MIDSOMMAR
La fiche
Réalisé par Ari Aster – Avec Jack Reynor, Florence Pugh, Will Poulter – Epouvante-horreur – Etats-Unis – 31 juillet 2019 – 2h27
Dani et Christian sont sur le point de se séparer quand la famille de Dani est touchée par une tragédie. Attristé par le deuil de la jeune femme, Christian ne peut se résoudre à la laisser seule et l’emmène avec lui et ses amis à un festival estival qui n’a lieu qu’une fois tous les 90 ans et se déroule dans un village suédois isolé. Mais ce qui commence comme des vacances insouciantes dans un pays où le soleil ne se couche pas va vite prendre une tournure beaucoup plus sinistre et inquiétante.
La critique du film
Deux étés, deux films, et aussi une des plus grandes attentes de la saison pour Midsommar, nouvelle fiction signée Ari Aster, produit par la désormais fameuse structure A24. Cette association est d’ores et déjà l’une des plus fameuses du « nouveau cinéma fantastique », se targuant d’explorer des territoires échappant aux codes stricts du genre, flirtant entre cinéma d’auteur, conte et horreur. La première originalité du film est de placer son curseur très haut dès son entame, qui sonne comme une plongée dans le drame sans aucune concession. Dès les dix premières minutes le climat est glaçant, sans concessions, et déjà extrêmement perturbant. C’est la colonne vertébrale de Midsommar, chaque nouveau chapitre est là pour déstabiliser le spectateur, comme un étau qui se referme sur lui pour l’étouffer toujours un peu plus.
Le projet est d’une grande ambition : recréer une communauté suédoise, en construisant de toute pièce le village des Harga, aussi étrange qu’envoutant. Si ce voyage est comme une catharsis pour Dani au tout début, pour fuir sa douleur et ses traumas récents, il mute rapidement pour devenir tout autre chose. Cette jeune femme est présentée comme quelqu’un de faible, en proie à ses démons, et quelque peu méprisé par son fiancé qui ne se cache pas des envies d’évasion pour profiter des autres femmes. Une des premières qualités du film est de montrer une sorte de prise de pouvoir pour Dani. De victime elle devient actrice de sa propre vie, et devenue pièce maitresse de cette histoire elle peut prendre des décisions qui vont avoir des accents vengeurs et libérateurs pour la féminité qu’elle représente, en opposition des ces mâles phallocrates qui ne voulaient pas de sa présence en premier lieu.
« Midsommar brille par sa direction artistique »
Mais Midsommar brille aussi par sa direction artistique : les détails sont ici fondamentaux. Aster et son équipe arrivent à créer un univers monde, avec ses propres codes et sa logique singulière. Celles-ci sont terrifiantes, car en effet il faut rappeler que le film, s’il est un conte, est avant tout une histoire terrifiante. A chaque minute qui passe l’angoisse et la terreur se diffuse un peu plus, jusqu’à prendre toute la place, ne laissant plus la place au doute quand à la nature de cette communauté. En cela le film est d’une rare manipulation, jusque dans le choix de chacun des protagonistes. Tout est précis, leur nombre, leur identité, leur fonction. La contamination qui s’opère à chaque seconde est virtuose, le malaise qui s’installe également. Il n’est donc pas question de nier les grandes qualités de mise en scène du film, occultant un instant, en dévoilant un autre, tout cela pour arriver à bon port dans un final étourdissant qui laisse sans voix.
Un film brutal
Il est difficile, dès lors, de savoir quoi penser d’un tel spectacle, car l’obsession du film à vouloir déployer sa perversité, aussi virtuose soit la manière, est problématique. Midsommar est de ces films qui vous brutalise, prend un malin plaisir à vous faire mal dans son processus de mise en scène, ce ad nauseam. Tous les moyens sont bons pour raconter cette histoire, qui commence par une volonté de rationalité, pour disparaître dans un vertige de paganisme destructeur qui n’épargne personne, et surtout pas le spectateur victime expiatoire lui aussi de ces rituels centenaires suédois. On sort éreinté de ce spectacle qui ne fait pas que frôler le sadisme, l’assumant complètement, et quelque part se complaisant dans une imagerie troublante.
Midsommar est un film qui ne va pas laisser indifférent, et tout comme Hérédité, premier long-métrage d’Ari Aster, va compter légion de supporters enflammés, tellement il s’applique à recréer l’horreur par l’immersion dans une ambiance sectaire à couper le souffle. Mais la malaise ressenti après ces 2h20 peut également rebuter, car il est légitime de questionner les motivations du film. Peut-on aimer sans réserves un spectacle dont le but est aussi doloriste et pervers ? S’il n’y a pas de réponse facile à cette question, celle-ci risque de hanter cet été 2019 qui ne va pas manquer de débats.
