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THE PALE BLUE EYE

Un commissaire à la retraite recrute un brillant cadet de West Point appelé Edgar Allan Poe pour qu’il l’aide à résoudre un meurtre atroce à l’Académie militaire américaine.

Critique du film

Nom discret dans l’industrie, le réalisateur Scott Cooper mérite pourtant une plus large attention. En seulement six films, à travers le parcours d’individus complexes, il est parvenu à constituer une œuvre hantée par les violences perpétuées au cours de l’histoire des États-Unis. Strictly Criminal, par exemple, montrait le lien entre la montée en puissance du criminel James J. Bulger et sa collaboration avec le FBI dans les années 70. Tandis que Affamés, sorti plus récemment, évoquait les violences intra-familiales et la pauvreté dans les régions minières. Le réalisateur a obtenu une attention plus élargie avec la sortie de Hostiles, en 2018, qui revenait sur la violence perpétrée envers les amérindiens. Dans ce western épatant, on y retrouve Christian Bale pour une deuxième collaboration avec le réalisateur après Les Brasiers de la Colère. Aujourd’hui, c’est à travers une nouvelle plongée dans l’Amérique du XIXème siècle que l’acteur retrouve le cinéaste. Adapté d’un roman de Louis Bayard, ce film-noir d’époque montre que si le cinéaste n’a pas atténué son amertume envers la violence politique de son pays, il a radicalement tempéré l’éclat de son cinéma brut.

The Pale Blue Eye suit l’enquête d’un inspecteur reconnu (Christian Bale) autour de plusieurs meurtres survenus au sein d’une académie militaire de l’État de New-York. Les circonstances étranges conduisent alors l’inspecteur à rencontrer un jeune soldat chétif et obsédé par la littérature, répondant au nom pas si étrange d’Edgar Allan Poe (Harry Melling). Au fil de l’enquête, certains éléments vont faire état de lourdes violences institutionnelles. Dans un environnement lugubre, d’un froid glacial, la violence patriarcale du cadre militaire se dévoile de plus en plus sous nos yeux. Sans en révéler davantage sur l’intrigue, on peut en revanche préciser que le film ne présente pas le monde qu’il filme sous des jours meilleurs et laisse place au désespoir encouru par les spirales de violences. Le film de Cooper est froid, brutal, à l’image du monde qu’il filme. Quitte à nous perdre, parfois, en pleine brume.

The pale blue eye

Le film se permet quelques envolées macabres, notamment dans l’interprétation parfois délirante de ses comédiens : Christian Bale joue son éternel numéro d’outsider, Harry Melling incarne ce poète passionné par le macabre et Gillian Anderson mise totalement sur la carte “creepy” de son rôle. Toutefois, la verbosité du scénario se fait trop ressentir à l’écran, nous faisant alors perdre de vue les thématiques passionnantes qu’il étalait au départ : l’obsession vengeresse et l’encadrement militaire. Il n’empêche qu’un point reste fascinant dans le cadre du récit : la perception du réel et de la fiction par le prisme d’un écrivain. La figure de Poe, bien que parfois cartoonesque du fait de l’interprétation de Melling, est l’élément par lequel peut facilement s’ancrer le récit, comme une sorte de récit d’apprentissage pour l’auteur, qui l’aidera probablement à bâtir le travail artistique de toute une vie.

S’il nous apparaît parfois dévitalisé par son surplus de dialogue, le cinéma de Scott Cooper semble toujours aussi en colère et hanté par l’Histoire de son pays. The Pale Blue Eye est une nouvelle pièce dans l’oeuvre étonnante du réalisateur.

Bande-annonce

6 janvier 2023 (Netflix) – De Scott Cooper, avec Christian BaleHarry MellingGillian Anderson




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