l’odeur du vent

L’ODEUR DU VENT

Dans une maison isolée au milieu d’une plaine d’Iran, un homme vit seul avec son fils alité. Un jour, le transformateur de la maison tombe en panne. Un électricien vient pour le réparer. Une pièce manque, il part à sa recherche qui sera semée de rencontres et d’obstacles…

CRITIQUE DU FILM

Le sol dur, c’est à la fois celui que creuse le premier personnage de L’odeur du vent, mais aussi son titre original en Lori, la langue de cette région du sud-ouest de l’Iran où se déroule l’histoire. C’est aussi le berceau de cet auteur de 43 ans, Hadi Mohaghegh, qui, avec ce quatrième long-métrage atteint enfin les écrans français, après un passage au festival international de Busan et un prix au festival des Trois Continents de Nantes. Le trait est simple et concis, il est question de résoudre des problèmes, liés à une panne électrique qui prive un homme de l’énergie nécessaire au matelas anti-escarres de son fils handicapé. Tout est rustique et rudimentaire ici, une simple douille rouillée sur laquelle repose tout l’appareillage, et quelques poteaux électriques disséminés tout du long d’un paysage presque livré à lui-même. Si nous sommes accueillis par ce guérisseur se propulsant par la force de ses bras, c’est un électricien, agent de l’Etat, que nous allons suivre pendant près d’une heure et demie.


Ce travailleur de la ruralité iranienne est joué par le réalisateur lui-même, guide patient et courtois qui va aller de péripéties en problèmes sur le chemin de la tant recherchée électricité, lien entre les personnages. Les mots sont rares dans L’Odeur du vent, ce sont les actes et le travail qui font passer d’une scène à l’autre, sans aucune afféterie qui viendrait ralentir la narration. La mécanique au cœur du dispositif est presque celle d’un jeu vidéo : un aléa se présente, il faut le résoudre telle une énigme, afin de passer au casse-tête suivant, qui éloigne et rapproche tout à la fois de la résolution du « niveau » présenté. Une fois celui-ci complété, c’est un nouvel objectif qui se dessine, permettant à l’électricien de raconter une histoire qui est autant de portraits de cette vallée reculée, et qui, peu à peu, modifie l’idée que l’on se fait de ce personnage.

Serviteur de l’État, il se fait presque mécène, empli d’un zèle qui ne sert que ce guérisseur pour lequel il déploie des trésors d’ingéniosité. La voiture casse ? Il en loue une à ses frais, son compte est vide à force de dépenses ? Il vend une chèvre du troupeau de son frère pour payer un nouveau matelas électrique pour le fils de son client. Cette dévotion, qui raconte une humanité connecté au delà des mots, est une des clefs de L’Odeur du vent. Le lien qui existe entre chaque personnage du film, dans un silence qui n’est brisé que par les bruits de la nature (vent, ruisseau, animaux), est montré comme la denrée la plus précieuse de cette petite communauté. La douceur de chaque moment et de chaque nouvelle rencontre est presque confondante. Quand une vieille dame lui demande de ne pas toucher à leur installation électrique, elle en est la gardienne, pas un mot ne vient briser son discours. Au lieu de lui chercher querelle, l’électricien va de nouveau chercher une solution, allant à la rencontre du chef du village pour lui expliquer la situation.

L’odeur du vent d’Hadi Mohaghegh

De cette scène, douce puis amère, on comprend à quel point la vie et la mort sont terriblement connectées dans ce petit univers. Après avoir protégé son habitat, la vieille dame s’éteint, comme si après avoir rempli son office elle pouvait désormais reposer dans une paix éternelle. Le sens du devoir connecte ici les protagonistes, dans une compréhension mutuelle qui empêche tout heurt. Il faut souligner également la beauté de la photographie qui magnifie des lieux déjà féériques. Hadi Mohaghegh étire les journées et la beauté du soleil pour lui permettre de faire continuer cette mission cruciale, aider l’autre à subsister. On pense évidemment immédiatement au cinéma d’Abbas Kiarostami, dans cette manière de filmer le quotidien dans sa simplicité, utilisant la caméra comme un révélateur parfait de la société iranienne.

Une fois sa mission remplie, le réalisateur/acteur peut clore son histoire, disparaître de l’écran, et laisser la place au guérisseur dans un mouvement d’une grande harmonie, à l’image du reste de l’histoire. Si Hadi Mohaghegh s’évapore dans ce dernier plan, il laisse une trace indélébile avec ce très beau film qui démontre, une fois de plus, la vitalité et la force du cinéma iranien, qui n’a de cesse de révéler de nouveaux talents et de nouvelles histoires malgré l’adversité d’un système politique totalitaire qui entrave la liberté de sa population et de ses artistes.

Bande-annonce

24 mai 2023 – De et avec Hadi Mohaghegh et Mohammad Eghbali.




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