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SHE WILL

Veronica part en convalescence dans la campagne écossaise avec sa jeune infirmière, Desi, après avoir subie une double mastectomie. Les deux femmes développent un lien particulier, alors que des forces mystérieuses amènent Veronica à s’interroger sur ses traumatismes passés et comment les venger.

Critique du film

Quoi de plus mystérieux qu’un film d’horreur s’ouvrant en 2021 sur la mention “Dario Argento présente” ? La légende raconte qu’après avoir assisté au festival de Locarno à la projection de She Will, le premier film de Charlotte Colbert, le réalisateur italien lui a proposé de l’aider à le promouvoir tant il avait été emballé. Dès les premières secondes, on comprend aisément pourquoi Argento s’est senti interpellé par le travail saisissant de Colbert, également photographe et artiste plasticienne aux multiples pratiques.

Avec ses tons bleutés et sa bande son oppressante, She Will nous installe sans transition dans un univers infiniment lugubre dont les tenants et les aboutissants ne sont que vaguement esquissés -une star sur le déclin après une double mastectomie, un sanctuaire de retraite inquiétant en pleine campagne écossaise, une convalescence douloureuse. Préférant ménager le climat étrange dans lequel tous les personnages du film semblent baigner, Colbert laisse finalement assez peu de place au dialogue et lui préfère des images soignées de paysages détrempés et de flash-backs mystérieux, qui racontent une histoire sans parole, vieille comme le monde et pourtant encore très peu portée à l’écran : celle d’une jeune actrice qui, telle la Lolita à laquelle elle ressemble, fût jadis la proie d’un homme plus puissant et plus âgé -le casting de Malcolm McDowell, l’horrible héros d’Orange Mécanique, dans le rôle du réalisateur pédophile, relève d’ailleurs tout autant du clin d’oeil génial que de la pique glaçante.

She will
Si le postulat de départ était intéressant et permet l’exploration de thématiques encore assez inédites au cinéma, comme celui de la mastectomie ou de la célébrité dont peut continuer à jouir un agresseur notoire, le film pâtit malgré tout de quelques lenteurs. À force de trop vouloir ménager son ambiance onirique et son esthétique immaculée, Charlotte Colbert en oublie quelque peu de soigner le rythme d’une intrigue qui, malgré de beaux moments de fulgurances, demeure parfois inégale. Le recours récurrent à de belles images hallucinatoires, pour dire la folie mais aussi l’éveil spirituel, finit notamment par perdre de sa superbe sur la fin.

Néanmoins, le récit réussit la prouesse de ne pas tomber dans des schémas narratifs trop prévisibles et de proposer un regard intéressant sur la figure de la femme vieillissante et de son corps, souvent caricaturé dans les films d’horreur ; il illustre aussi le point de vue férocement contemporain qu’une artiste comme Charlotte Colbert peut porter sur l’industrie du cinéma et le traitement qui y est réservé aux femmes. En nous parlant de sorcellerie, de cicatrices mais aussi de solidarité féminine, la réalisatrice signe peut être le rape & revenge le plus fantasmagorique que le cinéma de genre ait connu ces dernières années.

Bande-annonce

30 novembre 2022 – De Charlotte Colbert, avec Alice Krige, Kota Eberhardt et Rupert Everett.




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