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MEMORY OF WATER

Dans un monde futuriste où l’eau se fait rare, Noria est devenue la Maîtresse du thé de son village, suivant à la lettre les traditions héritées de son défunt père. Elle détient également un secret bien gardé depuis des générations. La jeune femme doit faire appel à sa force tranquille pour la guider à travers une dangereuse odyssée pour la survie de son peuple.

Critique du film

Impossible de ne pas penser au récent Vesper Chronicles lorsque l’on découvre Memory of Water. Produits à peu près à la même période, les deux films partagent la même note d’intention initiale : celle de porter à l’écran, avec un budget plus que serré, un récit de science-fiction aux accents post-apocalyptiques. On note également des motifs scénaristiques similaires dans les deux projets, à savoir le parcours d’émancipation d’une jeune femme évoluant au sein d’un système oppressif et dystopique. Enfin, le message écologique véhiculé par les deux longs-métrages parachève d’en faire des œuvres qui tentent de dialoguer avec leur époque. L’équation est donc plus qu’alléchante sur le papier, Vesper ayant prouvé qu’une coproduction européenne modeste, mais intelligemment pensée, n’avait clairement pas à rougir face au tout venant pachydermique hollywoodien.  

Adapté du roman Fille de l’eau d’Emmi Itaranta, Memory of Water prend place dans état nordique fictif – l’Union Scandinave – dans lequel l’eau est devenue une ressource quasi épuisée. Une guerre civile a conduit l’état à mettre en place un système de contrôle et de répression pour limiter la consommation de l’eau au strict nécessaire. La situation est d’autant plus désespérée que la seule eau à disposition des populations demeure polluée et nécessite un traitement de purification. Traitement que les plus pauvres effectuent avec l’aide d’outils archaïques qui ne permettent pas d’assainir complètement le liquide…

En une brève exposition, la réalisatrice Saara Saarela pose les bases d’un univers fort qui entre naturellement en résonance avec des enjeux ô combien actuels. Les dérives liées à l’épuisement d’une ressource aussi vitale que l’eau semblent constituer un matériau rêvé pour offrir au spectateur une réflexion aussi pertinente que nécessaire sur l’impact individuel et collectif des êtres humains sur l’environnement. Ce n’est pourtant pas le projet de la cinéaste qui se détourne très vite de toutes les questions sociétales et politiques que posait pourtant en filigrane le carton introductif de son long-métrage. Au lieu de cela, la réalisatrice préfère se concentrer sur le parcours de son héroïne et livrer in fine une classique histoire d’éveil à l’insurrection.

Memory of water

Saara Saarela a sans doute voulu jouer le jeu de l’adaptation la plus fidèle possible au matériau littéraire originel. Il n’en demeure pas moins que la progression narrative du récit semble plus ou moins calquée sur celle des adaptations de romans ‘’Young Adult’’, telles qu’en proposait à la chaîne Hollywood au début des années 2010 (Hunger Games et Divergente en tête). Difficile de ne pas avoir un sentiment de déjà-vu quand Noria se met en tête de révéler au grand jour les mensonges perpétrés par le pouvoir en place. À l’instar de ses prédécesseurs américains, le film ne lésine d’ailleurs pas sur des béquilles scénaristiques assez grossières (ici la découverte miraculeuse de CDs) pour faire évoluer la quête de son héroïne, ou bien sur une bande originale omniprésente dont les envolées lyriques surlignent l’action en permanence. 

Le film bénéficie pourtant d’une direction artistique soignée, privilégiant dès que possible l’emploi de décors naturels afin de capturer la folle cinégénie qui émane des paysages scandinaves et baltes (une partie du tournage a eu lieu en Estonie). Malheureusement, cette fantastique toile de fond ne peut suffire à crédibiliser à elle seule cet univers à priori aride, la faute à une photographie et des costumes et maquillages bien trop ‘’proprets’’ (il est quand même question d’un monde où se laver à l’eau est devenu interdit par la loi !) et une réalisation très impersonnelle.

Trop illustratif et daté dans ses choix artistiques, Memory of Water peine à convaincre. Comme s’il ne savait pas quoi faire des problématiques géopolitiques, pourtant au cœur même de son récit, le film préfère les reléguer au hors champ, quitte à passer complètement à côté de son sujet. Ne subsiste alors qu’une mise en image très scolaire d’un conte moral aux motifs éculés et bien trop anecdotique pour susciter un tant soit peu d’intérêt. Le gâchis est total.



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