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PIAFFE

Eva, une jeune femme introvertie qui travaille comme bruiteuse, rencontre des difficultés pour créer les sons d’un film publicitaire mettant en vedette un cheval. Alors qu’une queue de cheval commence à pousser sur son corps, elle développe une relation de soumission avec un botaniste.

Critique du film

Alors que le cinéma de genre s’est récemment pris de passion pour le thème de la lycanthropie (Jacky Caillou, Teddy) , Ann Oren choisit avec Piaffe de faire une surprenante incursion du côté hippique, en racontant l’histoire d’une jeune femme qui se transforme en cheval. Bien vite, on comprend que la métamorphose animale n’est qu’un prétexte à explorer la question du plaisir et de la sexualité féminine. Eva, l’héroïne au prénom biblique tentateur, est une jeune femme timide et effacée, qui vit dans l’ombre de sa grande soeur tyrannique. Alors qu’une queue d’équidé lui pousse progressivement en bas du dos, elle gagne cependant en assurance, et ose séduire l’étrange botaniste qu’elle croise sur son lieu de travail ; très vite, c’est elle qui prend les rênes de cette relation.

Malgré sa trame surréaliste, Piaffe n’est ainsi pas tant un film fantastique qu’une réflexion sensorielle sur le fétichisme et ses délices, auquel le travail de bruitage initie progressivement. Crissement de doigts sur le cuir, clinquement du mords entre les dents, cordes revêches qui attachent les corps… L’univers chevalin bascule lentement dans le BDSM et la frontière entre l’équitation et le bondage se fait de plus en plus mince. Côté mise en scène, la réalisatrice soigne ses images, aux couleurs et à la composition exquises, mais aussi ses sons, d’une minutie quasi-religieuse, alors que les personnages demeurent étrangement mutiques. Piaffe ne se contente pas de parler de satisfaction, il l’incarne : tandis qu’Eva enchaîne les orgasmes, la perfection plastique à laquelle aspire Ann Oren fonctionne elle aussi comme le vecteur d’un plaisir voyeuriste et esthétique, dont le spectateur peut jouir à son aise.

Piaffe

En dépit de ses pratiques sexuelles de niche – comme s’enfoncer une rose dans l’œsophage ou sucer du crin, Piaffe peine à émoustiller. Ann Oren s’attarde sur les jambes tremblantes de plaisir et les respirations saccadées de ses personnages, mais on s’ennuie un peu devant ces scènes faussement troublantes qui parviennent difficilement à retranscrire l’érotisme dont elle se targue. C’est finalement davantage dans sa réflexion sur le pouvoir et l’émancipation que réside tout l’intérêt du film. Symbole phallique dont la femme est ici l’unique détentrice, la queue de cheval redonne à Eva la maîtrise de sa propre vie, mais lui permet aussi de questionner les rôles genrés de l’hétérosexualité.

En filmant à répétition le déploiement sensuel de fougères hermaphrodites, la réalisatrice célèbre une sexualité protéiforme et libre, qui atteint son apogée sur le dancefloor d’un club techno où le corps d’Eva se libère définitivement. Il en résulte un film, qui, à défaut d’être excitant (mais est-ce le but ?) déroute, hypnotise et donne envie de danser

2023 (VOD) – D’Ann Oren, avec Simone BucioSebastian Rudolph


FESTIVAL DE GERARDMER 2023 – REPRISE À LA CINÉMATHÈQUE



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