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LITTLE ODESSA

Joshua Shapira est un tueur à gages. Il exécute son boulot sans états d’âme. Jusqu’au jour où son commanditaire exige un contrat à Brighton Beach, quartier des Juifs russes appelé Little Odessa, où Joshua a passé son enfance.

Les liens du sang

Méconnu du grand public, Little Odessa reçut un accueil plutôt froid lors de sa première à la Mostra de Venise en 1994. Plus de 20 ans après, le film mérite d’être reconsidéré au regard de la carrière de James Gray. Little Odessa se regarde aujourd’hui comme le « brouillon » d’un futur grand cinéaste et pose les bases de toute la filmographie de James Gray, avec comme point d’orgue La nuit nous appartient, véritable référence de la catégorie polar.

Le film explore un thème central et universel aux réalisations de Gray : la famille. Il est question ici d’une relation fraternelle puissante entre un adolescent paumé et son grand frère qui trempe dans la mafia locale, sous le regard d’un père violent et d’une mère mourante. Une vraie tragédie grecque qui ne dit pas son nom. Un tableau si noir pourrait sortir tout droit de l’imagination du cinéaste, sauf que presque tout est ici autobiographique : la localisation à Brighton Beach, le poids de la mafia et l’environnement familial lourd. On parle visiblement mieux de ce que l’on connaît.

Il y a définitivement du Scorsese et même du Visconti dans ce premier long-métrage où le jeune Gray, fraîchement diplômé et âgé de seulement 24 ans, cherche à s’éloigner du flamboiement de la mafia italienne usé par le cinéma, pour raconter la discrète Organizatia : la mafia ukrainienne qui sévit dans le quartier de Brighton Beach à New York. On s’éloigne donc des clichés du costume 3 pièces et de la limo en cuir blanc pour s’immiscer dans une communauté discrète mais non moins violente.

Avec son directeur de la photo Tom Richmond, James Gray déclare s’être directement inspiré avec ambition des œuvres de Hopper, de Max Beckmann et des toiles de la Renaissance. Le résultat est impressionnant, entre clair-obscur et découpages hivernaux superbes. Le tournage, durant un des pires hivers de l’histoire de New York, a permis de transformer une contrainte évidente en véritable atout pour le film. L’omniprésence de la neige insuffle une dimension mystique à l’histoire et offre des moments suspendus, comme la scène à Coney Island. Faisant référence à des films de genre, notamment Rosemary’s Baby, il fait le choix d’un univers sonore minimaliste qui lui permet d’imposer une certaine brutalité sans toutefois chercher à soudoyer les émotions du spectateur. Pas un seul trait de bonheur ne vient adoucir ce récit âpre à souhait, renforcé par un scénario au pessimisme assumé et une réalisation sèche.

On frôle la perfection avec des acteurs livrant tous des interprétations remarquables grâce à la direction étonnamment mature de James Gray privilégiant la spontanéité des prises et l’imprévue des situations comme moteur de son histoire. Tim Roth, froid et intense, est d’une violence rare dans une scène d’improvisation d’anthologie face à Maximilian Schell. Scène, qui selon les témoignages, aurait pu virer au cauchemar tant la réaction hors caméra de Roth fut excessive. Mais la star de Little Odessa est bien Eddie Furlong, sortant tout juste du carton Terminator 2. L’acteur, aussi impressionnant que Leonardo Di Caprio dans The Basketball Diaries n’a malheureusement pas connu la même carrière. Un destin bien plus brillant pour James Gray, qui a su patiemment imposer son style dans le cinéma d’auteur en explorant une Amérique délaissée où seul un réalisateur de son rang peut aussi bien raconter les paumés.


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