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THE GUILTY

Relégué dans un centre d’appels de façon temporaire pour une raison inconnue, le policier Joe Bayler assiste par téléphone à une tentative d’enlèvement. Sans la moindre possibilité d’action, il entreprend spontanément de venir en aide à la victime par des directives orales, allant bien au-delà du devoir professionnel. 

Critique du film

Difficile de faire un remake du film haletant de Gustav Möller, The guilty, dont le rôle principal était parfaitement tenu par Jakob Cedergren. Difficile aussi de s’approprier cette tension survoltée, cette froideur, ce suspens hautement maîtrisés par les cinéastes scandinaves dont l’œuvre regorge de thrillers et séries noires captivants. Dans notre esprit, l’Américain aura plutôt tendance à arrondir les angles. Le Danois, à son extrême opposé, aiguise son propos tel un couteau de cuisine, ne se souciant guère de la santé mentale du spectateur. Il va creuser dans la noirceur la plus profonde de la nature humaine, pour en extirper quelques bribes de sensibilité. Du bout de l’ongle, il vient gratter la surface vernie de la famille unie, des bonnes mœurs, et le tableau s’assombrit, devient cynique, et aucune sortie de secours ne clignotera au-dessus de nous, aucun « happy ending » : nous sommes piégés. Et c’est ce qui rend une bonne partie du cinéma scandinave si délicieux. 

UNE ADAPTATION FIDÈLE 

Quoi de plus sensé alors pour éviter l’échec, que de s’en tenir au scénario de son prédécesseur, jusqu’à réintégrer les mêmes lignes de dialogues, le même répondeur téléphonique qu’avait l’un des personnages dans le film précédent ! À l’excitation cède l’inquiétude : que va apporter une copie conforme d’un long-métrage déjà qualitatif ? 

Il est vrai que le charme du huis clos présente ses limites dans le sens où nous suivons un même personnage enfermé dans une même pièce, effectuant une tâche répétitive. Copier s’avère alors tentant. Comptant sur le jeu aux mille ressources de Jake Gyllenhaal, avec qui Fuqua collabore à nouveau après La rage au ventre, il suffirait presque alors d’observer ce talentueux spécimen en cage, durant 1h30, pour produire un remake de Den skyldige

The guilty

EN QUÊTE DE JUSTICE 

Le réalisateur américain parvient toutefois à introduire à sa version ce petit quelque chose qui n’est pas danois. Son action située aux États-Unis dans un centre d’appels débordé par les conséquences d’une catastrophe écologique actuelle récurrente : les incendies, qui passent sur de grands écrans comme la vitrine d’un aquarium de feu habité par les hélicoptères. À la caméra les plans ne sont pas fixes et jonglent avec la mise au point pour inclure les collègues de notre policier maintenant asthmatique et sujet à des crises d’angoisse. Toujours dans cette volonté de développement de l’individualité du personnage, vaguement évoquée dans la première version, Fuqua dévoile le fond d’écran du portable du héros, sa dernière relation intime, qui sont tout autant de moyens de suggérer l’empathie vis-à-vis de lui, de ce qu’il traverse en tant qu’homme sous son costume de service, abusant toutefois de sentimentalisme par moments, notamment dans le rapport progressif qu’il entretient avec la victime, qui présente des aléas biscornus. 

Emporté par une légère vague de positivisme, Fuqua atténue une partie des dégâts de l’affaire en cours, pour aggraver ceux touchant directement notre policier bienveillant. Une forme de redressement d’ordre moral donc Gustav Möller n’avait strictement rien à faire. Ici, le réalisateur américain propose une mise en lumière critique de ce que son prédécesseur danois donnait à voir en simple témoin, abordant les failles du système de santé américain, et cette notion de justice rendue. Pourtant tout l’aspect brut de Den skyldige, son absence totale d’images de l’extérieur juxtaposées, son traitement sonore discret, ici relancé par de la musique et le bruit environnant à vocation réaliste, avait son charme.

Au final, ce The guilty tend une échelle vers l’humanité depuis le chaos, là où DEN SKYLDIGE offrait une immersion beaucoup plus prenante dans sa sobriété sublime, dans sa noirceur sans lumière. 

Bande-annonce

1er octobre 2021 (Netflix) – De Antoine Fuqua, écrit par Nic Pizzolatto et Gustav Möller, avec Jake Gyllenhaal




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