featured_Memento Mori

MEMENTO MORI

Depuis sa sortie de prison où il a passé 21 ans, Philippe fait la manche à la gare de Wagesberg. Sous surveillance judiciaire, sa liberté ne tient qu’à la condition de son comportement irréprochable. Quand Anna, une jeune activiste en cavale, lui demande de l’héberger, son quotidien bien réglé va être bouleversé par les échos de son passé.

Critique du film

Pour ce premier long métrage de fiction, Jean Heches, un habitué des documentaires (Le temps de Marie en 1993, Ondes science & Manigances en 2014) et qui a fait ses armes en tant qu’assistant à la mise en scène, semble plus qu’à l’aise. Memento Mori arrive comme l’aboutissement d’un auteur certes peu connu mais qui demeure à suivre, de part de son attachement à rendre floue la frontière entre le réel et la fiction, donc. Son premier film est porté par un premier rôle atypique, que l’on est pas prêt d’oublier : Philippe Larcher, que le cinéaste a rencontré en 2019, faisant la manche.

Ici, Larcher joue en quelque sorte son propre rôle, un outsider, un délaissé de la société qui a passé plus de 20 ans en centrale pour avoir tué des camarades de beuverie, sous l’emprise de l’alcool. L’écriture du film a été, pour Heches, une évidence : il fallait raconter son histoire. Bien sûr, son désir de faire de la fiction l’a vite rattrapé, surtout lorsque Larcher a pendant un moment refusé de tourner, pour de multiples raisons évidentes liées à son parcours de vie (phobie sociale, difficulté à faire la part des choses).

Le réalisateur revient alors avec un nouveau récit, tourné avec un mode opératoire de documentaire : l’histoire de Philippe après son renvoi du centre d’hébergement et sa rencontre avec une jeune activiste, dont le combat militant éveille des échos de son passé. Le personnage d’Anna fait ainsi son apparition. De par ses valeurs, elle est tolérante vis-à-vis du passé de Philippe, elle l’aborde sans le juger. Partis sur la base de ce synopsis, le film a pu voir le jour.

De ce parti pris, Jean Heches déploie son film « au naturel », au plus proche du réel. Il réalise le film quasiment seul, caméra à l’épaule (muni d’optiques russes Lomo des 70’s), suivant ses protagonistes avec fougue. Les images sont belles, certaines scènes saisissantes de sobriété et de réalisme. Une esthétique brute au service d’un acteur à la carrure punk, au regard aussi fuyant que fascinant – Philippe Larcher est impressionnant et porte son rôle avec une grande sensibilité. Maintenant, il ne permet pas au film de rattraper ses quelques soucis d’écriture, notamment vis-à-vis des dialogues, qui semblent trop… écrits justement. Outre la relation entre Philippe et Ruby Minard (Anna), la jeune activiste, qui peut toucher, le reste du casting peine à convaincre – peut-être est-ce un manque de crédibilité des altercations et discussions, de toute cette histoire autour de l’activisme qui ne nous captive pas beaucoup, ou un souci de direction claire de la part de Heches, envers ces acteurs et actrices aux traits largement forcés.

En reste que Memento Mori est avant tout un étonnant portrait d’un homme marqué et poursuivi par son passé, par ses erreurs et son envie, malgré tout, d’aller de l’avant. Aussi un rappel à l’humain, sa mortalité, sa vulnérabilité profonde, sa capacité à se reconstruire. 

Bande-annonce

18 mai 2022De Jean Heches, avec Philippe LarcherRuby MinardSylvain Urban




%d blogueurs aiment cette page :