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MUNICIPALE

La petite ville de Revin, dans les Ardennes, se prépare à élire son maire quand un individu inconnu de tous se porte candidat. Cet intrus n’est autre qu’un comédien, qui va entraîner toute la ville dans une fiction politique.

Critique du film

A l’heure où les derniers rendez-vous électoraux ont connu un record d’abstention historique, et alors qu’est sorti en salle Président(s), qui choisit l’angle de la comédie molle pour survoler les tristements égocentriques incapacités au renouvellement politique, questionner notre système de représentativité n’aura jamais été autant d’actualité. Hasard du calendrier – encore qu’en matière cinématographique, les coïncidences soient rares – Municipale de Thomas Paulot aura été sélectionné par l’ACID de Cannes 2021 à point nommé.

Plus encore, ce premier long-métrage part d’une idée plutôt originale, quoique non dénuée de risques : engager un acteur pour élaborer une liste composée de citoyens ordinaires, et à la tête de laquelle il se présente pour prendre d’assaut la mairie d’une petite commune aux dehors paisibles. Bénéficiant d’un statut d’outsider, ni encarté auprès des grands partis politiques, ni membre des mouvements populaires tel que celui des Gilets Jaunes, le personnage va emporter la ville et ses participants dans un tourbillon d’interrogations, d’espoirs et de réserves – brouillant les lignes entre les différents rôles incarnés, quitte à se perdre lui-même. en chemin.

JEU DE (D)RÔLES

Filmé comme aurait pu l’être le quotidien, entre réunions d’équipe et séances de tractage, de n’importe quel candidat – à l’image du documentaire Emmanuel Macron, les coulisses d’une victoire – Thomas Paulot recherche de son propre aveu à “amener la fiction dans le réel”, en racontant d’abord le parcours d’un nouveau venu au discours idéaliste au sein d’une communauté où le chômage et la pauvreté auront rongé les vocations les plus combatives. Dès lors, la nécessité de convaincre non seulement derrière mais surtout devant la caméra commandait de ne pas se tromper quant au protagoniste principal. La tâche aura échoué à Laurent Papot, habitué des planches parisiennes et brièvement aperçu dans Un Peuple et son Roi, qui campe une figure plutôt convaincante, suffisamment joviale pour s’intégrer facilement parmi les habitants de Revin afin de toucher au plus près de leurs aspirations à mesure qu’approche le scrutin.

Tout l’enjeu du film reposant sur sa capacité à les fédérer derrière sa candidature et à trouver les trente colistiers nécessaires à sa validation, il tiendra la même ligne tout au long du récit : s’il est élu, il laissera le siège de la mairie vide, et la possibilité pour les Revinois de gérer comme bon leur semble la ville, lui-même promettant de retourner à son métier premier de comédien. Une occasion unique pour les habitants de penser la responsabilité en dehors du cadre légal de la représentation publique classique et qui, si elle apporte son lot d’incertitudes et de craintes liées à l’inconnu, va très vite les passionner. Peu à peu, Thomas Paulot ne filme alors plus la simple curiosité un peu loufoque insufflée par un personnage que personne ne connaît vraiment, mais un profond regain d’intérêt pour l’engagement politique et l’auto-gestion d’une collectivité où toutes les générations vont interagir entre elles – la fougue des plus jeunes se mêlant naturellement à l’expérience des anciens.

L’ENVIE D’AVOIR ENVIE

Si la dynamique du renouveau est clairement présente à mesure qu’avance le film, elle trouve cependant très vite ses limites – tant à l’échelle de son instigateur premier que du genre hybride même de l’œuvre qui se propose de la mettre en lumière.

Du fait des lignes brouillées entre le vrai et le faux, le spectateur se retrouve, tout comme les habitants de Revin, inévitablement en proie au doute quant à la sincérité de ce candidat, dont le programme électoral n’est qu’une seule et unique idée, filée sur la volonté de donner les clefs de la ville à ceux qui en font la sève et le coeur battant. D’aucuns pourraient crier à la démagogie, et à supposer que sa venue ait été nécessaire pour réveiller les consciences politiques de chacun et être un catalyseur de débat, était-il nécessaire qu’il se porte candidat à l’élection ? Pour le meilleur comme pour le pire, incarnant une alternative personnifiée pour bon nombre d’électeurs, la fiction prend le pas sur le réel, et lorsqu’il devient clair que le candidat Laurent Papot n’est en fait qu’un comédien jouant le rôle d’un romantique de la vie publique, les déceptions sont inévitables – la promesse de jours meilleurs volant en éclats parfois particulièrement violents. Et si la fin du film se veut ouverte pour laisser à chacun le soin d’interpréter le parcours de la campagne comme bon lui semble, les questions soulevées en début de projection ne se retrouvent qu’à peine effleurées.

Voulu comme une plongée au cœur d’un moment de démocratie où surgissent des idées nouvelles, Municipale est un premier film déroutant. Entre l’hommage à la citoyenneté et la critique du carcan électoral, il en résulte une expérience plus ou moins saine dont le résultat interroge quant à la viabilité de notre actuelle vie démocratique.

Bande-annonce

26 janvier 2022 – De Thomas Paulot, avec Laurent PapotFerdinand Flame




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