à des degrés divers : la famille. Pour l’amour de ce groupe de personnes qui gravitent habituellement autour de tout un chacun, de près ou de loin, pour le meilleur et surtout pour le pire, il a souhaité faire d’Une Ode Américaine le tableau imparfait d’une famille dispersée, détruite, poursuivant toutefois coûte que coûte son rêve d’unité et enjambant les embûches d’inégalités qu’ont soulevé le doux rêve américain.

Directement issue de l’autobiographie Hillbilly Elegy de J.D Vance, l’histoire ici racontée porte cet attrait documentaire, quelque peu desservi par une mise en scène à la fois simpliste et tourmentée, colorée à la façon d’un clip des années 90 et accessoirisée « à l’américaine » pour des clins d’œil dont on aurait pu se passer. Par l’utilisation d’un montage parallèle mêlant plusieurs temporalités pour renforcer la succession d’étapes dans le désordre générationnel, Howard a tendance à semer le spectateur qui pourrait être tenté de rester avec le jeune Vance plutôt qu’avec l’adulte qui semble encore trop perdu pour être suivi. De même que le passé brièvement évoqué du personnage flamboyant de grand-mère impuissante joué par Glenn Close, qui ferait presque de l’ombre à Amy Adams par moments. Par son aspect parsemé de flashes back intempestifs, voire dérangeants lors d’une séquence en rafale, le film dégage un sentiment de vide, et d’un récit en points de suspensions.  

Je me suis mis à genoux et j’ai fait semblant de prier chantaient The Mamas and the Papas dans California Dreaming en 1970. Politiquement incorrect. C’est probablement ce qu’a voulu filmer Howard, ou bien le propos d’Une Ode Américaine demeure finalement plutôt indécent sous certains aspects. C’est l’Amérique Coca-Cola dans toute sa splendeur, où le sucre dessert les consciences et manipule les caractères. L’Amérique du football, entre ceux qui le jouent à la télévision et ceux qui le pratiquent théoriquement par la collection de vignettes, l’Amérique traditionnelle avec ses fêtes issues d’une chrétienté à peine célébrée pour des familles qui croient difficilement en un Dieu qui les abandonne. Mais c’est aussi une société de la démesure, où l’on donne aux malades les pilules qui vont les rendre accros.

Pour voir cette dernière création du réalisateur, il convient de mettre de côté toute notion de valeur morale et politique. D’envisager l’humain à nu dans son incapacité latente à communiquer au sein même de sa propre famille, de remettre en question ce cercle inviolable où personne n’ose rien reprocher, de peur de briser le dôme. D’un point de vue scénaristique, sans apporter aucune remise en question révolutionnaire de la part de personnages manquant de force qui jamais n’apparaissent vaincus cependant, Howard semble décider de se placer dans la position de celui qui observe calmement, invitant par la même occasion le spectateur à enfiler le costume délicat du voyeurisme cinématographique. D’observer ce sujet de la dépendance affective mère-enfant, drogue sentimentale tout aussi dévastatrice. 

Mais n’aurait-il pas fallu deux films, pour conter cette histoire de manière plus dense, plus moderne, plutôt que de tenter une double approche incomplète à diverses époques, laissant cette sensation désagréable du témoin qui a tout vu, mais qui ne dira rien.

Bande-annonce

24 novembre 2020 (Netflix) – De Ron Howard, Avec Amy AdamsGlenn Close, Haley Bennett


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