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PERFECT BLUE

La réalité et son double

Une vingtaine d’années après sa sortie, Perfect Blue fait son retour dans les salles hexagonales. L’occasion de (re)découvrir le chef-d’œuvre de Satoshi Kon et une merveille de l’animation japonaise.

À mesure que progresse le récit, la forme s’abîme dans les profondeurs de la folie. Banale histoire de J-Pop et d’adolescence à ses débuts, Perfect Blue vire, par petites touches successives, aux ténèbres. Peu à peu, le montage se délinéarise, la narration se brise. Comme Mima, le spectateur ne sait plus où il se trouve. Il vient de voir deux fois de suite la même scène, identique au plan près : laquelle est cauchemar ? Laquelle réalité ?

« Qui êtes-vous ? ». Simple question, que Mima, qui joue une actrice dans un thriller psychologique, pose à sa comparse. Dans cette interrogation ordinaire réside le vertige de Perfect Blue. En apparence fictionnelle – elle vise le personnage que joue la partenaire de Mima –, la question s’adresse ensuite davantage au double qui hante Mima : « Qui es-tu ? ». Et la question de se retourner à nouveau, cette fois envers Mima elle-même : « qui suis-je ? »

À cette crise identitaire, Kon prend soin de ne pas apporter de réponse. Définir et donc cloisonner une identité ne l’intéresse pas. En revanche, les espaces déformés et déformants, les lieux où l’identité se dédouble, se confronte, se perturbe, voilà ce que Kon privilégie. Et la figure de l’écran vaut comme matrice de son cinéma. Miroir, télévision, fenêtre, ordinateur… tout semble conspirer pour troubler le reflet de Mima, qui, à force de se voir poursuivie par ses doubles, tombe progressivement dans la schizophrénie.

Toutefois, les écrans ne se contentent pas de brouiller le rapport de Mima à son image. Plus largement, ils déconstruisent l’ensemble des rapports qu’entretiennent les choses qui constituent le monde entre elles, jusqu’à la réalité-même. À plus d’une reprise, le spectateur perd la notion de l’espace-temps. Est-ce le personnage que joue Mima qui tue ? ou bien « la vraie Mima » ? La mise en abyme d’une mise en abyme ne sert pas à rendre un énième hommage au septième art, mais à réveiller les pouvoirs fantasmagoriques du cinéma et sa capacité à effacer la distinction entre rêve et réalité.

Mais qu’importe de les démêler ? L’intérêt ne réside-t-il pas précisément dans cette confusion des strates de réalité ? Avouons-le. Plus d’un rêve et plus d’un cauchemar valaient mieux qu’un dur réveil matinal. Ou bien est-ce l’inverse ?

 




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