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LE SERMENT DE PAMFIR

Dans une région rurale aux confins de l’Ukraine, Pamfir, véritable force de la nature, retrouve femme et enfant après de longs mois d’absence. Lorsque son fils se trouve mêlé à un incendie criminel, Pamfir se voit contraint de réparer le préjudice. Mais devant les sommes en jeu, il n’a d’autre choix que de renouer avec son passé trouble. Au risque de tout perdre. 

Critique du film

Sur la trame usée du film de mafia, Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk plonge le spectateur dans une forme de violence ancestrale et endémique. Si le film et l’acteur principal, Oleksandr Yatsentyuk, impressionnent, ils finissent aussi, tant ils cherchent la bravoure, à lasser. Au basket, on sifflerait un « passage en force ». 

Violence endémique

De l’influence de la géographie sur la vie des Hommes. Le frontière terrestre entre l’Ukraine et le Roumanie est longue de quelques 500 kilomètres. Elle constitue l’une des limites orientales de l’Union européenne. Le drame de Leonid et de sa famille est d’avoir grandi à proximité de cette frontière où s’est développée une « tradition populaire de la contrebande » comme le dit son frère Viktor qu’il retrouve après plusieurs mois à l’étranger. Les intérêts générés par le trafic sont contrôlés par M. Oreste, parrain local aussi craint que respecté. Lorsque Leonid doit financer la reconstruction de l’église suite à l’incendie provoqué par son fils, il renoue avec un passé douloureux. Le mécanique de l’engrenage infernal est en marche, le film ne sortira plus de ce programme tracé entre intimidations, impossible rédemption et sacrifice.

Leonid et Pamfir sont une même personne, un prénom et un surnom hérités de l’histoire familiale. Mais rien n’est trop pour ce colosse intranquille. Il ne fait pas l’amour, il baise en grognant, il ne mange pas, il bouffe en fumant. On aura assez vite deviné que le film file la métaphore de l’homme fruste devenu animal, se bourrant au besoin de stéroïdes pour affronter les nervis de M. Oreste. Le portrait est pour tout dire assez bancal, entre la bête que la violence semble stimuler voire amuser (y compris dans sa dimension masochiste), le père sévère mais aimant et le mari protecteur. On ne comprend pas non plus très bien la relation à son propre père, si ce n’est pour évoquer la viralité de la haine.

Pamfir

Frustration

La mise en scène de Sukholytkyy-Sobchuk semble dictée par le mouvement permanent (parfois jusqu’au ridicule, la discussion entre les deux frères en marchant autour de la maison !) manière d’immerger le spectateur dans la spirale infernale dans laquelle se débat Pamfir. Il s’en dégage d’indéniables sensations fortes mais aussi une sorte de non-rythme qui confine à la lassitude. Pourtant, quand le récit ose un temps de pause, il trouve d’autres ressources qu’on aurait aimé qu’il exploite davantage. Par exemple, la scène à l’église où Pamfir comprend, son sourire est alors très beau, la nature exacte de la promesse de Nazar. Le conflit intérieur du film – comment survivre tout en cassant l’héritage de la violence – est nettement mieux exprimé ici que dans les pénibles dernières scènes du film. Dernière frustration, la séquence du carnaval. On l’attend depuis la très belle ouverture du film. Elle porte en elle tous les germes d’un sommet dramatique. Hélas, elle tourne court, passant à côté de son formidable potentiel de mystère, de tension et de représentation esthétique.

Beaucoup trop démonstratif pour convaincre, Le serment de Pamfir est tout de même l’occasion de découvrir Oleksandr Yatsentyuk, acteur impressionnant, tank humain qui ne demande qu’à fendre l’armure.

Bande-annonce

2 novembre 2022De Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk, avec Oleksandr YatsentyukStanislav Potiak


Cannes 2022De l’écrit à l’écran




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