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NETWORK

Les années 70. Le journalisme ne peut faire face au divertissement. Une rédaction se bat alors pour maintenir son audience sans se compromettre.

Touche pas à mon poste.

La carrière de Sidney Lumet est de celles qui font l’histoire du cinéma. À la fois riche, variée et visionnaire, elle n’a de cesse de nous surprendre au cours de sa découverte. À cela se rajoute l’excellent livre Faire un film, écrit par Lumet, et qui nous fait redécouvrir ses films (et le cinéma) sous un jour nouveau. Avec Network, il s’attaque aux médias au travers d’un propos qui semble écrit pour caractériser les médias actuels comme l’évoquait Robin Souriau dans sa critique de l’excellent Un Après-Midi de Chien par le biais de cette conclusion au combien pertinente :

« Entre le jugé et le jury, il ne manque que le juge : les médias. Un an plus tard, Lumet sortira Network. »

Howard Beale est un animateur comme il y en a des milliers et, en se faisant licencier, il déclenche à l’antenne une tornade en annonçant son suicide en direct. Ce qui devait être un événement sinistre se transforme en une attraction puis, peu à peu, en une machine à audimat.

Comme à son habitude, Lumet délaisse les effets pour offrir un film à l’aspect documentaire. L’austérité visuelle du film est cependant à pondérer car, comme il le disait lui-même, Lumet préfère fondre ses trouvailles visuelles au cœur de son œuvre sans qu’elle donne l’aspect d’un artifice dispensable. Le film se découpe ainsi entre la folle destinée de Beale, les tractations des dirigeants (notamment l’excellent Robert Duvall à la rage saisissante) et la destruction de couples aux relations vouées à la rupture. Cette richesse dans les personnages et la trame apportent au film un levier dramatique pertinent car au milieu de ce déchaînement médiatique c’est bien l’homme qui reste au cœur du propos.

Network de Sydney Lumet
En effet, Lumet compose avec ses personnages une trame qui les embarque dans un voyage face à leurs doutes et leurs craintes (la solitude de Faye Dunaway, le désespoir de Beale..). À cela s’ajoute cette frénésie médiatique qui s’empare des habitants par le biais de Beale devenu prédicateur et gourou télévisuel. Cette toute puissance qui lui revient reflète notre société où les médias dictent leur comportement aux gens et hissent les gens aux rangs de célébrités sans raison valable. Cette invitation d’Howard à hurler :

« I am mad as hell, and I’m not gonna take it anymore ».

Suivi par des millions de personnes, il parvient à imposer ses propos comme des mantras qu’une foule avide boit comme si ces paroles étaient la solution à tous leurs problèmes. On notera d’ailleurs la proximité dans le traitement avec Un Après-Midi de Chien, où la population se masse pour écouter les propos du présentateur comme la foule attendait Sonny devant la banque et l’acclamait quand il proclamait « Attica ». L’autre aspect développé est la corruption médiatique des luttes au travers de ce groupe de libération qui se transforme, au cours d’une scène surréaliste et tendue, en une société de production guidée, non plus par la lutte mais par l’argent. Comment alors ne pas être convaincu par les sombres propos lors de la rencontre entre Ned Beatty et Howard Beale :

« the world is a business »

Cette scène concentre toute la technique nécessaire à la rendre mythique. Il y a pour commencer cette éclairage naturel dont les lumières vertes apportent un aspect mystique que l’énorme voix de Beatty habille à la perfection. Il y a enfin le propos qui réduit le monde au commerce faisant fi de toutes considérations humanistes. Si on pourrait critiquer ce propos dans sa globalité, sa pertinence est indéniable et sonne comme une synthèse du film.

Network est un film majeur dans la filmographie de son réalisateur mais aussi pour le cinéma. Trop souvent oublié comme peut l’être Le Prêteur sur Gage ou Point Limite, il n’en demeure pas moins un grand film prémonitoire qui sonne aujourd’hui comme un miroir de notre société.




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