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LOS SONÁMBULOS

Luisa, traductrice talentueuse et écrivaine en suspens, part avec sa fille Ana, jeune adolescente en pleine métamorphose et son mari passer les fêtes de fin d’année dans la maison familiale de ce dernier. Les retrouvailles à la campagne avec la famille, où le somnambulisme se transmet de génération en génération, sont source de joies, de conflits et d’un terrible drame. Luisa, pourtant, a recommencé à écrire…

Critique du film

Depuis sa première mondiale à Toronto, et sa présentation à San Sebastián les jours suivants, il s’est passé trois années avant de voir arriver Los Sonámbulos sur les écrans français. C’est aussi le deuxième film de la réalisatrice argentine Paula Hernández à être distribué sur notre territoire après Lluvia (La pluie) en 2010. La place du cinéma sud-américain est pour le moins congrue sur nos grands écrans, pourtant l’Argentine est certainement le pays qui s’en sort le mieux au sein de ce contingent. Paula Hernández est une artiste pionnière dans son pays, peu de femmes réalisatrices de sa génération ont eu l’opportunité de percer et de se faire une place dans une industrie encore beaucoup trop masculine.

Le titre de cette nouvelle fiction est à la fois une porte d’entrée et un trompe l’œil. En effet il permet d’introduire la singularité d’une famille, possédant cette particularité intrigante transmise de génération en génération, et de les réunir dans un espace-temps précis pour mieux les distinguer par la suite et souligner des failles béantes. Là où cet aspect s’avère être trompeur, malgré une place dans l’introduction qui laisse présager une certaine importance, c’est qu’il disparaît presque complètement par la suite. Si le somnambulisme refait son apparition en fin de film, il n’a qu’une place anecdotique dans un récit qui fait la place belle au drame et à une gravité dans le propos que le laissait pas augurer cette belle et grande maison on l’on vient passer des vacances de fin d’année.

Los Sonámbulos dans ses prémisses a tout du film de vacances ; on se réunit en famille, on déploie de grandes tables dans des paysages bucoliques, on y boit et mange beaucoup dans des cadres luxuriants. Luisa, épouse du fils aîné, est la première à introduire une tension dans ce tableau idyllique, lestant ce bonheur de nombreux détails qui sont autant d’indices sur le craquellement à venir de cette image trop lisse. Les deux tiers du film se déroulent dans les non-dits, on se cache beaucoup de choses, les personnages parlent beaucoup mais se confient peu, les secrets pèsent lourd sur l’atmosphère du lieu sans jamais être révélés. Qui est vraiment cet Alejo dont on célèbre le retour ? Qu’a-t-il bien pu faire pour être persona non grata pendant plusieurs années ?

Los Sonámbulos
Un nuage opaque surplombe le personnage de Luisa, perdue dans ses pensées, repoussant un mari qu’elle ne supporte plus. Tous et toutes travaillent dans la même maison d’édition, ce double emploi renforçant les problèmes entre chacun. Luisa est en quête d’émancipation mais ne formule pas ses désirs. Tout fonctionne dès lors comme si la mère contaminait la fille malgré la distance qui se creuse entre elles. Si l’histoire s’embourbe quelque peu à mi-chemin à cause de l’absence de clefs pour le spectateur, le dernier tiers ravive avec flamboyance toutes les problématiques créées lors de l’arrivée dans la maison de famille. Le drame surgit, immonde, point de bascule qui connaît son apogée après une scène de repas où la nausée monte jusqu’à déborder.

Paula Hernández réussit à bâtir une atmosphère familiale particulièrement toxique qui, si elle ne dévoile pas totalement, est terrifiante de sous-entendus, écornant la belle image que chacun et chacune voulait laisser paraître dans les premiers instants. La jeune Ana, tout juste entrée dans l’adolescence, devient une sorte de victime expiatoire sacrifiée aux dysfonctionnements de sa famille incarnée par le personnage d’Alejo, le monstre caché de ce groupe aux apparences festives. Si tout n’est pas réussi dans Los Sonámbulos, notamment en terme de rythme dans la mise en scène, on peut saluer la qualité de l’interprétation d’Érica Rivas (Les nouveaux sauvages de Damián Szifron) dans le rôle de Luisa, qui aimante la caméra durant tout le film.

Bande-annonce

14 septembre 2022 – De Paula Hernández, avec Érica Rivas, Luis Ziembrowski et Marilu Marini.




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