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NOTRE DAME DU NIL

Rwanda, 1973. Dans le prestigieux institut catholique « Notre-Dame du Nil », perché sur une colline, des jeunes filles rwandaises étudient pour devenir l’élite du pays. En passe d’obtenir leur diplôme, elles partagent le même dortoir, les mêmes rêves, les mêmes problématiques d’adolescentes. Mais aux quatre coins du pays comme au sein de l’école grondent des antagonismes profonds, qui changeront à jamais le destin de ces jeunes filles et de tout le pays.

Critique du film

Après le remarquable doublé Syngué Sabour (livre lauréat du Goncourt puis adaptation co-écrite avec Jean-Claude Carrière et un très beau rôle pour Golshifteh Farahani), le franco-afghan Atiq Rahimi revient sur les écrans avec Notre Dame du Nil en adaptant le prix Renaudot de la franco-rwandaise Scholastique Mukasonga. De l’Afghanistan au Rwanda, plus de 5000 km de distance qui, dans l’imaginaire collectif, se franchissent en un pas tant ces deux pays renvoient à des conflits modernes emblématiques. Dans l’oeuvre de l’auteur, c’est un retour à la thématique d’une violence héritée qui a besoin d’être exorcisée.

C’est une histoire du Rwanda qui ne se déroule pas pendant le génocide, mais vingt ans auparavant. Ce regard en biais a l’avantage d’offrir deux pistes à explorer : celle du fataliste qui anticipe le cours de l’Histoire et cherche dans ce passé antérieur des indices sur la source du conflit à venir; et celle de l’irréductible optimiste qui se bat pour prouver qu’un autre futur était possible. Les deux voies ne sont pas strictement incompatibles, réussir à les cumuler nécessite un bon sens de l’équilibre. Dans notre cas, la tentative échoue en partie et rend bancal l’ensemble.

Perte de matière

Dans la première partie se manifeste une volonté de marquer un temps de l’innocence commun et positif, faisant plus ou moins fi des divisions ethniques. Il s’agit très clairement de la voie de l’optimiste. Entre les discussions de dortoir et les bouleversements du corps féminin, se construit une vie de groupe où il n’est pas évident de faire des distinctions entre les filles. Malheureusement, la mise en scène pèche par artificialité et obsession de convaincre. Les scénettes se chassent les unes après les autres, sans que l’une d’elles ne creuse assez profondément pour toucher durablement.

Il y a une grande perte de matière provenant du roman, qui touche en particulier l’expérience de la vie au Rwanda. Un exemple parmi tant d’autres de cette mise au régime sec entre l’écrit et l’écran : la pluie, si présente que les filles du livre en discutaient pendant un chapitre entier, devient un simple prétexte à une courte danse des filles du film, sans rapport avec les séquences précédentes ni avec les suivantes. Autre regret, le recours aux ralentis pour appuyer les mouvements enjoués d’ensemble n’est pas un effet subtil et prive ainsi d’un rapport direct avec les rares moments de vie commune.

Dernier handicap majeur, les actrices adolescentes parlent un français scolaire, ce qui appesantit des dialogues déjà trop explicatifs. Si la langue des anciens colons belges est encore en 2019 une langue officielle du pays, elle est actuellement en voie de marginalisation avancée face à l’anglais, en particulier au sein de la jeune population.

Heureusement, Notre Dame du Nil trouve véritablement sa voie du côté fataliste. Dans l’héritage colonial va se creuser l’idée la plus intéressante : une thèse mystico-géographique, défendue par un anthropologue amateur doux et inquiétant (Pascal Gréggory), fait coïncider la source du Nil avec le retour des divinités égyptiennes sous la forme des Tustis. Cette source est aussi un lieu de pèlerinage catholique, honorant une Vierge Marie peinte en noire pour favoriser la piété des locaux. En l’absence d’une Histoire africaine rigoureuse, la construction identitaire est remplacée par une fiction occidentale organisant et discriminant arbitrairement les ethnies. Le développement d’un ressentiment irrationnel en est la suite logique.

Bande-annonce

5 février 2020 – De Atiq Rahimi, avec Pascal GreggoryBelinda RubangoMalaika Uwamahoro




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