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SYNONYMES

La fiche
Synonymes film affiche

Réalisé par Nadav Lapid Avec Tom Mercier, Quentin Dolmaire, Louise Chevillotte… 
France, Israël Drame – Sortie : 27 mars 2019 – Durée : 123 min

Synopsis : Yoav, un jeune Israélien, atterrit à Paris, avec l’espoir que la France et la langue française le sauveront de la folie de son pays. 

La critique du film

Synonymes, troisième long-métrage de Nadav Lapid, est, disons le d’emblée, un film compliqué. Tout d’abord, parce qu’il ne s’offre pas facilement, les foules de pistes explorées sont autant de circonvolutions qui peuvent égarer en chemin un spectateur peu attentif. Ensuite, c’est une histoire polémique qui met énormément à mal l’Etat d’Israël, ses affiches et son marketing étant autant de coups de poing cinglants au visage de ce pays, fuit, renié, vilipendé par son personnage principal, refusant même de parler sa langue maternelle, l’hébreu, pour ne plus utiliser que ce français qui semble l’obséder.

Le verbe est une des composantes majeures de Synonymes, dont le titre même explicite l’attrait porté par l’auteur aux mots et à leurs sens, déclinés à l’infini pour définir le problème qui habite Yoav, en rupture familiale, identitaire, presque physique. Une des scènes les plus marquantes est celle qui le voit raconter comment son grand-père avait lui-même abandonné le yiddish, vocable de la communauté juive d’Europe centrale, pour épouser l’hébreu, nouvelle langue de cet État créé en 1948 après la Deuxième guerre mondiale. Parfois il faut abandonner pour pouvoir renaître, c’est ce que semble dire Nadav Lapid, rappelant en cela le bain rituel hébraïque, purification qui permet de se laver du monde et du siècle.

Si tout est symbole, le corporel est également au centre des préoccupations du réalisateur de L’institutrice. Le corps de Yoav est une constante imprimant l’image de chaque partie du film. Il commence son parcours français par cette mise à nue inaugurale, nouvelle mise au monde, sauvé par les personnages joués par Quentin Dolmaire et Louise Chevillotte, grands bourgeois parisiens qui se prennent d’amitié pour cet inconnu qui débarque dans leur vie. Chaque nouvelle étape pour Yoav s’accompagne de la présentation de son corps à nu, le travail, l’amour, comme une transition obligatoire, sa chair comme seule viatique vers le moment suivant. Ses mots, sa peau, c’est tout ce qu’il semble posséder, le reste étant illusoire ou accessoire. L’exploration de ces deux idées sont la grande ambition du film, englobés dans l’abandon le plus total, jusqu’au refus du père, inquiet, venu s’enquérir de la santé, physique et mentale de sa progéniture. On ne saura jamais quel point de rupture a poussé Yoav a de telles extrémités, à une telle radicalité dans l’engagement vis à vis de la France et si loin d’Israël.

Identité et déconstruction

Néanmoins tout n’est pas convaincant ou réussi dans Synonymes. Lapid nous perd petit à petit à trop vouloir en faire, comme si son projet devait prendre les chemins les plus complexes et les plus radicaux à vouloir trop plaire à un certain public. Comme s’il voulait trop prouver théoriquement, quitte à se perdre parfois dans une posture prétentieuse qui nuit à la visibilité de la beauté de son message, et aussi à sa représentation de Paris, qui, il faut bien l’admettre, est sublime, et trop peu vue sur grand écran ces dernières années. À trop s’aventurer dans l’outrance Nadav Lapid perd en simplicité et alourdit malheureusement son propos de scènes qui auraient gagné à une pointe d’humilité. On pourrait citer en exemple une des dernières scènes, celle du concert, où la contamination de ses cours d’instruction civique font basculer Yoav dans une farce difficile à regarder, presque gênante. Malgré tout, les acteurs sont tous excellents dans leur partition, Tom Mercier en tête, virtuose dans son personnage tourné vers un absolu qui le coupe de ses pairs, de sa famille, inquiète. Il donne tout jusqu’à l’extrême, sans retenue, touchant et sensible, à l’instar de Quentin Dolmaire, retrouvant un rôle de premier plan à l’image du talent démontré chez Desplechin dans Trois souvenirs de ma jeunesse.

Synonymes est en fin de compte un exercice bien compliqué à disséquer, tellement il s’offre peu dans sa radicalité, demandant des efforts d’analyse rares le distinguant de tous les autres films sortis en ce début d’année. Ses imperfections ne gâchent pas l’intérêt constant qu’il procure et qui le font hanter les esprits par ses questionnements profonds sur l’identité et sa déconstruction.



La bande-annonce




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