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RED ROCKET

Mikey Saber revient dans sa ville natale du Texas après des années de carrière de pornstar à Los Angeles. Il n’y est pas vraiment le bienvenu… Sans argent, sans emploi, il doit retourner vivre chez son ex-femme et sa belle-mère… Pour payer son loyer, il reprend ses petites combines mais une rencontre va lui donner l’espoir d’un nouveau départ.

Critique du film

Après le très acclamé The Florida Project en 2017, projeté à la Quinzaine des Réalisateurs, qui sondait l’Amérique white trash, Sean Baker revient cette année en Compétition Officielle avec Red Rocket. Le réalisateur américain quitte le territoire de la Floride pour investir le Texas, raconté cette fois à travers les yeux d’un ancien acteur porno fauché, revenu tout droit d’Hollywood. 

À la veille des élections de 2016, et peu avant la victoire de Donald Trump, Mikey, ancienne star du X, fauché et cabossé, rentre chez son ex Lexie à Texas City, où il n’est pas le bienvenu. Dans sa première demi-heure réussie, Sean Baker suit la difficile réinsertion de son anti-héros, non sans humour, qui peine à trouver du travail et n’a pas droit aux allocations. Pour pallier à ce système défectueux se met alors en place celui de la débrouille, entre trafic de drogue et prostitution. 

Sexe, mensonge et trahison

Sean Baker s’en prend à nouveau au rêve américain, à travers son personnage de loser désenchanté, qui n’a pas réussi dans la grande Hollywood. Manipulateur, il cherche à s’en sortir en exploitant sans scrupules les faiblesses de celles et ceux qui l’entourent, miroir malgré lui de toute une société bâtie sur le mensonge. Red Rocket écharpe l’idéal du self made man à travers la métaphore de la fellation, égratignant sévèrement l’égo de son personnage macho, persuadé d’être une star grâce à lui et à lui seul, négligeant totalement ses partenaires à l’écran. 

Si le portrait de son personnage sonne à priori comme profondément détestable, Sean Baker lui insuffle de l’empathie. Mais dès sa rencontre avec Strawberry, jeune adolescente aux traits enfantins de 17 ans, le film se vautre et rate totalement son projet. Pas besoin de l’heure et demie suivante pour comprendre que Mikey est un prédateur. De cette romance malveillante – Mikey se sert de Strawberry pour son possible retour dans l’industrie du porno -, Sean Baker ne fait rien, ou en tous cas ne pose jamais de distance critique vis à vis de ce qu’il montre.

La faute au vide abyssal du personnage de Strawberry, cliché de la jeune adolescente libérée et paumée, perçue comme un fantasme aux yeux de son anti-héros. Mais la critique s’arrête ici, puisque le film se complait dans la gratuité de ses scènes de sexe, qu’il accumule pendant près d’une heure de film sans distance critique. A-t-on réellement besoin d’entendre en boucle que l’adolescente de 17 ans est “vraiment bonne” pour son âge et suce à merveille, entre une revisite du kama-sutra dans tous les lieux possibles et imaginables, pour saisir le malaise de cette relation ? Nul ne le sait, mais sans doute aurait-il fallu avoir confiance en ses spectateur‧ices plutôt que de verser dans une telle vulgarité – qu’on imagine sortie du monde du porno, martelée à l’excès, on le comprend très vite, merci bien – et peut-être raconter quelque chose. Si le film se cramponne à la vision désenchantée de Mikey, et à sa perception macho du monde, il peine aussi à s’en extraire par l’attachement qu’il noue avec son personnage.

Car finalement, on finit par trouver le temps long devant ce Red Rocket qui, avec ses gros sabots, ressasse l’ennui de l’American dream sans jamais le transcender ni le magnifier, s’étalant dans la vulgarité. Si la Compétition Officielle ronronne cette année, elle touche le fond avec un film qui s’annonçait aussi prometteur.  

Bande-annonce

2 février 2022 – De Sean Baker, avec Simon RexBree ElrodSuzanna Son


Cannes 2021Compétition




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