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ONE FOR THE ROAD

Deux vieux amis qui se sont perdus de vue décident d’entreprendre un ultime voyage après que l’un des deux ait appris qu’il était condamné par la maladie.

Critique du film

Baz Poonpiriya s’est fait un nom dans la paysage cinématographique d’Extrême-Orient avec son premier film, Bad Genius (2018) aux allures déjà romanesques où une jeune étudiante thaïlandaise élaborait une entreprise de tricherie scolaire pour son profit personnel. Ce premier projet avait déjà la particularité de mettre un pied à l’étranger, l’Australie, tout en gardant fermement le second sur le territoire national de l’auteur. Cette harmonie est conservée pour son second long-métrage au titre très international, One for the road. Cette empreinte très mondialisée se ressent jusqu’à la structure narrative et la mise en scène, qui, à bien des aspects, ressemblent plus à du cinéma de la côte Ouest des États-Unis qu’à celui de la péninsule de l’Asie du Sud-Est.

Les deux personnages principaux, Boss et Aood, ne se rencontrent pas dans leur pays d’origine, mais à New-York. Cette mégalopole américaine est représentée dès les premières images, tant dans son cosmopolitisme que dans ses vertus de réussite sociale, Boss était montré comme un patron de bar à la mode au succès commercial et personnel florissants. L’expatriation est le point commun entre les deux héros, c’est cet exil qui les réunit plus que leurs origines. Socialement, tout les sépare : l’un est rentier richissime, l’autre a tout juste de quoi subvenir à ses besoins. C’est aussi un des premiers regrets à formuler à charge contre le film : cet aspect politique hautement intéressant est traité avec peu d’importance, tout juste est-il souligné pour marquer les failles entre Boss et sa fiancée Prim. Aood admire Boss pour son mode de vie sans qu’une critique de ce fossé social n’intéresse véritablement le cinéaste.

One for the road
La seconde réserve concerne le découpage du film et sa structure : jeu de flash-backs qui épouse les révélations et desiderata d’Aood, l’histoire sombre à de nombreuses reprises dans l’anecdote digne d’une telenovela de bas niveau. L’objet de la quête d’Aood, s’il pouvait être émouvant au premier abord, souffre de répétitions et manque cruellement d’incarnation. Là encore, on en revient à cette mise en scène criarde qui semble pencher vers la comédie avec une surenchère d’incrustations assez vulgaires, pour faire demi-tour et se retrancher dans un drame auquel il est difficile d’adhérer étant donné les circonstances. Le réalisateur semble se rendre compte du manque de souffle de son film et décide alors de commencer un autre film, se détournant d’Aood pour se recentrer sur Boss.

Cette pirouette scénaristique fonctionne très mal à l’écran, cette tentative de rendre Boss plus sympathique tombe tellement subitement qu’elle en devient artificielle. Ce sentiment se retrouve également dans le regard porté sur les différentes villes rencontrées par le duo d’amis. Que ce soit Changmai, Bangkok ou Pattaya, tout ressemble à un dépliant touristique conçu pour vendre du rêve à des occidentaux moins intéressés par la richesse culturelle et géographique de la Thaïlande que par une vision en carton-pâte où les différences sociales ont tout à coup disparu. Dans ces conditions, il est même difficile de comprendre pourquoi ces deux hommes ont quitté leur pays, sauf pour des raisons scénaristiques bien pratiques, comme des coups de tête ou des choix amoureux soudains.

Long et parfois ennuyeux, One for the road ne parvient que rarement à s’extraire de l’anecdote, surfant sur des situations vite expédiées et assez pauvres dans le fond. La rédemption de Boss, circonscrite à son histoire avec Prim, est d’une morale suspecte, jugeant son mode de vie sur des bases pour le moins puritaines. Jamais vraiment drôle ni émouvant, le film rate le coche, ne sachant se situer ni dans un sentiment ou un territoire précis, préférant louvoyer ici et là sans grande conviction.


De Nattawut Poonpiriya, avec Tor Thanabob, Ice Natara et Violette Wautier.


Festival de La Roche-sur-Yon




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