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PALM TREES AND POWER LINES

Léa, dix-sept ans, musarde au cours d’une jour­née d’été apa­thique. Cette lan­gueur mono­tone est inter­rom­pue par la ren­contre for­tuite avec Tom, un gar­çon plus âgé au charme rava­geur, qui va per­mettre à la jeune fille d’échapper à sa vie d’adolescente frus­trée. Mais la pré­sence du gar­çon se fait de plus en plus sen­tir et finit par éloi­gner Léa des siens. 

Critique du film

Dernier été de lycéenne pour Léa, 17 ans, avant son entrée en Terminale. Les journées se suivent et se ressemblent pour cette adolescente ordinaire : après-midi à lézarder au bord de la piscine ou à scroller sur les réseaux sociaux, pause-goûter dans le café bagel du quartier, soirées arrosées avec des garçons du lycée où fusent certains commentaires désobligeants symptomatiques de la masculinité toxique. Tout sauf trouver un job d’été comme le suggère sa mère. Et les rapports sexuels qu’elle a ponctuellement avec un des jeunes garçons de sa bande qu’elle n’aime visiblement pas, Jared, plus occupé à se satisfaire lui-même qu’à s’assurer que sa partenaire passe un moment agréable.

Entraînée par son groupe d’amis dans une tentative très adolescente de partir d’un restaurant sans payer, Lea est interceptée par l’un des gérants qui la retient avec une certaine véhémence. Mais un trentenaire s’interpose et lui offre la possibilité de s’enfuir. Lea se retrouve isolée sur le chemin du retour, c’est alors que l’homme qui lui est venu en aide l’interpelle depuis son véhicule. Blâmant ses amis ayant manqué de loyauté envers elle, Tom lui propose de la raccompagner au prétexte d’assurer sa sécurité. Ce qu’il fait, en lui glissant son numéro de portable au cas où elle aurait à nouveau besoin d’être raccompagnée.

Palm trees and power lines

Pour tromper l’ennui, ou peut-être intriguée par cet homme séduisant qui se montre bienveillant envers elle, Lea décide de le revoir et tous deux passent une fin d’après-midi ensemble, à bavarder. Tom, flatteur et forcément plus mûr que ses copains habituels, paraît à l’écoute. Entre deux compliments, il se montre curieux de connaître les aléas de sa vie familiale et amicale. Elle s’épanche ainsi librement, lui confiant qu’elle ne se sent pas toujours à sa place avec les amis de son âge, regrette que sa mère ne lui accorde que peu d’attention dès lors qu’elle a un petit ami. Inévitablement, cet homme indépendant qui prône la liberté et survit grâce à son business de rénovation dans le bâtiment, exerce sur elle une force d’attraction, l’encourageant à poursuivre ses rêves. Pour une fois, Lea a le sentiment d’exister, entre un père qui a refait sa vie et une mère qui papillonne tellement qu’elle n’arrive plus à suivre.

Tom est-il véritablement intentionné ? Quel peut bien être l’intérêt pour un homme de 34 ans de traîner avec une « gamine » de 17 ans ? Lors des premiers rendez-vous, Tom donne l’image d’un homme patient et respectueux. Flatteur, encourageant, attentionné et respectant le consentement de la jeune fille, il lui fait tout de même part de son attirance. Lea finit par céder à ses avances, trop curieuse de répondre elle aussi à son désir. Une idylle débute entre eux et Lea s’attache rapidement, se sentant importante et différente de ses copines.

Palm trees and power lines

Au-delà de la différence d’âge problématique, un malaise demeure. Tom se montre sous un visage trop idéal pour être sincère, trouvant toujours les bons mots et l’excuse parfaite pour justifier un coup de fil ou un imprévu. Ne profiterait-il pas de sa naïveté pour caresser d’autres desseins qu’une simple aventure amoureuse ? Le piège que l’on devine ne tardera pas à se refermer sur elle, l’attention qu’il lui portait lui permettant justement de mieux mettre en place son stratagème grâce aux renseignements recueillis pour s’assurer que sa nouvelle proie correspondait aux critères.

Si les jurés du 48e Festival de Deauville ont récompensé Palm trees and power lines d’un Prix du Jury, ce n’est certainement pas un hasard. Alors que de trop nombreux films tombent aisément dans la glamourisation des prédateurs sexuels ou la sexualisation de leurs victimes, le long-métrage de Jamie Dack conserve la juste distance et son réalisme en accordant (notamment) une place notable à la puérilité des échanges adolescents. Judicieusement castés. la jeune comédienne Lily McInerny fait bel et bien son âge, avec sa silhouette maigrelette et son expressivité juvénile, et son partenaire à l’écran (Jonathan Tucker) possède bien l’allure d’un trentenaire viril et expérimenté, renforçant l’inconfort du spectateur avec ce contraste – alors que Tom se rapproche progressivement d’elle sur le plan physique, s’affichant de plus en plus lascif devant cette enfant pas encore à l’aise dans son corps et dans sa sexualité.

Alors que le dernier segment du film nous immerge dans une zone plus sombre, Palm trees and power lines parvient à éviter les pièges du mélodrame comme du voyeurisme, grâce au regard de sa réalisatrice et de sa scénariste Audrey Findlay qui orchestrent la mise en scène et le récit autour du point de vue et des émotions de Lea, de la sidération au désarroi le plus total. L’horreur se fait silencieuse mais bien présente pour le spectateur à qui l’on épargne l’exploitation du corps de la jeune actrice.

L’angoisse est palpable et l’orchestration narrative est suffisamment efficiente pour dérouler une intrigue crédible et instaurer un climat anxiogène, même si l’on se prend à regretter a posteriori que Jamie Dack ne se soit pas permise de faire durer sa fiction un quart d’heure supplémentaire pour développer davantage le parcours psychologique de sa protagoniste et, ainsi, renforcer l’impact émotionnel et la plausibilité d’une histoire au dénouement judicieusement dérangeant.

Bande-annonce

27 avril 2023De Jamie Dack, avec Lily McInerny, Jonathan Tucker


Deauville 2022 – Prix du Jury


Sortie exclusive sur UniversCiné




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