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TÁR

L’histoire de Lydia Tár, une chef d’orchestre largement considérée comme l’une des meilleures dans son domaine, et la toute première femme conductrice d’un grand orchestre allemand.

Critique du film

Seize années séparent Little children de Tár, troisième long-métrage du réalisateur californien Todd Field. Ce retour à la réalisation, en passant par le tapis rouge de la Mostra de Venise, est donc un cadeau presque inespéré. En 2h38, il démontre à quel point ce film est un projet abouti, somme de détails construits avec science pour accoucher d’un des grands moments de cette année de cinéma.

Cate Blanchett est Lydia Tár, plus grande chef d’orchestre au monde, détentrice d’une galerie de prix plus prestigieux les uns que les autres. C’est par une interview dans une grande émission télévisuelle que commence le film, une discussion d’un haut niveau intellectuel où la maestro démontre toute l’étendue de ses connaissances mais aussi toute la finesse de sa pensée. Si cette introduction permet la présentation du personnage, c’est chaque scène qui va ajouter couche par couche un ensemble d’éléments qui va nous rendre intime cette femme dont on a bien du mal à se figurer qu’elle n’est pas réelle, mais bien une création de Todd Field.

Lydia a certes un passé, évidemment réécrit et présenté sous un jour choisi avec soin, mais également un présent on ne peut plus chargé. Il lui a été confié la direction de l’orchestre philharmonique de Berlin, sans doute l’un des plus prestigieux au monde, mais les activités de Tár ne s’arrêtent pas, se déployant partout où cela est possible pour lui permettre de rayonner à la hauteur de son hubris gigantesque. Si le portrait dessiné dans l’incipit était élogieux, détaillant une success story presque sans équivalent pour une femme dans sa profession, les fêlures apparaissent bien vite, dans les bords du cadre, jusqu’à l’envahir le temps de scènes qui sont presque des fugues fantastiques, témoins des accès de paranoïa de Lydia. L’aspect polissé des débuts vole en éclat dans une scène magnifique à Julliard, illustre école de musique new-yorkaise, où professeur de passage elle humilie un élève qui, au lieu de subir le châtiment de la super-star, se rebelle et quitte la salle.

Tar Cate Blanchett

Cette courte scène de quelques minutes ne pourrait être que cela, une aparté comme une rupture de ton dans une hagiographie bien écrite, mais elle prend de l’ampleur quand elle s’inscrit dans un récit beaucoup plus critique vis à vis de son héroïne. L’effondrement de Lydia est provoqué par cet orgueil démesuré et par tous ces détails qui finissent par devenir des montagnes infranchissables. Le jeu politique inhérent à ce type de poste provoque tant de remous et d’aléas que la fin de cette carrière flamboyante est programmée très en amont de son dénouement. Lydia Tár est tel un train de nuit, qui jamais ne s’arrête pour continuer inlassablement son parcours à travers le monde, mais qui finit par perdre sa raison d’être faute de public et de légitimité. La virtuosité de la mise en scène de Todd Field est particulièrement sublime dans cette capacité à décrire tout un univers régi par ses propres règles et qui pourtant, en dernier lieu, s’effondre dans sa collision avec le monde réel par le biais d’un suicide.

L’auteur réussit un film d’une ampleur conséquente, gardant tout du long un équilibre parfait, sans que jamais la part fantastique ne prenne le pas sur le reste de l’histoire, créant une harmonie parfaite où rayonnent une foule de rôles secondaires où l’on retrouve une merveilleuse Nina Hoss et une Noémie Merlant convaincante en assistante se rêvant un destin à la hauteur de celui de son mentor. Tár est une surprise mais aussi une confirmation pour un auteur trop rare, qui réapparait avec fracas grâce à un film fort, plein d’émotions, avec un final des plus incroyables qui trotte longtemps dans l’esprit après la projection.

Bande-annonce

25 janvier 2023 – De Todd Field, avec Cate Blanchett, Nina Hoss et Noémie Merlant.


Présenté en compétition à la 79ème Mostra de Venise.




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