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PINOCCHIO

La célèbre histoire de ce pantin de bois, Pinocchio, bien décidé à vivre la plus palpitante des aventures pour devenir un vrai petit garçon.

CRITIQUE DU FILM

Cela fait presque une décennie que Robert Zemeckis semble ne faire que des films de vingt à trente minutes. Depuis 2013 et le dispensable Flight, le réalisateur s’obstine à réaliser quelques séquences flamboyantes, noyées par une multitude de scènes assez ennuyeuses, destinées à n’être que purement fonctionnelles pour mener à bien les récits vers leurs conclusions. Son dernier né Pinocchio fait illusion, donne espoir pendant dix minutes : celui que le technicien du Pôle Express ou de Beowulf se réveille enfin de sa torpeur pour remettre au goût du jour un imaginaire foisonnant. Il n’en est rien.

Pinocchio made in Disney+ est un vacarme ambulant. Il consiste en un empilement – en pilote automatique – de scènes bruyantes, non raccordées durant presque deux heures. Une cacophonie désarçonnante mise en scène par un simulacre de Zemeckis qui fait miroiter ses effets visuels ne se révélant être que des cache-misères. Chaque hypothétique fulgurance est annihilée à la seconde où elle apparait, la faute à une imagerie numérique indigente, un casting en roue libre et un script fainéant. Les personnages sont vidés de substance, incapables d’exister au-delà du cheminement moral éculé et inintéressant que comprend Pinocchio au fil de son voyage. 

L’exemple le plus aberrant reste Tom Hanks, grimé avec une moustache toujours à deux doigts de se décoller, et dont l’arc narratif n’a aucun intérêt si ce n’est… suivre la trace de Pinocchio sans rien dire ni rien vivre de particulier. Ses interactions avec les fonds verts sont techniquement calamiteuses, comme s’il était incapable de comprendre avec quoi on lui demandait de dialoguer. Les incrustations des personnages animés sont aussi techniquement très douteuses, rendant l’ensemble d’une artificialité qui ne paraissait pas être le premier but esthétique de l’ensemble. Difficile dès lors de faire poindre des émotions quand l’entièreté du projet est un prêchi-prêcha cinématographique hideux, jamais incarné et manquant cruellement de liant.

La grande vacuité du récit est amplifiée par cette sensation morbide de voir apparaitre littéralement le cahier des charges du studio Disney qui approuve ou abroge des séquences d’un claquement de doigts pour capitaliser sur l’économie d’attention de ses spectateurs. Les gens trouvent les comédies musicales ringardes et ennuyeuses ? Coupons les passages musicaux au bout de cinquante secondes et chantons tout de manière monocorde pour presser le pas. Les enfants aiment les animaux ? Créons un chat, une mouette et un poisson rouge en images de synthèses qui feront des gags en arrière-plan sans aucun lien avec le long-métrage, ça fera vendre des accessoires dans les magasins partenaires. Les adultes vont s’ennuyer ? Imaginons des gags méta cartoonesques sur Qui veut la peau de Roger Rabbit, une référence non-sensique à L’exorciste et faisons des blagues sur la relation des célébrités à leur taxe d’imposition, ils seront servis. 

Le film répond machinalement à des demandes annexes et absurdes tel un algorithme bien huilé. Pinocchio cru Disney+ ne semble pas se soucier de l’intégrité artistique de sa démarche expérimentale et sur le papier fascinante, à savoir élaborer via un personnage mi-homme mi-pantin une vallée dérangeante numérique, un être doué de conscience, qui veut se fondre dans le moule, mais que le monde rejette pour ses caractéristiques au demeurant anormales. Un horizon numérique intéressant dans sa complexité, à rebours de cette époque où Hollywood se lance dans une course effrénée vers le photoréalisme. Dans cette optique, Pinocchio aurait pu rejoindre un personnage comme Grendel dans La légende de Beowulf du même cinéaste, créature difforme née d’une relation interdite que la performance capture vient défigurer et rendre hideuse du point de vue des humains.

La liste de tares est encore longue, celle des enjeux que Robert Zemeckis aurait pu creuser encore plus, et il serait vraiment pénible de tout relever. Mais ces petits détails veulent au moins témoigner du chemin de croix qu’est ce long-métrage, indigne du film originel et tout bonnement inacceptable de la part d’un réalisateur qui en aura fait rêver, frissonner ou émerveiller plus d’un durant sa carrière.  

BANDE-ANNONCE

8 septembre 2022 sur Disney+ – De Robert Zemeckis, avec Tom Hanks, Benjamin Evan AinsworthJoseph Gordon-Levitt




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