Petit mal

PETIT MAL

Martina, Laia et Anto forment un trouple passionné, complice et enjoué. Leur relation amoureuse est cependant confrontée à un test lorsque Laia doit partir plusieurs mois de la maison pour un projet professionnel. Martina et Anto doivent temporairement remodeler leur propre dynamique en tant que simple duo. Arrivera-il à s’adapter à cette nouvelle équation ?

Critique du film

Le nombre trois m’a toujours accompagnée” chantonne Anto à son piano, la gorge serrée. Dans la grande maison qu’elle partage avec Marti et Lais, ses deux compagnes, la jeune femme se frotte et se pique, parfois, aux défis du polyamour. Petit Mal n’est pas le premier film de la réalisatrice espagnole Ruth Caudeli, mais il est sans doute le plus personnel. Comme l’indique la phrase “Ce film est notre vraie fiction” au début, c’est de sa propre relation à trois qu’elle s’est inspirée pour écrire, et les actrices qui l’accompagnent sont également ses véritables partenaires. La notion de trouple, abondamment revendiquée par les héroïnes, intrigue dès le départ. Comment faire fonctionner un ménage à trois ? Comment surmonter les inégalités, la jalousie, les préférences ? Comment en arrive-t-on à faire ce choix de vie ?

Petit Mal choisit de ne pas céder à la pression de notre curiosité et se garde finalement bien de traiter son sujet de façon journalistique ; les réponses à toutes ces questions font l’objet d’un documentaire à l’intérieur le film, réalisé par Marti dans l’optique d’investiguer sa propre vie, mais nous n’y auront jamais accès. Seuls quelques fragments décousus nous en parviennent -moments de bonheur, de complicité, d’intimité, sans que nous en apprenions beaucoup plus sur la genèse de cette union ou le ressenti de ses protagonistes à ce sujet. Les problématiques relationnelles que choisit d’explorer le film sont bien réelles, mais pourraient tout aussi bien exister au sein de n’importe quelle relation amoureuse ou amicale : le départ provisoire de Lais confronte les jeunes femmes aux défis classiques de la distance et de l’autonomie, tandis que leur relation tente tant bien que mal de survivre aux appels FaceTime hachés, au décalage horaire et aux réseaux sociaux.

Petit mal
Brouillant les lignes entre documentaire et fiction, Ruth Caudelis fait le choix d’une image très épurée et d’une mise en scène dépouillée de tout artifice. Dans ce qui s’apparente à un huis-clos – aucun autre personnage n’apparaît en dehors des trois héroïnes et on ne les voit jamais en dehors de chez elles – se déploie une sorte de cinéma-journal intime, dont on ne sait plus vraiment ce qu’il invente ou non. Si le parti pris esthétique peut parfois sembler un peu simpliste, comme lorsque Caudelis choisit de passer au noir et blanc pour illustrer le vide laissé par Lais après son départ, Petit Mal n’est pourtant pas dénué de complexité.

Le cadre, qui place systématiquement Lais au centre de tout, permet rapidement de comprendre la dynamique fondamentale du trouple et le rôle moteur qu’elle y joue, là où Anto et Marti peinent au début à relationner entre elles. Pour autant, le film se refuse les raccourcis les plus évidents et laisse les personnages tâtonner à leur rythme, sans offrir de réponse toute faite. Avec bienveillance et réalisme, il porte un regard lucide sur ces périodes charnières au sein de la vie conjugale, qui nous rappellent que rien n’est jamais acquis et que nous avons encore du chemin à faire. Un joli hommage à la différence, qui a le mérite de ne pas se targuer d’en être un.


De Ruth Caudeli, avec Silvia Varon, Ruth Caudeli et Ana Maria Otalora .


Présenté au Festival Chéries chéris 2022




%d blogueurs aiment cette page :