Sabrina & Marc

TILL THE END OF THE NIGHT

Robert, un officier de police, s’infiltre dans le but de déjouer un gros trafiquant. Pour gagner sa confiance, il prétend avoir une relation avec la femme transgenre Leni, mais cela est très difficile pour l’homosexuel Robert, qui est simultanément attiré et repoussé par elle.

Critique du film

Huit ans après Les amitiés invisibles, Christoph Hochhäusler quitte le journalisme d’investigation pour une ambiance policière épaisse, faite toute entière d’un jeu de faux-semblants. Bis ans Ende der Nacht est un film qui va tourner autour du concept de vérité, de mensonge, et de ceux qui sont les plus aptes à manipuler ces deux concepts. Leni sort de prison, après avoir purgé une peine de trafic de stupéfiants. Elle retrouve ses amies et celui qui se présente comme son fiancé, Robert, inconnu de toutes et à l’allure brutale et rugueuse. Ce policier sous couverture est l’opposé de Leni : si elle est dans l’exaltation permanente, il est renfrogné et camoufle ses émotions sous une épaisse couche de sérieux et de professionnalisme. Mais celle-ci craque à plusieurs reprises, perturbant la bonne marche de sa mission.

Cette intrigue policière assez classique, Robert doit découvrir les tenants et les aboutissants du trafic organisé par un ancien DJ de techno célèbre, Victor Arth, avec l’aide de celle qui fut son technicien dans un passé déjà lointain. Au milieu de ces considérations éclot une autre histoire, beaucoup plus intéressante, nouée autour du couple Leni/Robert, leur attirance mutuelle et les racines de leur histoire semblant dépasser le cadre de cette mission. La mise en scène de Hochhäusler oscille entre scènes de joie assez fulgurante, celles où l’on doit donner le change aux autres personnages pour remplir les objectifs, et les affrontements où explosent les frustrations et incompréhensions entre Leni et Robert. L’identité de genre de Leni est au centre de cette problématique, sa condition de femme trans horripilant celui qui semble amoureux de la personne qu’elle fut avant sa transition.

Till the end of the night

La violence de leurs échanges, transmise par le jeu tout en finesse de l’extraordinaire Thea Ehre est une lutte sans répit entre le mal-être de Robert et le coté solaire et épanoui de Leni qui s’affirme à chaque instant comme femme, goutant après deux ans en retrait du monde à toutes les possibilités d’expression à sa portée. Ce passage en prison est d’autant plus traumatisant qu’il est dit avoir été réalisé du coté masculin, dans une négation totale de la transition de Leni. Le retour à la vie publique est donc une véritable renaissance, célébrée dans le plan par l’auteur allemand qui ne cesse de mettre en valeur son actrice, aimée de tous et de toutes, quand Robert est un être sombre et mélancolique pris dans l’oeil du cyclone, menaçant de s’effondrer.

La seule vérité qu’on ne puisse remettre en question dans cette histoire « à tiroirs » qui déconcerte par son absence de clarté, c’est l’honnêteté et la bravoure de Leni, présentée comme incapable de mentir. Si cela complique la mission de Robert, ce n’est pas sans apporter un élan de fraîcheur et un enthousiasme communicatif qui sauve le film d’une noirceur trop absolue. C’est pourtant bien Leni qui finit par nous surprendre dans le final de cette histoire, révélant son envie gigantesque d’être libre, même si cela lui coûte le plus grand des sacrifices. Son exceptionnelle partition a valu à Thea Ehre l’Ours d’argent de la meilleure performance dans un second rôle à la Berlinale 2023. Ce prix non genré résonne alors avec beaucoup d’harmonie, récompensant, tout comme la meilleure interprétation décerné à Sofia Otero, des actrices jusqu’ici invisibilisées dans les grands rôles de cinéma.

De Christoph Hochhäusler, avec Timocin Ziegler, Thea Ehre et Michael Sideris.


Présenté en compétition à la Berlinale 2023




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