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NUESTRO TIEMPO

La fiche

Réalisé par Carlos Reygadas
Mexique – Drame – Sortie : 6 février 2019 – Durée : 173 min

Synopsis : La campagne mexicaine. Une famille élève des taureaux de combat. Esther est en charge de la gestion du ranch, tandis que son mari Juan, poète de renommée mondiale, s’occupe des bêtes. Lorsque Esther s’éprend du dresseur de chevaux, Juan se révèle alors incapable de rester fidèle à ses convictions.

La critique du film

Sous un soleil de plomb, des enfants s’éclaboussent dans un étang de boue. D’un côté, les garçons, agités et sauvages, de l’autre des filles, plus sages et tranquilles, qui se retrouvent ensemble à se battre et à rire. Non loin, des adolescents batifolent sur les rives. La famille et les amis se retrouvent le temps d’un week-end chez Juan et Esther, dans un désert immense. Ainsi débute Nuestro Tiempo, nouveau film de et avec Carlos Reygadas, six ans après l’étrange Post Tenebras Lux. Toujours accompagné à l’écran par la moitié de sa famille, Esther est jouée par sa femme Natalia Lopez, le cinéaste mexicain continue d’explorer l’implosion du cercle familial à travers la toxicité masculine.

L’enjeu de Nuestro Tiempo se joue dès ses premières minutes. Une longue introduction raconte ses personnages par les sens plutôt que par les mots. Tout commence au beau milieu d’un havre de paix, où hommes et femmes cohabitent ensemble. La caméra intimiste et sensorielle effleure les peaux chauffées par le soleil, capte les éclats de rire et les premiers émois amoureux. La douce lumière naturelle renforce un sentiment de sérénité totale, qui emporte son ou sa spectateur.ice avec elle.

Guerre des sexes

Pourtant, une phrase toute simple, anodine, résonne comme un funeste prologue. « Allons tuer les filles » s’exclament les petits garçons pour embêter les filles. Au-delà de la simple métaphore du taureau, symbole de force et de virilité, le film dépeint au travers du personnage de Juan la fragilité masculine. On apprend bien vite que Juan et Esther sont dans une relation libre, leur permettant de coucher avec qui il ou elle le souhaite. Les convictions de Juan sont mises à mal lorsque sa femme s’éprend d’un éleveur de chevaux.

Le film bascule alors dans une seconde partie plus intellectuelle, délaissant une caméra intime au profit d’une plus voyeur, épiant ainsi au travers d’un rideau ou d’une porte, les ébats d’Esther, à travers le regard de Juan. L’amour « parfait » envié par tous se fragilise jusqu’à voler en éclats. Juan, personnage agaçant car manipulateur, se noie dans ses propres convictions. La jalousie prend le dessus sur l’amour, et le bien-être de l’être-aimé. Le film traduit alors l’incapacité à communiquer, à s’écouter et à comprendre,  qui voue l’amour à l’échec inarrêtable. Juan devient détestable, grotesque, obnubilé par un désir de domination, alors même qu’Esther cherche à s’émanciper. Le film pose alors une question plus universelle, et cherche à définir le concept même d’amour, sans pouvoir y apporter de réponse.

La nature de Nuestro Tiempo contraste avec la trivialité de l’infidélité. Elle est sacrée, imprévisible et aussi dangereuse. Le film joue d’une dualité constante, entre animalité, incarnée par la présence physique du taureau et par les pulsions sexuelles, et intellect, qui se déploie dans la poésie et la rationalité. L’être humain semble en être l’équilibre, imparfait certes, mais qui lie le cosmique au trivial : un animal rationnel selon Aristote.

Nuestro Tiempo, comme chaque film de Carlos Reygadas, saura trouver ses plus fermes détracteurs comme ses plus fervents admirateurs. Visuellement renversant, le film n’en est pas moins dense, et éprouvant dans sa durée. On en ressort pourtant avec l’impression d’avoir vu un grand film.



La bande-annonce




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