Olga 1

OLGA

Olga est une adolescente en exil. Sportive de haut niveau, elle est troublée jusque dans sa pratique par la révolution qui éclate dans son pays natal. Comment pourra-t-elle résoudre la violence que provoque chez elle le fait d’être loin ?

Critique du film

Élie Grappe signe avec Olga un premier long-métrage tonique et brillant. Des thèmes aussi forts que l’adolescence et l’exil traversent avec justesse et sensibilité le film, contribuant à dresser un beau portrait de jeune fille en fuite. En faisant s’entrechoquer la trajectoire individuelle d’une adolescente et le destin collectif d’un pays, le réalisateur élève le récit d’apprentissage au carré. Déracinement et conscience politique viennent dévier une ligne de vie gouvernée par l’exigence du sport de haut niveau.

REVOLUTION

Décrit comme le « mouvement en courbe fermée autour d’un axe ou d’un point, réel ou fictif, dont le point de retour coïncide avec le point de départ », le mot révolution trouve dans sa définition physique un mouvement doublement observé, celui du corps des gymnastes et du peuple ukrainien– et plus précisément encore, le corps d’Olga et l’engagement de sa mère. Journaliste dénonçant le régime du Président Ianoukovytch, Ilona subit de multiples intimidations, dont un spectaculaire accident/harcèlement de voiture, à la suite duquel elle prend la décision de protéger sa fille en l’envoyant en Suisse, patrie du père inconnu. Olga se retrouve alors hébergée par une famille d’accueil à proximité du centre d’entraînement de l’équipe nationale suisse de gymnastique, localisé dans les placides montagnes helvètes. Là, elle n’a d’autre repère que les agrès. Il lui faut intégrer un groupe déjà constitué, appréhender une langue nouvelle et s’apprêter à porter les couleurs d’une autre nation.

Le récit joue sur un déséquilibre permanent entre les rituels de la pratique sportive et la solitude provoquée par l’éloignement. Les rares appels téléphoniques ou conversations vidéo avec sa mère et sa copine Sasha comblent difficilement le manque affectif. Habituée aux sacrifices que requiert le sport de haut niveau, Olga serre les dents et concentre son attention sur les figures imposées, notamment le mouvement du Jaeger qui l’obsède. Elie Grappe serait plutôt adepte de la figure libre, tendance doué. Sa mise en scène frappe par sa capacité à coller à l’atmosphère d’une scène, alternant classicisme pour les évocations de la vie quotidienne et inventivité pour les scènes d’action, notamment sportives. Le travail sur les sons du gymnase met en évidence les chocs, les multiples frottements des corps avec les agrès, mains glissant sur les barres, pieds caressant la poutre, élans, réceptions, chutes…

Un réalisme renforcé par le choix d’interprètes non professionnels mais gymnastes d’élite et entraîneurs expérimentés. Elie Grappe a obtenu d’eux, la très convaincante Anastasia Budiashkina en tête, un jeu sobre et homogène en plus d’une éclatante vérité des corps. Seul bémol dans une direction artistique très solide, la composition musicale qui accompagne les scènes de tempête intérieure de l’adolescente. Cette partition sacrifie à l’insupportable mode des larsen et autres sons industriels. Ambiance rebattue de chaos mental qui confine à la paresse.

Olga

À mesure que la compétition approche, la préparation d’Olga se voit perturbée par les échos de la révolution ukrainienne. Aux images terrifiantes de répression, s’ajoute l’inquiétude légitime d’une fille pour sa mère. Cette progression dramatique atteindra son climax lors de la tant attendue compétition où Olga retrouvera sa copine Sasha mais également son ancien entraîneur passé dans le camp de la fédération de Russie. Elie Grappe a collecté, pour représenter les émeutes de l’Euromaïdan, un corpus d’images amateures prises par les manifestants. Mais c’est encore avec un enregistrement sonore qu’il réussit à exprimer le gigantesque trouble qui frappent les deux copines. Olga et Sasha, la néo suissesse et la fidèle ukrainienne, l’oreille collée au même téléphone, écoutent la clameur de la Place Maïdan. Cette scène exprime parfaitement la confusion qui saisit les jeunes femmes en même temps qu’elle annonce les premiers signes d’une conscience politique. Encore une fois la mise en scène, ici par l’utilisation magistrale du hors-champ, donne sens au récit tout en faisant résonner la complexité des émotions.

Le jeune cinéma français aura, cette année, remarquablement évoqué les troubles de l’adolescence. Après Slalom de Charlène Favier et De l’or pour les chiens de Anna Cazenave Cambet, Olga affirme l’émergence d’un cinéaste très prometteur. Ses vies asymétriques méritent la meilleure réception possible.

Bande-annonce

17 novembre 2021De Élie Grappe
avec Nastya Budiashkina, Sabrina Rubtsova et Caterina Barloggio




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