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OGRE

Fuyant un passé douloureux, Chloé démarre une nouvelle vie d’institutrice dans le Morvan avec son fils Jules, 8 ans. Accueillie chaleureusement par les habitants du village, elle tombe sous le charme de Mathieu, un médecin charismatique et mystérieux. Mais de terribles événements perturbent la tranquillité des villageois : un enfant a disparu et une bête sauvage s’attaque au bétail. Jules est en alerte, il le sent, quelque chose rôde la nuit autour de la maison…

Critique du film

Présenté au festival du film fantastique de Gerardmer, Ogre d’Arnaud Malherbe est la nouvelle production française estampillée The Jokers qui chatouille – sur le papier – la curiosité des cinéphiles dévoreurs de films de genre. Après les insectes carnivores (La nuée) et le loup garou (Teddy), c’est une autre figure de l’épouvante qui se retrouve au centre de l’intrigue du long métrage du réalisateur normand. Comme le célèbre fromage dont le nom est écrit dessus, Ogre ne ment pas sur la marchandise : il sera bel et bien question d’une vilaine créature qui se cache dans la forêt et sort la nuit pour se faire les dents sur d’innocents petits chérubins.

Dans une exposition classique mais efficace, Ogre plante promptement le décor : un cadre rural (c’est la mode !) et une grande bâtisse vieillissante, une mère qui a fui un passé troublé avec son fils Jules (souffrant de troubles auditifs… entre autres) vient s’installer dans un village reclus pour leur offrir une seconde chance, loin d’un mari et père violent. Si le maire du village, qui tient aussi le seul commerce du patelin, se réjouit de l’arrivée de la nouvelle professeure des écoles (Ana Girardot), tout le monde ne semble pas voir le débarquement de ces citadins d’un bon oeil. Un trio de chasseurs lui offre un accueil guère courtois tandis que la petite voisine de huit ans distribue des doigts d’honneur comme des flyers de bienvenue. Le médecin du secteur, enfin, semble porter intérêt à ce garçon chétif et à sa jeune et jolie mère célibataire, sans arrière pensée de séduction, bien sûr.

Le caractère introverti de Jules ne l’aide pas non vraiment à se fondre dans le paysage, puisqu’il se retrouve (trop ?) rapidement ostracisé et pris à parti par ses nouveaux camarades, trop heureux de l’insulter (gratuitement) et de railler son handicap. Pour ne rien arranger enfin, le garçon, qui ne semble pas goûter son nouvel environnement, commence à être victime d’apparitions nocturnes inquiétantes. Malgré les efforts de sa mère pour le rassurer, il en est persuadé : quelqu’un, ou quelque chose, rôde près de la maison. Est-ce le fruit de son imagination (il est fasciné par un manga assez sombre), comme le pense sa mère, ou il y a-t-il réellement une créature monstrueuse menaçante ? Serait-ce sinon une manifestation hallucinatoire liée aux traumatismes des sévices subies jusqu’alors par ce père maltraitant ?

Si le film tente de laisser la liberté au spectateur d’en tirer sa propre interprétation, force est de constater que la troisième hypothèse demeure la plus crédible. Car la plus alimentée. L’attitude du garçon, réticente puis hostile, envers le nouveau prétendant amoureux de sa mère vient accréditer cette thèse tant celui-ci craint que cette nouvelle figure masculine ne soit une nouvelle menace pour lui et sa mère. L’ogre ne serait donc qu’une représentation des craintes de l’enfant, exacerbées par ce nouvel univers, aussi peu familier qu’inquiétant, qui aurait de quoi nourrir quelques angoisses chez n’importe quel enfant de huit ans.

Si l’on sent les efforts manifestes du cinéaste pour façonner son ambiance sonore et visuelle, il le fait aux dépens de son scénario,  s’auto-satisfaisant visiblement bien plus de sa forme que de la solidité de son propos. Au-delà des grosses ficelles et du pseudo-mystère entourant les apparitions fantastiques, on retrouve tous les motifs d’un premier film qui chérit ses fétiches sans bénéficier du panache indispensable pour sublimer cette production aux moyens modestes. Pire, l’écriture des personnages laisse franchement à désirer, dépeignant le nouveau compagnon de façon que l’on qualifiera gentiment de « rustique ». Que dire enfin des villageois, enfants comme adultes, que Malherbe montre majoritairement comme désagréables, inhospitaliers et violents… Les Français de la campagne seraient-ils tous des bêtes primitives qui ont peur de l’étranger et forcent sur la boisson ? Pour ne rien arranger, enfin, il distille bien paresseusement quelques éléments sur les questions de harcèlement scolaire et de désertification rurale. De quoi tenter de le faire passer pour un sous-texte politique afin d’ancrer Ogre dans notre société actuelle ?

Si l’adage dit que l’appétit vient en mangeant, celui-ci ne se vérifie certainement pas au visionnage d’Ogre dont on est trop vite rassasié. Après quelques promesses dans son premier tiers, le bestiau s’étire inutilement jusqu’à un risible épilogue qui tente de recoller les morceaux mais finit par doucher définitivement les espoirs.

Bande-annonce

20 avril 2022 – D’Arnaud Malherbe, avec Ana GirardotGiovanni Pucci


Du 2 au 7 février, la Cinémathèque Française propose une reprise des films de la Compétition du festival de Gerardmer



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