Rehana4-H-2021

REHANA

Rehana, professeure adjointe dans un hôpital universitaire de Dhaka (Bangladesh) s’efforce de maintenir l’équilibre entre son travail et sa famille, tiraillée entre ses rôles d’enseignante, de médecin, de sœur, de fille, de mère. Un soir, elle vient en aide à une étudiante victime d’une agression sexuelle qu’elle voit sortir en larmes du bureau d’un professeur. Marquée par cet événement, la vie de Rehana devient vite ingérable. Elle reçoit au même moment une plainte de l’école concernant le comportement inhabituel de sa fille de six ans… Rehana refuse d’accepter l’absurdité de la société patriarcale et mettra tout en jeu pour que justice soit rendue à son élève et à sa fille.

Critique du film

Rehana Mariam Noor, tel est le nom du premier film en provenance du Bengladesh en sélection officielle à Cannes dans la catégorie Un certain regard. Celle-ci revient à sa vocation première, à savoir présenter de nouveaux regards, et notamment des territoires peu habitués à être célébrés dans les plus grands festivals de cinéma du monde. Abdullah Mohammad Saad est le réalisateur de ce film qui a du attendre longtemps d’être enfin projeté devant un public, celui-ci étant prêt depuis presque deux ans. C’est un projet radical qui veut montrer la dureté d’être une femme, ici une mère célibataire, dans une société à la verticalité patriarcale confondante. Rehana est donc le prénom d’une très jeune docteure, formant les futurs médecins d’un pays qui en manque énormément.

Le film est d’une ambition louable et rafraichissante. On découvre une cheffe de CHU à la tête d’une équipe d’hommes, et une docteur enseignante aux convictions fortes et incorruptibles. L’auteur insiste dès le début de son histoire sur l’enchevêtrement de responsabilités qui sont les siennes, multipliant les charges pesant sur ses épaules. Veuve, Rehana doit à la fois élever sa fille, mais aussi – en tant que fille aînée – s’occuper de ses parents, tout ceci en plus de sa vie professionnelle qui se voit assombrie par un harcèlement grave d’un enseignant sur une élève. Ce premier constat et état des lieux de l’intrigue est séduisant, l’auteur développe un récit riche et militant qu’il développe avec subtilité, habité par son personnage principal qui habite chaque plan avec beaucoup d’intensité.

Les limites apparaissent pourtant assez vite une fois le tableau dressé : l’omniprésence de Rehana, certes fondamentale, ne laisse presque aucune place aux autres personnages tout juste esquissés. La femme de l’enseignant harceleur est tout juste aperçue, pourtant elle-même un élément crucial de cette tapisserie qui dessine la complexité d’être une femme au sein d’une société d’hommes. Il y a également peu de places pour les élèves de cette faculté. Si Annie est au centre de l’attention l’espace de quelques scènes, c’est presque tout, les autres ne sont que des silhouettes dont on comprend mal la révolte contre leur enseignante au delà d’une gifle ponctuant une scène de révélation.

La mise en scène et la direction d’acteurs sont également quelque peu timorés. La caméra suit coûte que coûte Rehana, dans un parti pris naturaliste un peu déroutant par instant. Le flou et le mouvement sont parfois mal gérés, tout comme le jeu d’Azmeri Haque Badhon qui semble peiner à se renouveler dans son intensité fort légitime. Malgré ces quelques lourdeurs et ratés, il faut retenir les intentions d’un film généreux qui interroge avec subtilité et intelligence des problématiques fondamentales. Les émotions et la qualité de cinéaste démontrées dans Rehana laissent entrevoir un auteur à suivre au sein d’une sélection qui a eu la bonne idée de se recentrer sur ses fondamentaux.



De Abdullah Mohammad Saad, avec Azmeri Haque BadhonAfia Zahin

Cannes 2021Un certain regard




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