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PAPICHA

La fiche

Réalisé par Mounia Meddour  – Avec Lyna Khoudri, Shirine Boutella
Algérie – Drame – Sortie : 9 octobre 2019 – Durée : 106 mn

Synopsis : Alger, années 90. Nedjma, 18 ans, étudiante habitant la cité universitaire, rêve de devenir styliste. A la nuit tombée, elle se faufile à travers les mailles du grillage de la Cité avec ses meilleures amies pour rejoindre la boîte de nuit où elle vend ses créations aux  » papichas « , jolies jeunes filles algéroises. La situation politique et sociale du pays ne cesse de se dégrader. Refusant cette fatalité, Nedjma décide de se battre pour sa liberté en organisant un défilé de mode, bravant ainsi tous les interdits.

La critique du film

Un premier film algérien, réalisé par une femme, concentré sur un groupe de jeunes étudiantes célébrant la vie et la fête. Sur le papier, déjà, Papicha de Mounia Meddour attire notre attention. Nedjma rentre dans l’âge adulte, vit entre la cité universitaire, un univers semi-carcéral autoritaire, et la maison familiale tenue par sa mère, veuve, une femme bienveillante et moderne. Avec son groupe d’amies, elles incarnent une idée de la modernité au sein d’une société qui se referme sur elle-même avec la prise en main progressive des ultras religieux, imposant leur main mise sur le quotidien. L’étau qui se resserre sur les jeunes femmes, éprises de liberté, est tel un très lent glissement vers l’enfer.

Le corps des femmes

Mounia Meddour réussit le tour de force de faire exister chacun de ses personnages – et ils sont nombreux. À coté de ces femmes admirables et vivantes, elle dessine les contours d’une galerie pléthorique d’autres personnes. Chacun a sa voix, sa caractérisation sublimée par la caméra, et son positionnement dans le combat qui se précise. L’enjeu est encore et toujours le corps des femmes, leur contrôle absolu, par le prisme du regard masculin. Cette peste archaïque est visible au premier regard chez certains, qui ne cachent pas leurs jugements absurdes, mais se tapit dans l’ombre pour d’autre, comme chez Karim, soupirant de Wassila, la meilleure amie de Nedjma. Cet homme caractérise l’hypocrisie de celui qui fait rejaillir sa nature profonde dès que sa promise décide de participer au défilé organisé par le groupe. Caché sous des mètres de tissu, le corps des femmes ne doit en aucun cas s’exprimer au grand jour.

Papicha de Mounia Meddour
Lyna Khoudri est sans doute la plus belle actrice découverte en ce début d’année, elle irradie chaque plan de sa beauté, de sa fougue, de son envie de vivre comme elle l’entend. C’est elle la « papicha », la belle fille en arabe, beauté qui là encore ne doit servir que le regard de l’homme et sa libido dégoûtante, symbolisée par Mokhtar le gardien de la cité universitaire. Nedjma est en permanence harcelée, à chaque pas dans la rue, dans sa vie quotidienne par les femmes religieuses qui la haïsse pour prôner la modernité par son comportement, elle n’a aucun moment de répit. Pourtant, elle refuse de fuir l’Algérie, de prendre une porte de sortie trop facile proposée par Mehdi, son petit-ami aisé qui lui propose le mariage et un exil en France. Là encore, cette proposition ressemble à une volonté d’embrigadement, d’asservissement à peine déguisé. Nedjma refuse toute concession, elle est en cela radicale et exprime un espoir, une lutte de l’intérieur pour la liberté des femmes.

Papicha est un cri de rage contre l’obscurantisme qui a menacé d’engloutir ce grand pays qu’est l’Algérie et qui le menace encore à chaque soubresaut du régime policier qui l’enserre. Il montre qu’un simple défilé au sein d’une cité U fermée peut provoquer un drame immonde et marquer à vie des femmes qui semblent ne pas pouvoir exister pour elles-mêmes. Au delà des images chocs et bouleversantes qui jalonnent son film, Mounia Meddour distille un message puissant et fort qui prouve que les femmes algériennes ne s’avouent pas vaincues. Ensemble, dans une sororité illustrée par la famille de Nedjma où il n’y a plus un seul homme, elles font blocs et tiennent bon, contre les violences qui leur sont proférées chaque jour.

On ne saurait assez saluer le talent de cette réalisatrice et de son équipe, leur courage également, pour avoir livré une si belle histoire qui résonne au delà des frontières de l’Afrique du nord, jusqu’à nos frontières moralisatrices, elles aussi au banc des accusés.



Bande-annonce

Au cinéma le 9 octobre // Un certain regard à Cannes 2019.




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