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MIZRAHIM, LES OUBLIÉS DE LA TERRE PROMISE

Mizrahim, c’est le nom que donnent les Israéliens aux juifs venus d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, victimes, dès leur arrivée sur la Terre Promise, d’un système discriminatoire qui fait d’eux des citoyens de seconde zone. Dans les années 70, un mouvement de révolte s’inspirant des Black Panthers aux États-Unis, émerge pour défendre leurs droits. Confrontée au deuil de son père, ancien membre de ce mouvement, Michale Boganim part à la rencontre de plusieurs générations de Mizrahim. Sous la forme d’un road-movie, le film approche par l’intime les questions d’exil et de transmission.

Critique du film

Michale Boganim, réalisatrice israélienne d’origine marocaine et ukrainienne, est née à Haïfa et a grandi en Israël jusqu’à l’âge de sept ans. Elle a notamment étudié l’anthropologie, qui l’a amenée à côtoyer Jean Rouch. Avec ce documentaire, sorti en salle en juin 2022, elle a souhaité en quelque sorte partir sur les traces de son père. Et de ses racines. Les Mizrahim sont les Israéliens originaires d’Afrique du Nord ou du Moyen Orient, parfois aussi traités de racailles. 

Mêlant images en couleurs récentes et archives en noir et blanc des années, témoignages d’hommes et de femmes de tous âges et commentaires et souvenirs de la réalisatrice, Mizrahim, les oubliés de la terre promise constituera tout d’abord une découverte, pour beaucoup, d’aspects historiques méconnus de ce pays, considéré comme un eldorado qui devait apporter paix et prospérité à ses arrivants mais qui s’avérera plein de désillusions et riche en discriminations de toutes sortes pour les Mizrahim. Mais ce film tire aussi toute son émotion de ces souvenirs intimes que la réalisatrice partage avec nous de sa famille, et de son père si attaché à combattre les injustices, lui qui notamment s’occupa de soutien scolaire pour aider des enfants qui malgré leurs brillants résultats ne purent accéder à certains établissements, car confrontés au fameux plafond de verre. Le père de la réalisatrice a appartenu également aux Panthères Noires, mouvement de protestation né en 1971 et luttant contre ces injustices et ce rejet.  

Cette incroyable discrimination qui prend des formes diverses et plus choquantes les unes que les autres – comme cette anecdote de récréations décalées entre ashkénazes et mizrahim – semblerait avoir pour but de mettre en place un sous-prolétariat, offrant une main d’œuvre à bon marché. Ce rejet des Israéliens d’origine orientale ou moyen-orientale se retrouve partout : la publicité, l’école, l’enseignement supérieur. 

Avec sa très belle réalisation, comprenant de nombreux et majestueux plans séquences, sa narration parsemée de chants marocains et ses images d’hier et d’aujourd’hui, Mizrahim, les oubliés de la terre promise émeut beaucoup, car il se montre à la fois très factuel et très humain, ne sombrant jamais dans le ressentiment. Une vraie mélancolie sourd de ce document qui nous parle de désillusion, d’injustice pour ces personnes qui se retrouvent comme des étrangers sur leurs propres terres. Un très beau travail de mémoire. 


Mizrahim, les oubliés de la terre promise sera disponible en DVD le 21 février, édité par Blaq Out et comportant un entretien de la réalisatrice avec son père Charles Boganim.



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