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THE CLOVERFIELD PARADOX

Bad buzz, pas d'buzz

Après un accident avec un accélérateur à particules, une station spatiale américaine découvre que la Terre a disparu. Les résidents de la station vont alors être confrontés à l’étrange présence d’une autre station spatiale tout près de leur position.

Sans arme, ni même, ni violence.

Passons sur le marketing – débat passionnant pour un autre temps et de vrais experts universitaires comme Twitter en possède tant. Eux sauront déterminer avec précision et objectivité, comme ils savent si bien le faire, son caractère de régression, d’évolution ou de révolution. Ce qui nous intéresse dans ce The Cloverfield Paradox, c’est d’abord de penser au prochain. Pas forcément ni strictement au prochain de la saga, mais à la prochaine production du genre.

Puisqu’il faut bien attaquer le film, autant le faire maintenant, on en sera débarrassé. The Cloverfield Paradox, c’est donc un Cloverfield « Iiiiin Spaaaaaaaace » comme dirait celui qui croit encore qu’il est hype sur YouTube en 2015. Une cohorte de scientifiques essaie de créer une nouvelle forme d’énergie avec un accélérateur de particules balancé en orbite, la Suisse étant visiblement trop occupée à célébrer la 137e victoire de Roger Federer en Grand Chelem pour se rendre utile à quoi que ce soit d’autre. L’expérience orbitale réussit-foire : le tuyau s’allume de toutes les couleurs (surtout en blanc-violet, signe que ça marche mais que ça va péter), sauf que la Terre disparaît. Après de nombreux emplois de mots qui font très très scientifiques comme « boson de Higgs », « multiverse » et « Surcharge Power Energy Teravolt Overload.exe », rien n’a vraiment changé dans l’apocalypse ambiante, et surtout pas l’aiguille à zéro, flasque comme un bouquet de pubis dans une maison de retraite dont les réglementations sanitaires n’ont pas été inspectés par Elise Lucet Cash Investigation, morne indicateur de notre degré d’empathie envers les personnages.

Ne nommons pas les acteurs : ils valent tous bien mieux que ce pour quoi ils ont signé, je le sais, nous le savons, tout le monde le sait, et ça m’évitera de faire semblant de connaître par cœur tout un tas de noms copiés / collés sans vergogne, ni passion, ni respect, ni rien du tout.

Trop poli pour être au Netflix

À moins d’avoir fait une grève des réseaux sociaux, impossible de ne pas avoir remarqué, au moins du coin de l’œil, sur le ton tragique du fan déçu à qui l’on doit des comptes ou sur l’air cynique de celui qui savait avant-tout-le-monde-mieux-que-tout-le-monde, que The Cloverfield Paradox croquait dans la tomate pourrie plutôt que de voir s’envoler par dizaines les étoiles dorées d’Imdb ou Sens Critique. Impossible de le dire autrement : ce troisième volet de l’univers Cloverfield est raté. À tous les niveaux, à toutes les échelles. On ne s’en rend peut être pas encore tout à fait compte : il faudra, tout ironiquement, du recul pour mesurer à quel point cette suite-préquel est témoin de l’immédiateté de notre temps présent. Pour mesurer le choc du crash d’un film si brusquement passé de génie à déception, de révolution spontanée à échec planifié. Voilà qui fait la beauté du seul vrai paradoxe de ce Cloverfield, où l’on confond parfois, fiction et J.J. Abrams obligent, la prescience narrative de la planification de production.

C’est terrifiant : ce monde est bipolaire, le bien et le mal, le noir et le blanc comme deux valeurs parallèles se battant pour partager le même espace-temps, luttant chacun pour vaincre l’autre à force de coups de putes scénaristiques balancés à bras raccourcis. C’est rassurant : le fin mot de l’histoire revient à l’oeuvre, qui réécrit certes la légende suivant qu’elle soit acceptée ou refusée par ceux qui la contemplent, mais qui garde son pouvoir autonome et presque divin de changer le cours du temps. The Cloverfield Paradox nous fait nous souvenir qu’un film, c’est aussi un battement d’aile unique d’un papillon. Certes, on peut s’en vouloir d’avoir observé ce papillon en particulier parmi des millions d’autres, juste parce que la promesse d’une saga pas dégueu jusque là, Paramount, le Superbowl, la pression sociale 2.0 et la page d’accueil plein écran de Netflix nous l’ont pointé du doigt – nous ont plutôt calé un taquet à l’arrière du crâne pour n’avoir plus que ça dans le champ de vision.

Et ici, le titre est repris en fin d’article pour donner une sensation d’angle et de complétude

Que faut-il faire alors puisque l’inaction, demandez aux chômeurs, est visiblement la lie de ce monde ? Surtout pas de dire du bien de The Cloverfield Paradox : respectez-vous, on n’aura de cesse de le répéter, même pour un retweet d’un CM de compte influent. En dire du mal ? Dans bad buzz (on évitera les majuscules pour taire le film éponyme), il y a quand même « buzz », et ça, ça suffit à faire une suite – on passe un coucou chaleureux à Bright 2. Un clic ironique est un clic quand même, jusqu’à preuve du contraire. Alors ? Alors, quitte à emprunter le discours fataliste de ceux qui ne voient en Netflix qu’un mixeur à scripts et à auteurs taillé pour plaire à la plèbe, dans toute sa définition condescendante, jouons la carte du spectateur pro-actif.

Jouons le jeu. Rappelons nous que tout algorithme ne vaut rien sans des données entrantes purement humaines sur lesquelles il base ses froids calculs. Exprimons donc tout ce qui nous a déplu sur The Cloverfield Paradox, sans passion excessive. Sans sur-emploi de hashtag. Sans arme, ni même, ni violence. Avec l’impassibilité rigoureuse des machines et l’indifférence d’un Homme de droite face à la misère. Si les producteurs deviennent des intelligences artificielles, gageons qu’elles gagnent en obéissance aveugle ce qu’elles perdent en mauvaise foi. Faisons preuve de goût, si on veut qu’elles nous en servent. Tout ça, pour ne plus jamais, jamais, avoir à regarder un nouveau The Cloverfield Paradoxever again.

La fiche
England is mine

THE CLOVERFIELD PARADOX
Réalisé par Julius Onah
Avec Elizabeth Debicki, Gugu Mbatha-Raw, David Oyelowo…
Etats-Unis – Science-fiction
Sortie sur Netflix : 5 février 2018
Durée : 102 min




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