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SENTINELLE SUD

Aux lendemains d’une opération clandestine qui a décimé son unité, le soldat Christian Lafayette est de retour en France. Alors qu’il essaie de reprendre une vie normale, il est bientôt mêlé à un trafic d’opium pour sauver ses deux frères d’armes survivants.

Critique du film

Sentinelle sud fait partie de ces tournages qui ont subi de plein fouet le moment de latence correspondant à la pandémie de Coronavirus. L’étau de la distribution de films se desserrant un peu depuis quelques semaines, on voit de nouveaux regards émerger dans ce qu’on ne saurait encore appeler une sortie de crise. Premier film de Mathieu Gerault, il épouse les contours d’une thématique très utilisée ces dernières années, celle du difficile retour du militaire dans la vie civile après un épisode traumatique important. Niels Schneider incarne Christian, un soldat qui s’est construit tout entier autour de sa famille d’adoption, le régiment Carmin. La vie civile n’est que le douloureux rappel qu’il est orphelin, sans aucun diplôme, n’ayant jamais réussi à devenir ce citoyen modèle que nous sommes tous sensés devenir à l’âge adulte. Après des années en foyer, famille d’accueil, c’est au combat qu’il trouve sa véritable identité.

On reconnaît la problématique déjà énoncée récemment par La Troisième guerre de Giovanni Aloi, là aussi un premier film qui explorait ces créations de bombes humaines manieurs d’armes relâchées dans la nature après avoir servi de chair à canon pour des missions dont on ignore les véritables objectifs. Christian est gorgé de violence, il l’expulse avec rage dans une consommation d’alcool excessive et dans des rixes avec les premiers venus en boite de nuit. Son seul souhait est de retourner sur le théâtre des opérations, sous l’égide de ce « père », son commandant d’unité, joué par Denis Lavant. C’est en tout cas le portrait et la scène qui nous sont présentés dans la première partie du film, et qui va rapidement se déliter pour prendre un virage scénaristique assez différent.

Sentinelle sud
Le second film qui commence et se nourrit des bases déjà citées est beaucoup moins intéressant. Après s’être perdu à une présentation longue et nourrie de détails, Sentinelle Sud devient en quelque sorte un objet de manipulation où il est plus question de trafic de drogue que d’armée ou de syndrome post-traumatique. La tension psychologique cède le pas au film de genre et perd de sa sensibilité pour être plus concentré sur le canevas du film de genre avec ses figures imposées : révélation, geyser émotionnel et happy end. Ces quelques éléments montrent les difficultés que semble avoir rencontré Mathieu Gerault dans son écriture, peinant par séquences à raccrocher les wagons d’une intrigue à tiroirs où il est difficile de se rappeler de tous les enjeux.

On avait déjà retrouvé Niels Schneider dans une ambiance de guerre avec Sympathie pour le diable de Guillaume de Fontenay en 2018, bien plus à l’aise dans ce rôle de reporter que dans celui d’une sentinelle incapable de vivre dans la société française contemporaine. S’il amène au film une grande intensité, c’est peut être au détriment de ruptures de ton qu’on ne trouve même pas dans les scènes où intervient India Hair, leurs désaccords ajoutant une nouvelle couche de problèmes à une histoire qui en regorge déjà. Le basculement de l’intrigue à mi-parcours crée une sorte de zone de turbulences mal négociée qui jette le trouble et perd quelque peu le spectateur.

Sentinelle sud est un film qui manque parfois de finesse dans sa représentation de ses thématiques, malgré une efficacité dans la mise en scène dans ses moments clés. Il est dommage que le film ne choisisse pas vraiment où il se situe, entre film noir et thriller sur fond militaire, mêlé à une romance traitée avec peu d’égards. S’il reste un divertissement agréable, le film n’offre pas ce souffle qui lui aurait permis un nécessaire dépassement de fonction et une adhésion plus importante.

Bande-annonce

27 avril 2022 – De Mathieu Gérault, avec Niels Schneider, Sofiane Khammes et India Hair.




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