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THÉRÈSE

Évocation très libre de la vie de la carmélite Thérèse de Lisieux.

Critique du film

Prix du jury au Festival Cannes 1986, Thérèse est le chef d’oeuvre d’Alain Cavalier, fruit de la rencontre prodigieuse d’une recherche formelle et d’un mystère, porté par Catherine Mouchet, comédienne en état de grâce.

Au début des années 70, le carmel de Lisieux a rendu public un corpus de documents concernant sa célèbre pensionnaire. Une série de photographies prises par la sœur de Thérèse a particulièrement frappé Alain Cavalier. Le cinéaste n’avait pas encore accouché du filmeur mais déjà entrepris d’arpenter les chemins d’une production décroissante. 

Pour évoquer la vie brève de la future Sainte, Cavalier travaille l’image par soustraction. Quelques objets en guise de décor devant un fond gris en apparence uniforme révélant, au fil des tableaux, de subtiles nuances de chaleur. On découvre un cinéma radical et plastique, à mi-chemin entre le travail de peinture (Manet, de la Tour) et de sculpture (sophistication du polissage). Le fond gris déconstruit la profondeur de champ, introduisant une incertitude d’échelle entre les plans d’ensemble et les gros plans. On pense à l’esthétique des boîtes miniatures de Charles Matton, cinéaste et artiste contemporain de Cavalier. L’image de Thérèse se situe à la confluence du détail et de l’épure. Ni réaliste, ni symbolique, elle paraît inventer une forme de dépouillement baroque.

Le plus souvent ouvertes et fermées au noir, les scènes fonctionnent comme des vignettes. Ainsi nous découvrons, par petits éclairs de vie, Thérèse et sa ferveur, suppliant successivement son père, le prêtre, l’évêque et le pape de lui ouvrir les portes du carmel. 

La vie monacale est déclinée dans toute sa simplicité prosaïque. Le silence est habité par les sons des étoffes, les taches de la vie quotidienne. Cavalier montre une vie conventuelle absente de solennité au coeur de laquelle Thérèse irradie d’une joie inégalable. Catherine Mouchet incarne cette force, cette volupté. Son jeu est une malice, elle jouit d’une telle conviction que l’évidence frappe quand sa sœur la déguise, devant son objectif en Jeanne d’Arc d’opérette. La comédienne recevra le César du meilleur espoir féminin, prélude à une carrière singulière, aujourd’hui encore poursuivie à l’ombre de Thérèse.

Cavalier s’est souvent dit fasciné par la tyrannique beauté de la face humaine. On imagine le plaisir qu’il eut à filmer celles des carmélites, seul témoignage d’un corps caché sous « le léger fardeau de Jésus ». Il s’était lui-même dissimulé sous des bandelettes dans Ce répondeur ne prend pas de message œuvre au noir ponctuée par un jaillissement de lumière. C’est ce contraste qu’il continue de capter avec Thérèse, l’exaltation dans la rigueur, la flamme dans l’obscurité, la légèreté dans la puissance. Légère la larme du père essuyée par un coin de mouchoir, puissante la transmission d’un bout de vie, à peine plus de 20 ans, dans l’éclat vif d’une résistance à la pesanteur.

Bande-annonce


À noter la superbe édition dvd/blu ray du film chez Tamasa à qui on doit également la nouvelle distribution en salles.

 




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