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PLEASURE

Une jeune suédoise de 20 ans arrive à Los Angeles dans le but de faire carrière dans l’industrie du porno. Sa détermination et son ambition la propulsent au sommet d’un monde où le plaisir cède vite la place au risque, à la toxicité et la misogynie.

Critique du film

Au départ, il y a un court-métrage Pleasure, réalisé en 2013 par Ninja Thyberg, que la réalisatrice suédoise a voulu développer après plusieurs autres courts, également consacrés à la sexualité. Désirant une nouvelle venue pour interpréter Bella Cherry, la protagoniste principale de son film, Ninja Thyberg a été en contact avec 2000 jeunes femmes et en a rencontré 600, avant de porter son choix sur Sofia Kappel, qui n’avait jamais tourné ni suivi de cours d’art dramatique auparavant. Sofia Kappel constitue la véritable révélation de ce long-métrage. Excellente actrice aussi bien dans les scènes impudiques que dans les moments de désarroi, elle offre une interprétation digne d’une comédienne chevronnée. On espère la revoir, qu’elle saura trouver des rôles à sa mesure et que cette promesse de talent se concrétisera.  

S’il est vrai qu’aucun détail ne nous est épargné concernant les conditions de tournages et la préparation des interprètes du X, les scènes ne sont pas pornographiques et aucune concupiscence ne naît de la vision du travail de Bella Cherry et de ses partenaires de sexe filmé. Au contraire, un malaise va très vite s’immiscer. Ambiance misogyne et violente malgré les apparences de bienveillance et de liberté. 

Mensonges et manipulations

Ainsi cette scène de sexe violente à laquelle Bella Cherry va être confrontée lors d’un tournage. Violentée par deux hommes – gifles, crachats, insultes – Bella semble craquer. On l’a prévenue qu’elle pouvait arrêter quand elle le souhaitait, que ce serait éprouvant. Mais dès qu’elle fait mine de vouloir arrêter, de vouloir se protéger, on la culpabilise, on la menace de ne pas la payer. La liberté qu’elle aurait de se soustraire à cette véritable agression n’est que de façade et l’hypocrisie règne en maître. Et la violence dégradante dont elle est victime se trouve amplifiée par cette manipulation, cette violence morale.  De même, les différentes clauses sur le consentement qu’on fait signer aux interprètes semblent finalement être présentes moins pour les protéger que pour assurer l’éventuelle impunité des producteurs et réalisateurs. On expliquera bien aussi à Bella, quand elle rejoindra l’équipe de Mark Spiegler, qu’elle représente maintenant  une marque, en quelque sorte. Qu’elle ne doit ni se plaindre, ni donner   une mauvaise image de marque de son employeur.

Pleasure film

On est dans l’industrie du cinéma pornographique. Et à Los Angeles. Comme dans le vieux Hollywood, on n’est qu’un pion, au milieu du mensonge, de l’artifice et de la manipulation.  

Si Ninja Thyberg évacue assez rapidement les motivations de son héroïne pour atteindre les sommets de la célébrité dans le X, elle semble plus intéressée par ce que Bella acceptera ou non. Va-t-elle claquer la porte ou se faire contaminer par la violence ambiante de ce milieu ? Accepter de maltraiter son corps, dans des préparations à des scènes hard ? Et devenir peut-être maltraitante à son tour. Car si Bella Cherry rêve avec ses colocataires de pornographie féministe, les seules personnes qu’elle va maltraiter directement ou indirectement ce sont d’autres femmes. 

Pleasure offre aussi des scènes poignantes, comme celle où Bella appelle sa mère qui ne semble pas comprendre dans quel guêpier sa fille se trouve : « tu trouvais que tout le monde était taré en Suède… ! » rétorque-t-elle à Bella qui lui dit qu’elle ne trouve que des fous à Los Angeles. Ninja Thyberg se défend d’avoir réalisé un film à charge contre l’industrie pornographique. Chacun se fera son opinion sur le parcours de Bella Cherry, de ses espoirs et de ses expériences. Reste que le film a le mérite de traiter ce sujet avec crudité, mais sans complaisance, trouvant une forme d’équilibre entre réalisme à la limite du documentaire et fiction. Outre Sofia Kappel, vraiment remarquable, les autres interprètes portent ce film qui ne fera peut-être pas l’unanimité au sujet de son traitement mais qui ne laissera pas indifférent.  

Bande-annonce

20 octobre 2021 – De Ninja Thyberg, avec Sofia KappelKendra Spade


Deauville 2021




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