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ONCE

Dans les rues de Dublin, deux âmes seules se rencontrent autour de leur passion, la musique… Il sort d’une rupture douloureuse. Elle est mariée à un homme qu’elle n’aime plus. Dans un monde idéal, ils seraient fait l’un pour l’autre. Ensemble, ils vont accomplir leur rêve de musique.

Boy Meets Girl.

Des accords de guitare. Une voix. Il n’en faut pas plus pour comprendre, dès ses crédits d’ouverture, que Once ne ressemble en rien à une quelconque romcom lénifiante dissimulée sous une vague comédie musicale faite de poudre et de paillettes. Sitôt les premières notes esquissées, c’est un Dublin morose et terne qui s’étend devant nos yeux tandis qu’un chanteur de rue tente de gagner sa vie face à une foule de badauds imperturbables. Dépouillé de sa maigre recette par un compagnon d’infortune, il laisse éclater une rage bouillonnante, à la nuit tombée, dans une « break-up song » révélant les failles béantes du personnage.

En deux scènes, John Carney – dont c’est le premier film – parvient à installer la complexité de la problématique sociale et existentielle d’un protagoniste laissé-pour-compte dans toutes les sphères de sa vie. D’abord isolé dans un plan fixe d’ensemble, il le rejoint avec un travelling avant à mesure que la chanson (Say It To Me Now) augmente en intensité. Lorsque la voix de Glen Hansard s’envole, la connexion avec le spectateur devient immédiate, surprenante, alors que naît une inévitable empathie pour ce héros ordinaire dont on sait, à la fois, tant et si peu. Dans le contrechamp, son alter ego féminin, Marketa Irglova, apparaît, seule admiratrice de ce récital d’écorché vif.

Avec une économie de moyens (un budget dérisoire de 180 000 euros), de dialogues et de lieux, le cinéaste imagine cette rencontre comme le tournant de deux destinées vouées à s’imbriquer. Les deux personnages – littéralement « the guy » and « the girl » – n’ont que la musique en commun, si bien que le film se transforme en une correspondance de textes et de mélodies disant tout de leur vie et de leurs errances personnelles. Les compositions de Glen Hansard et Marketa Irglova (déjà connus dans le groupe The Swell Season) représentent alors la colonne vertébrale du long-métrage, le support idéal d’une romance platonique plus poignante que doucereuse.

Tout pourrait évoquer les pires heures du cinéma-guimauve mais Once a le goût de ces petits films authentiques, ancrés dans une réalité suffisamment identifiable pour créer la connivence. Ici, les contes de fées n’existent pas, pourtant, l’entraide et l’alchimie viennent engendrer la sensibilité naturelle du récit. Comme un puzzle, le long-métrage se compose de moments volés entre une escapade chez un marchand de piano ou un détour à l’épicerie pour recharger un discman. L’anecdotique devient magique lorsqu’il se heurte à une spontanéité artistique susceptible de nous émouvoir. Derrière les interprétations admirables de Glen Hansard (qui remplace Cillian Murphy au pied levé) et Marketa Irglova, la puissance du folk n’a plus qu’à faire le reste.

Dans sa modestie de projet tourné en catimini par des acteurs bénévoles, Once allie les qualités d’un cinéma quasiment documentaire (rappelant parfois celui de Ken Loach) et le plus beau du film musical. Sur le fil de la poésie et de la mélancolie, il raconte tout autant l’effervescence du sentiment naissant que l’amertume des amours impossibles. Il sait aussi et surtout dire combien l’avancée de nos vies se corrèle avec les relations humaines que l’on tisse malgré nous. Comme il le fera dans ses films suivants (Begin Again et Sing Street), John Carney gardera à l’esprit que chaque personne croisée est une pièce du patchwork de nos existences, ce petit rien ou ce grand tout capable de changer le cours des choses.


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