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LE PROJET BLAIR WITCH

En octobre 1994, trois jeunes cinéastes, Heather Donahue, Joshua Leonard et Michael Williams, disparaissent en randonnée dans la foret de Black Hill au cours d’un reportage sur la sorcellerie. Un an plus tard, on a retrouve le film de leur enquête. Le Projet Blair Witch suit l’itinéraire éprouvant des trois cinéastes à travers la foret de Black Hills et rend compte des événements terrifiants qui s’y sont déroulés. À ce jour, les trois cinéastes sont toujours portés disparus.

Promenons nous dans les bois…

 Comment réinventer la peur lorsque les spectateur.ice.s en connaissent déjà les moindres recoins ? Lassé par ses propres codes, qu’il use jusqu’à la corde, le cinéma d’horreur opère une méta-réflexion, initiée par Wes Craven et Scream dans les années 90. À l’heure des balbutiements d’internet et de l’expansion de la cassette vidéo, le cinéma connaît un tournant majeur en 1999. Présenté comme l’enregistrement retrouvé d’un documentaire tourné par trois étudiants dans la forêt de Blair, Le Projet Blair Witch s’impose comme le traumatisme d’une génération. Tourné pour à peine 60 000 dollars, il deviendra l’un des films les plus rentables de l’Histoire du cinéma, et réinventera avec lui le marketing du cinéma. 

Loin d’en être le précurseur pourtant, Le Projet Blair Witch parvient à se réapproprier le found-footage, longuement cantonné à un cinéma bis (Cannibal Holocaust) et expérimental (Punishment Park) pour l’amener au grand public. Les deux réalisateurs Eduardo Sanchez et Daniel Myrick prolongent ce même questionnement sur le médium filmique. La caméra devient l’objet même de la peur. La vidéo, par son aspect réaliste, devient le miroir d’une réalité qu’on peine à questionner. Caméra à l’épaule, les spectateur.ice.s sont livrés  à des images qui se veulent authentiques.

Premier film viral ?

Le Projet Blair Witch a l’intelligence de ne jamais montrer les preuves tangibles du surnaturel. Le film joue de la peur primale de la forêt, du noir et de la désorientation à travers le hors champs. Quelque chose est tapi dans l’ombre, mais ne se révèle jamais à l’image, laissant les spectateur.ice.s face à leur propre imagination. Volontairement ambigu, le film ne donne aucune réponse de ce qui se joue à l’écran, et nous laisse dans le même état d’incompréhension – et donc, de peur – que les personnages à l’écran. Le film se veut immersif, abandonnant toute musique extra-diégétique, et reposant sur ses effets sonores. Du bruit des feuilles sous les pas aux hurlements lointains, le film insuffle lentement un sentiment de paranoïa, convoquant le folklore de la sorcière (totem, piles de cailloux, dents) sans jamais la montrer. 

Si le temps a fait son effet sur le film, qui marque les prémisses d’un genre exploité jusqu’à la moelle, Le Projet Blair Witch aura sans doute été le premier film viral. Conscients de jouer avec les frontières de la réalité, Sanchez et Myrick poussent le curseur plus loin et présentent le film comme un enregistrement authentique. Les trois acteurs, Heather Donahue, Joshua Leonard et Michael C. Williams, sont crédités sous leur vrais prénoms. Présumés morts, des avis de recherche sont distribués lors de la présentation du film à Sundance. Mais la campagne marketing va plus loin et utilise un outil décisif : internet. 

Légendes urbaines

Alors que le bug de l’an 2000 plane de son ombre menaçante et que les modems internet grésillent, internet devient l’arme de communication ultime. Un mystérieux site internet fait son apparition, dans lequel on retrouve des photos des acteur.ice.s avant le documentaire, des témoignages audio ainsi que des extraits du journal d’Heather. Autour du film se crée une mythologie de toute pièce, crédible par sa sobriété et le soin apporté à chaque détail.

Les légendes urbaines prennent un nouveau tournant avec l’arrivée d’internet. Devenues creepypasta (contraction de creepy “effrayant” et de copy-paste), les fictions horrifiques prolifèrent sur internet. Si les formes varient, nombreuses appuient leur “témoignage” à travers des vidéos, images ou extraits sonores, toutes à la première personne, avec l’idée d’une expérience individuelle irréfutable. Si le cinéma d’horreur contemporain doit beaucoup au Projet Blair Witch dans sa communication mais aussi sa forme, force est de constater que le film aura influencé nombre de creepypasta sur internet. A commencer par la plus célèbre, le Slender Man, dont une des variantes s’incarnent dans la websérie Marble Hornets : filmée à la première personne d’une main tremblotante, chaque vidéo de la chaîne cherche à capter l’existence de la créature sans jamais l’apercevoir pleinement. 

Difficile d’affirmer si Le Projet Blair Witch est la première creepypasta de l’histoire d’internet, mais nul doute que le film en embrasse tous les codes. Le cinéma se saisit à son tour de l’avancée technologique pour y insuffler une nouvelle peur : si la télévision abritait les fantômes de Ring ou de Poltergeist, internet en sera le nouveau médium. Le succès colossal du film entraînera avec lui son lot de found-footage, aussi bons (Cloverfield) que catastrophiques (Paranormal Activity) jusqu’à parasiter l’écran d’ordinateur avec l’arrivée du screenlife (Unfriended).

Il pourra y avoir autant de remake possible, Le Projet Blair Witch de 1999 possède une aura hors du commun grâce à un marketing exemplaire et une mythologie soignée qui transcendent la fiction. 


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