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THE BATMAN

Deux années à arpenter les rues en tant que Batman et à insuffler la peur chez les criminels ont mené Bruce Wayne au coeur des ténèbres de Gotham City. Avec seulement quelques alliés de confiance – Alfred Pennyworth, le lieutenant James Gordon – parmi le réseau corrompu de fonctionnaires et de personnalités de la ville, le justicier solitaire s’est imposé comme la seule incarnation de la vengeance parmi ses concitoyens. Lorsqu’un tueur s’en prend à l’élite de Gotham par une série de machinations sadiques, une piste d’indices cryptiques envoie le plus grand détective du monde sur une enquête dans la pègre, où il rencontre des personnages tels que Selina Kyle, alias Catwoman, Oswald Cobblepot, alias le Pingouin, Carmine Falcone et Edward Nashton, alias l’Homme-Mystère. Alors que les preuves s’accumulent et que l’ampleur des plans du coupable devient clair, Batman doit forger de nouvelles relations, démasquer le coupable et rétablir un semblant de justice au milieu de l’abus de pouvoir et de corruption sévissant à Gotham City depuis longtemps.

Critique du film

Les franchises liées au personnage de Batman sont sans doute celles qui ont donné le plus de satisfaction artistique dans toutes les tentatives d’adapter les aventures des illustrés américains depuis plus de 30 ans. Bien avant Spider-man de l’ennemi Marvel, le Dark Knight était une machine industrielle prospère qui a vu se succéder à la fois les metteurs en scène, mais également les acteurs derrière le célèbre masque de chauve-souris. De Michael Keaton à Robert Pattinson on retrouve plusieurs visions assez différentes du justicier de Gotham, 80 années d’histoires ayant multiplié les archétypes qui ont forgé les identités multiples du duo Bruce Wayne/Batman. Une nouvelle mouture implique forcément des choix de la part du réalisateur, va-t-il choisir le détective ? Le super-héros ? Ou bien une autre facette moins évidente du personnage ?

Le premier constat devant The Batman est l’absence presque totale de scène d’exposition. Dès les premiers instants, le spectateur est projeté au cœur de l’action, avec des ténèbres qui annoncent l’irruption du personnage costumé, en lutte avec des malfrats commettant un délit. Ce premier affrontement n’est pas gratuit, il est le premier acte d’un mystère qui lance directement le scénario du film, sans perdre de temps à présenter les personnages. On retrouve ici une caractéristique propre à la dernière vague des films de super-héros : l’auteur crée une connivence avec son spectateur qui est sensé connaître Batman, les formalités s’envolent donc au profit de l’action pure. C’est bel et bien l’enquête, dont le justicier est partie prenante au beau milieu des forces de police, qui occupe toute la scène. On ne verra jamais Crime Alley, les perles de Martha Wayne, ni même un tueur solitaire précipitant le destin de cette famille.

The Batman
L’identité du réalisateur est ici importante, Matt Reeves s’est fait connaître pour les remakes de la saga de la Planète des singes. Celle-ci avait de particulier d’inverser le paradigme des films des années 1960 et 1970, ainsi que du roman de Pierre Boulle, faisant de l’homme le créateur de l’intelligence des singes, et non l’évolution à l’œuvre, modifiant l’ordre des espèces dominantes sur Terre. Il n’est dès lors pas une surprise de voir ce même auteur tordre les origines du vigilante et s’affranchir des plus marquantes étapes de son histoire. Si l’on retrouve Alfred, le fidèle serviteur et père de substitution, ce n’est pas dans un manoir mais dans une tour du centre-ville de Gotham qu’on le découvre. Plus étonnant, il ne semble pas beaucoup s’intéresser à Bruce Wayne, presque inexistant au profit de son alter-ego.

Si le masque prend le dessus sur l’identité civile, sans que cela n’ait rien d’extraordinaire tellement cela a pu être utilisé notamment chez Superman, le bât blesse quelque peu quand on analyse le rôle de Batman en tant que personnage dans le film. En quoi est-il pertinent pour cet homme de se déguiser ainsi pour incarner « la vengeance » ? On ne le saura jamais vraiment. Il ne se cache pas, déambulant aux yeux de tous, et présente des atours plus simples, loin des gadgets développés par la version de Christopher Nolan sous les traits de Christian Bale. À la manière de Selina Kyle, jouée par Zoë Kravitz, un simple bandeau sur les yeux aurait pu suffire. Seul le titre et l’obligation d’utiliser le nom du personnage semblent justifier la présence du costume de Batman en tant que tel. S’il n’est pas Bruce Wayne, il n’est pas non plus vraiment le Dark Knight.

The Batman
La direction artistique donne un autre indice sur les intentions du réalisateur. Les décors, filtres, couleurs et les choix d’écriture du Riddler, tout pointe vers l’imagerie du film d’horreur. Par séquences, notamment par le biais de l’enquête policière, on croirait avoir mis le pied au sein de Seven de David Fincher (1995). Cet antagoniste, qui d’une certaine manière participe à donner vie à Batman, un héros ne fonctionnant pas sans son opposé, n’est rien d’autre qu’un serial-killer. Des choix pop et colorés dignes d’un Joel Schumacher, on passe au traumatisme et à l’effroi, qui dans de nombreux détails dirigent là aussi vers une comparaison avec Seven et son « méchant » joué par Kevin Spacey, se livrant à la police en miroir d’un Paul Dano qui se dévoile enfin.

Efficace dans ses scènes d’action parfaitement filmées et cadrées, doté d’un rythme effréné presque sans temps-morts, The Batman a toutes les chances de charmer un public avide d’émotions fortes sur grand écran, dans la veine de Man of Steel de Zack Snyder qui déjà incarnait une nouvelle ère dans l’exploitation des grandes icônes comics. Superman était montré capable de tuer, choix attestant d’une volonté d’adopter les versants les plus sombres du kryptonien. Matt Reeves pousse dans cette direction, accentuant les caractéristiques du film noir comme a pu le faire Frank Miller dans Batman Year one (1986), avec une multitude de personnages secondaires participant à la densité de son écriture.

La plus grande réussite du film est sans doute la relation nouée entre Batman et Selina Kyle. Si la plupart des scènes manquent désespérément d’émotions, les moments qu’ils partagent à l’écran permettent de déplacer le regard un instant de la terreur urbaine instillée par le Riddler, pour regarder au plus près les personnages, dans leurs failles mais aussi dans leur poésie et leur beauté. C’est grâce à l’alchimie créée entre eux que le film atteint d’autres rives, un pont entre deux orphelins réunis par une même histoire loin de leurs conditions sociales presque opposées. The Batman est intéressant dans les questionnements qu’il introduit, bouleversant le statu-quo de l’origin story attendue, soutenu par ces très beaux moments où des couleurs réussissent à pénétrer l’opacité sans fin de la nuit de Gotham City.

Bande-annonce

2 mars 2022 – De Matt Reeves, avec Robert Pattinson, Zoë Kravitz et Paul Dano.




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